Mes chers compatriotes,
André Darmon me demande une adjonction à la publication de l’interview qu’il m’a fait l’honneur de m’accorder. Il me prie amicalement de clarifier ma position sur des points selon lui essentiels à la compréhension de ma démarche.
Je pensais avoir été clair en demandant pardon à mes compatriotes de la communauté juive.
Je l’ai fait humblement en évitant la surenchère qui aurait consisté à vouloir me justifier.
J’ai parlé d’erreur, de faute… J’ai battu ma coulpe comme se devait de le faire le pécheur que je suis et le pénitent que je veux être. Je n’ai pas cherché à invoquer de circonstances atténuantes, et j’ai expliqué pourquoi j’estimais ne pas en avoir. Je n’ai pas cherché à me trouver des excuses, mais seulement à demander pardon.
Je l’ai fait le plus simplement du monde pour soulager ma conscience, et sans arrière-pensée ; dans l’espoir aussi de faire du bien à ceux que j’ai pu offenser.
Je l’ai fait parce que ce rêve que je caressais depuis longtemps devenait enfin possible par l’entremise de Francis Lalanne et le concours d’André Darmon.
Francis qui m’a écouté fraternellement ; et André qui, avec courage et bienveillance, m’a ouvert, les colonnes de son journal.
Quel mal ont-ils fait exactement ? Je ne comprends pas. Pourquoi ce déferlement de violence à leur encontre…
Faut-il considérer aujourd’hui qu’il est répréhensible d’œuvrer à la réconciliation des Français ?
Faut-il considérer aujourd’hui qu’il est répréhensible d’œuvrer à la fraternité ?
Si je me repends aujourd’hui, c’est bien parce que je considère moi-même avoir causé de la peine. Alors où est le problème ?
Dans la mesure où certains refusent l’idée même de mon repentir, disons-le : ce n’est plus mon procès qu’ils font : c’est celui du pardon.
Ma démarche de pardon crée le trouble et la suspicion chez certains. Jusque parmi mes amis comme Alain Soral que ma demande de pardon semble plonger dans « l’incompréhension ». D’autre part, certains de mes détracteurs semblent regretter en ma personne l’archétype de l’antisémite notoire qui soudain manquerait à l’appel…
À mon ami Alain Soral, je répondrai seulement ceci : quelle que soit la force de notre amitié, je ne partage pas la vision du : « ni oubli ni pardon ». Moi, je veux être dorénavant l’apôtre du pardon, de la paix et de la réconciliation à l’intérieur de la nation française. Pour ce qui est de l’oubli, chacun doit rester libre.
Je pense que l’oubli peut être aussi un bon remède contre les rancœurs de la haine, de la tristesse, et même contre les travers de la nostalgie…
Je veux oublier, moi, le mal qu’on m’a fait, et c’est bien volontiers que je pardonne à ceux qui m’ont fait du mal et à ceux qui m’en veulent.
Mais tout cela, cher Alain, nous aurons l’occasion d’en parler.
Quant à ceux de mes détracteurs qui ne peuvent se résoudre à me voir jeter au feu les oripeaux d’antisémitisme dont la vox diaboli a voulu, hélas, m’affubler, je suis aux regrets de les contrarier une nouvelle fois. Il faut que « ces gens-là », comme le chantait Jacques Brel, comprennent qu’ils ne doivent pas compter sur moi pour incarner l’antisémitisme auquel ils ont recours pour justifier leur propre violence. Que ce soit clair pour tout le monde et redit une fois pour toutes : je ne suis pas antisémite. Je ne l’ai jamais été, et ne veux pas l’être.
En ce qui concerne Israël, je découvre depuis ma demande de pardon des Israéliens courageux et sincères, prêts à échanger et à œuvrer pour la paix. Étant, et cela m’a été reproché, un ami des peuples iranien, syrien, libanais et palestinien, je suis idéalement positionné pour travailler sur le terrain artistique au rapprochement entre Israël et ses voisins.
Et puisque André me demande aujourd’hui de le réaffirmer solennellement, je suis radicalement opposé à toute idéologie d’extermination du peuple israélien. Je ne veux plus être utilisé comme icône antisémite, mais comme acteur de la réconciliation.
Pour le reste, je ne veux plus m’exprimer sur les sujets de société que dans mon costume de bouffon et par le biais de l’humour. Je le mesure aujourd’hui, ma précédente posture adoptée un temps par bravade n’a pas contribué à répandre l’harmonie dans mon sillage.
Par souci d’apaisement, j’y renonce aujourd’hui. Et je demande à tous, amis et ennemis, de respecter ce choix qui est le mien. Désormais, je veux me cantonner à mon rôle d’humoriste.
Je veux employer toute mon énergie à distraire, à faire rire, et contribuer par mon art à la pacification du monde ; à la réconciliation entre les âmes.
Voilà : que dire de plus ?
On me demande çà et là d’en finir avec ma fameuse quenelle dont certains de mes détracteurs ont voulu faire un symbole nazi. Non : ma quenelle n’est pas comme certains ont voulu le faire croire : « un salut nazi inversé ». Ma quenelle n’est pas et n’a jamais été l’expression d’un « geste antisémite ».
Ma quenelle, c’est un geste d’émancipation de l’esclave, un geste d’insoumission, d’homme libre. Ma quenelle, c’est ma dignité d’homme noir. Je veux bien plaider coupable pour mes excès, mes outrances, mes ratages : mais pas pour le détournement que certains ont voulu faire de mes créations…
Je ne veux pas cautionner la fausse interprétation que l’on a faite de ma quenelle. Et j’espère que la communauté juive, à son tour, reprendra ce geste, non pas comme un artefact antisémite, mais comme le signe de ralliement de tous ceux qui veulent vivre libre et rire à mes spectacles.
Je veux terminer en remerciant mon public toujours aussi nombreux à venir à ma rencontre.
Ce qui prouve bien que l’antisémitisme n’est pas et n’a jamais été un fonds de commerce pour moi.
Voilà, j’en ai terminé. À présent, je donne rendez-vous à ceux qui le désirent, pour rire ensemble de ce monde de fous.
Il y a 20 ans Haim Korsia qui n’était pas encore grand-rabbin de France, m’avait invité à l’accompagner à Auschwitz et cela n’avait finalement pas pu se faire.
Si sa proposition tient toujours, je me ferai un plaisir de l’accompagner là-bas pour nous recueillir ensemble.