C’est un artifice classique de propagande de présenter une opinion particulière comme une vérité consensuelle, de sorte que ceux qui la contestent ont l’impression de se marginaliser. Appliquant ce mécanisme à la Syrie, la presse occidentale et du Golfe attribue mensongèrement à l’ONU toutes sortes de positions qui ne sont pas les siennes. En réponse à des courriels de lecteurs, Thierry Meyssan pointe quelques manipulations de vocabulaire.
Les médias occidentaux et du Golfe ont, depuis longtemps, pris l’habitude d’employer l’expression « communauté internationale » pour désigner le groupe d’États conduits par les États-Unis, au mépris de tous les autres. On lit ainsi que, à propos de la Syrie : « La Russie et la Chine s’opposent à la communauté internationale » (sic).
Une étape suivante dans la désinformation a été d’inclure un refrain dans toutes les dépêches d’agence : « La répression a fait plus de 10 000 morts selon l’ONU ». Or, jamais l’ONU, n’a avancé de tels chiffres. Ceux-ci proviennent de certains experts qu’elle emploie : ceux du Haut Commissariat aux Droits de l’homme et du Conseil des Droits de l’homme pour être précis. Si l’ONU avait validé leurs rapports, le Conseil de sécurité aurait autorisé une intervention internationale. Seule l’Assemblée générale et subsidiairement le Conseil de sécurité sont habilités à parler au nom de l’ONU :
Voici que maintenant les médias occidentaux et du Golfe déforment la position de la Russie en l’accusant de se contredire. Selon eux, Moscou a mis en cause l’opposition syrienne pour le massacre de Houla alors qu’il a adopté hier une déclaration du président du Conseil de sécurité reconnaissant la responsabilité de l’État syrien.
Ceci mérite une explication de texte.
Le fait de condamner le massacre de Houla ne signifie pas que l’on accuse le gouvernement syrien d’en être coupable. En ce qui le concerne, le gouvernement de Damas a été le premier à condamner ces atrocités qu’il impute à son opposition armée. Une manifestation contre les crimes des groupes armés a immédiatement été organisée dans la capitale par des pro-Assad. Pour le moment, tous les protagonistes ont condamné le massacre, aucun ne l’a revendiqué.
Le fait d’affirmer que le gouvernement syrien est responsable du massacre ne signifie pas qu’on l’accuse d’être coupable. En vertu du principe d’indépendance et de souveraineté, un gouvernement est responsable de tout ce qui se passe sur son territoire. L’affirmation de cette responsabilité est une reconnaissance de ses prérogatives pour répondre à l’événement. Le propos du Conseil de sécurité signifie exactement l’inverse de ce que feignent de croire les médias : il affirme que le gouvernement syrien a le devoir d’intervenir pour protéger sa propre population, que l’usage de la force est légitime.
Sommer le gouvernement syrien de ne pas faire usage d’armes lourdes dans les zones peuplées en vertu des résolutions 2042 et 2043 ne signifie ni qu’on le rend responsable des massacres commis dans ces zones, ni qu’on lui interdit de réprimer les crimes de l’opposition armée, mais qu’on lui demande d’user de la force de manière proportionnée. Le Conseil de sécurité appréhende les troubles à l’ordre public en Syrie comme des problèmes de police et non comme une guerre civile. Dès lors, il attend des autorités syriennes qu’elles rétablissent l’ordre sans faire usage de l’artillerie —laquelle fait inévitablement des victimes collatérales—, même si les rebelles disposent aussi d’armes lourdes.
Les déclarations du Conseil de sécurité sont le fruit d’un consensus entre grandes puissances. Le vocabulaire utilisé doit être compris dans son sens le plus strict. Toute autre interprétation est abusive. Le Conseil n’a pas validé les imputations de la Haut-commissaire des Droits de l’homme accusant le gouvernement d’avoir tué plus de 10 000 manifestants pacifiques en un an. Le Conseil n’a pas attribué la culpabilité du massacre de Houla au gouvernement syrien. La Russie n’a pas varié dans ses positions.