La démission de Hosni Moubarak ce vendredi 11 février (et non son départ en catastrophe comme ce fut le cas pour Ben Ali), et la prise de pouvoir par l’armée égyptienne dans l’attente d’élections démocratiques, semblent obéir aux mêmes règles fixées par Israël et le sionisme. C’est ainsi que le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a informé son gouvernement qu’il avait eu un entretien téléphonique avec le chef du Conseil suprême des forces armées égyptiennes, Mohamed Hussein Tantawi, dès le 12 février…
Au cours de cet entretien, le plus haut responsable de l’armée égyptienne a tenu à rassurer le Premier ministre israélien : le nouveau pouvoir égyptien respectera le traité de « paix » signé entre l’Égypte et Israël en 1979. Ce traité est, en réalité, un abandon du peuple palestinien et une reconnaissance de l’entité sioniste. Il a ainsi ouvert une longue période de collaborations de toutes sortes – militaires, policières, politiques, économiques, etc. – entre le Caire et Tel Aviv. Les deux premières victimes de cette trahison ont été le peuple palestinien dans ses souffrances quotidiennes, et le peuple égyptien dans sa dignité.
On voit immédiatement le rôle attribué par l’USraël (Barack Obama en tête) à l’armée égyptienne : veiller à ce que l’Égypte reste dans le camp sioniste (Israël, USA, UE). Autrement dit, il ne faut surtout rien toucher à la politique extérieure de l’Égypte, et continuer à s’opposer au peuple palestinien et à tous ceux qui combattent le sionisme. Mais une autre fonction a également été donnée à l’armée : canaliser et dévoyer le mouvement populaire, en faisant quelques concessions quitte à faire payer la note à quelques membres du clan Moubarak…
Il existe cependant une inconnue. Le peuple égyptien se laissera-t-il démobiliser, pour au final continuer à subir le même régime que sous Hosni Moubarak, sans Hosni Moubarak ? La mobilisation massive, le nombre élevé de martyrs, les espérances de toute une nation… Tout cela a été trop important pour que la population se contente de promesses, sans obtenir de gages sérieux du nouveau pouvoir. D’autant plus qu’un vaste mouvement social s’est déjà greffé au mouvement démocratique.
La marge de manœuvre permettant de calmer le jeu, et qui se limite à quelques miettes (hausses modérées de salaire, lois sociales, etc.), semble bien mince. L’économie égyptienne est par ailleurs victime des prédateurs du clan Moubarak (dont les officiers supérieurs égyptiens ont fait partie), le tout dans un contexte de crise économique mondiale. Or, il semble difficile de satisfaire les revendications de la population sans un changement complet des perspectives politiques et économiques. Un tel changement suppose, plus ou moins, une rupture des alliances actuelles de l’Égypte, et une réorientation totale de sa politique, y compris étrangère.
Voilà donc le grand écart qui est demandé à l’armée égyptienne : maintenir l’alliance avec le bloc américano-sioniste, tout en satisfaisant – en partie – les revendications démocratiques et sociales de la population. Cet équilibre, pour le moins instable, va-t-il tenir longtemps ? Tout dépendra de la pression populaire, et de sa capacité à ne pas se laisser tromper. Cela dépendra aussi d’une question rarement posée : l’armée égyptienne n’est-elle pas, elle aussi, traversée par les mêmes courants qui agitent sa société ? Si l’armée devait un jour choisir entre le peuple égyptien et l’USraël, que ferait-elle ? Irait-elle jusqu’au bain de sang ?
L’Égypte ne pourra rester éternellement dans la « transition dans l’ordre » voulue par Barack Obama. L’heure des choix arrive, et la position égyptienne vis-à-vis du sionisme et d’Israël sera de plus en plus décisive. Le fond du problème est en effet là, et Tel Aviv a raison de continuer à s’inquiéter, malgré les garanties du Conseil suprême des forces armées égyptiennes…