On était habitués à voir la presse mainstream montrer sa préférence pour la version oligarchique des choses, mais de là à prendre totalement parti contre le peuple français, c’est chose rarement vue. Le journal gratuit 20 Minutes vient de commettre une double faute : d’abord il a violé la neutralité de tout titre de presse, et ensuite il s’est coupé de la grande masse de ses lecteurs. Seule une injonction forte du pouvoir, qu’il soit visible ou profond, peut expliquer une telle stratégie.
Attaque gratuite
En même temps, 20 Minutes, tout le monde s’en fout, c’est un gratuit qu’on jette après trois minutes de lecture, quand on pense à le prendre. Mais il fait encore partie des « grands » quotidiens nationaux. Enfin, quand on dit grand, c’est pour dire qu’il est reconnu par les autres grands comme tel, le signe d’un entre-soi très fermé. Fermé aux autres titres venus de l’Internet évidemment. Voici l’article du 7 décembre 2018. Ça commence très fort :
« “Incitation à la haine”, “revendications aberrantes”... Nos internautes expliquent pourquoi ils ne soutiennent pas (ou plus) les gilets jaunes »
Pour justifier cet article inique, qui fausse la réalité, 20 Minutes argue qu’il s’intéresse à la minorité qui ne supporte pas les Gilets jaunes. C’est bien la première fois qu’un titre mainstream s’intéresse à ceux qui ne sont pas d’accord.
« Selon un sondage Odoxa pour franceinfo et Le Figaro publié jeudi, 77% des Français pensent que le mouvement des « gilets jaunes » est justifié. Mais qu’en est-il du quart des Français qui ne le soutiennent pas ?
Revendications anti-écolo, spirale de la violence, manque de solutions... De nombreux internautes ont partagé leurs inquiétudes et critiques vis-à-vis du mouvement qui reste populaire. »
il est vrai que la statistique de quatre Français sur cinq qui soutiennent le mouvement né le 17 novembre 2018 fait peur : cela exprime un basculement possible de la démocratie bidon vers une démocratie réelle. On n’en est pas encore là mais comme dit le sage, on avance pas à pas. Chaque chose en son temps.
Suicide éditorial
« Un mouvement populaire, spontané peut-il imposer aux Français qui souhaitent prendre leur voiture d’adhérer à leur cause ? “Dès le départ, j’ai été heurté par ces rassemblements qui me privaient d’une liberté (circuler) et me contraignaient à adhérer, comptant sur ma peur : mets un gilet jaune, klaxonne, donne de l’argent, fais 3 tours de rond-point si tu veux passer…”, regrette Nicolas.
Critique partagée par Rafael, choqué par ces signes de solidarité contraints exigés par les Gilets jaunes : “le mouvement des "gilets jaunes" est désormais anti-démocratique. Il faut montrer sa solidarité en montrant son gilet jaune si l’on veut passer aux ronds-points. Sans ce sésame, outre le fait de rester bloqué, l’on s’expose à des menaces, des injures voire des dégradations sur son véhicule”. »
Nicolas a été « heurté », Rafaël est « choqué ». La violence des Gilets jaunes ne fait aucun doute : c’est un mouvement fasciste, d’ultradroite, qui piétine la liberté de penser et de circuler de citoyens pacifiques ordinaires !
On ne va pas diffuser tous les témoignages des amis de BHL et Macron, il suffit de lire la suite de l’article. On vous offre juste la fin, éloquente :
« Plus de quarante mails (pour le moment !), plus de 1.000 commentaires pour ce très riche appel à témoignages… Nous tenions à remercier les internautes qui ont pris le temps de nous envoyer des témoignages longs, argumentés et nuancés sur un sujet particulièrement complexe. »
On ne savait pas qu’il suffisait de 40 mails pour déclencher un article dans 20 Minutes !
