La guerre en Syrie, appelée de manière incorrecte « guerre civile syrienne » sur Wikipédia (tout le monde sait aujourd’hui que la plupart des belligérants hors armée syrienne sont principalement étrangers), a débuté officiellement le 15 mars 2011. Cela fait donc plus de cinq ans qu’elle dure et elle n’est malheureusement pas encore à la veille de sa fin.
Le quotidien libanais As Safir a publié aujourd’hui un article faisant état d’une future rencontre entre Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan à Moscou sur le thème notamment de la Syrie. Plus d’une demi décennie après le début de ce conflit, que signifie cette rencontre et quelles sont les conséquences de ce conflit ?
La Turquie d’Erdogan, allié historique de Damas mais ayant retourné sa veste en soutenant les groupes djihadistes en Syrie, revient en arrière après le putsch manqué contre Recep Tayyip Erdogan, un coup d’État manqué qui avait probablement reçu l’aval de Washington, voire plus... Comme lors de chaque conflit, le complexe militaro-industriel est évidemment le grand gagnant puisqu’il a pu écouler allègrement son stock, qu’il s’agisse d’armes russes, iraniennes, états-uniennes ou israéliennes. Il y aura aussi un bon billet à faire prochainement dans le bâtiment et le génie civil car la Syrie a été dévastée. L’Iran et la Russie, en tant qu’alliés de Bachar al-Assad, vont probablement obtenir de nombreux contrats. Si Erdogan joue finement son retour, la Turquie, qui est un pays voisin, pourrait aussi participer à la reconstruction du pays dans une certaine mesure.
L’une des cause principales du conflit, le choix par Damas du pipeline iranien plutôt que qatari, ne connaîtra pas de changement, l’Iran ayant tenu fermement auprès de son allié et l’ayant soutenu militairement. Les Frères musulmans, ennemis de la famille al-Assad n’auront pas réussi à s’imposer non plus en Syrie.
D’un point de vue territorial, Israël, qui soignait les djihadistes blessés luttant contre l’armée syrienne, s’en sort bien puisque vu la situation fragile dans laquelle se trouve aujourd’hui la Syrie, la récupération du Golan est le cadet de ses soucis.
Les USA, le Qatar et Israël voulaient créer en Syrie un État fantoche kurde sur le modèle de celui qui se trouve en Irak et qui leur est soumis. Mais ni la Syrie, ni son voisin turc ne laisseront se créer ce projet. La Turquie ne souhaite évidemment pas donner d’idées idées aux Kurdes se trouvant sur son territoire, et veut aussi éviter la création d’une base arrière pour le PKK.
La Russie, qui a combattu efficacement les djihadistes, a acquis un prestige considérable. Il en est de même pour l’Iran, qui a aussi pu tirer bénéfice de ce conflit puisque son armée a été confrontée à la réalité d’un conflit armé. Bachar al-Assad est vu comme un leader courageux qui est resté dans son pays tout au long du conflit et qui n’a pas pris la fuite au premier pépin, comme l’avait par exemple fait le Chah d’Iran. Israël espérait barrer la route d’approvisionnement du Hezbollah par l’Iran, qui traverse la Syrie ; sur ce point il n’a pas atteint son objectif et l’avantage asymétrique de l’Iran sur l’« État juif » via le Liban perdure.
Pour conclure, les Syriens du quotidien sont évidemment les grands perdants de ce conflit : ceux qui y sont morts, y ont perdu des proches, ont été blessés ou ont perdu leur logement. Les pays de la région tels que la Jordanie ont subi les conséquences migratoires de cette guerre, sans oublier l’Union européenne – pour le plus grand bonheur de son adversaire économique le plus acharné, les États-Unis d’Amérique.
Mise à jour du 05/09/2016
Aujourd’hui, le Kremlin a démenti l’information du quotidien libanais As Safir selon laquelle Vladimir Poutine, Bachar al-Assad et Recep Tayyip Erdogan devaient prochainement se retrouver à Moscou. Une telle rencontre reste néanmoins très plausible dans un futur proche du fait de l’implication et du poids de la Russie, ainsi que de l’évolution de la politique turque dans le dossier syrien.
La Turquie a annoncé ce week-end avoir chassé Daech de sa zone frontalière avec la Syrie. Rappelons que la Turquie facilitait autrefois le transit des djihadistes allant se battre contre le gouvernement syrien et leur apportait même une aide logistique. La Turquie a aussi entrepris la construction d’un mur le long de sa frontière avec la Syrie, sur le modèle israélien. L’objectif principal de ce mur est l’affaiblissement des forces kurdes, qui se retrouveront séparées des deux côtés de la frontière. Officiellement, Ankara demande toujours le départ de Bachar al-Assad, mais après le putsch manqué contre Erdogan, la donne a probablement changé – du moins officieusement.