On comprend mieux ce basculement quand on sait que la LICRA diffusait la veille une diatribe signée Mario Stasi, président de l’association communautariste (on a laissé les fautes de français, il y en a plein, et on a bien rigolé quand la LICRA s’est autoproclamée « association apolitique ») :
Gilets jaunes, les risques d’une dérive
Le mouvement des gilets jaunes touche la France depuis trois semaines. Il s’agit, à l’origine, d’un mouvement politique et social dont les revendications appartiennent au débat public. À ce titre, la LICRA, association apolitique, n’a pas vocation à s’exprimer sur les sujets soulevés par les gilets jaunes.
Néanmoins, notre rôle est d’alerter l’opinion sur les risques charriés par ce mouvement dont l’horizon idéologique très bigarré ouvre la voie à de nombreuses dérives.
La première dérive, visible, est celle de la violence. Les scènes de chaos observées chaque samedi dans les rues de Paris montrent que des mouvements extrémistes, organisés ou non, ont décidé d’en découdre avec l’ordre républicain et de créer, à la faveur de violences urbaines inacceptables, un climat insurrectionnel en ciblant nos symboles, nos institutions, nos forces de police et de gendarmerie.
La seconde dérive, latente, est celle du repli identitaire, du racisme et de l’antisémitisme. On a vu fleurir dans les revendications des « gilets jaunes » des propositions qui présentent un danger immédiat pour la cohésion nationale et qui opposent les « gros » contre les « petits », sur fond d’une rhétorique poujadiste bien connue. On a vu de nombreux incidents racistes, à l’image de ces gilets jaunes bloquant une entreprise au motif que ces salariés étaient d’origine roumaine, à l’image également de cette personne noire qui, voulant passer un barrage s’est opposer des invectives atroces (« « Retourne chez toi ! » « Retourne dans ton pays ! » « Dégage ! » »). À l’image des tags antisémites que l’on peut trouver sur le bord des autoroutes ou dans les rues depuis le début du mouvement. À l’image enfin des délires complotistes et anti-maçonniques qui accompagnent à chaque fois ces débordements.
La troisième dérive, terrible, est celle de la radicalisation du mouvement par des professionnels de la haine et du rejet de l’autre.
La troisième dérive, terrible, est celle de la radicalisation du mouvement par des professionnels de la haine et du rejet de l’autre. Les extrémismes tentent de projeter leurs obsessions sur un mouvement désorganisé et déstructuré et de profiter de ce vide pour mener à bien leur projet anti-républicain. La présence d’Hervé Ryssen et de Dieudonné sur les Champs Elysées témoigne de ce que les antisémites et les racistes ne ratent aucune occasion de manipuler l’opinion, de s’exposer et de gagner en visibilité par tous moyens. Le fait que le journal Paris Match ait mis en une, fût-ce fortuitement, en une un gilet jaune raciste, antisémite et négationniste mutltirécidiviste tel qu’Hervé Ryssen en dit long sur les velléités des fauteurs de haine mais aussi de la légèreté et du manque de lucidité de la presse dans la manière de traiter ces questions. L’extrême-gauche identitaire, qui n’a jamais rechigné à abriter l’antisémitisme dans ses cortèges, n’est pas en reste en tentant, quant à elle, de régler des comptes, y compris par la force, avec une République qu’elle n’a jamais cesser de vouer aux gémonies.
Face à cela, nous avons un responsabilité collective
Celle de faire en sorte que le débat politique ne cède en rien à la violence raciste et antisémite, que le mouvement social dont chacun comprend les ressorts, les revendications et les aspirations sincères qui sont exprimées par une partie de la Nation, reste digne et se déploie dans le cadre républicain, celui du suffrage universel, celui des droits dévolus par la Constitution : celui de manifester, celui de faire grève, ou encore celui de se présenter aux élections. Il est temps aussi que l’on redonne aux corps intermédiaires un rôle à jouer et que les associations, notamment les associations antiracistes universalistes comme la nôtre, chaque jour investies sur le terrain, dans les écoles, dans les universités, dans les entreprises, dans les stades soient entendues et considérées pour ce qu’elles sont : des relais indispensables à la cohésion nationale grâce à des militants chargés d’une véritable mission de service public.