Une baisse de « 30 % de la consommation des énergies fossiles d’ici 2030 », voici l’objectif aux accents très électoraux lancée par le président de la République, qui rend perplexe, c’est le moins qu’on puisse dire, l’ensemble des professionnels de l’énergie.
Une telle évolution suppose clairement la continuation de deux voies. Premièrement, la baisse absolue de la consommation d’énergie, via les méthodes d’efficacité énergétique (bâtiment, processus) ou de substitution (transports) ; une démarche louable, on en conviendra. Et deuxièmement, la continuation de la « transition énergétique », qu’on pourrait aussi appeler la marche forcée vers les énergies renouvelables. Voici un rappel en quelques lignes de cette dangereuse initiative électoraliste.
La fameuse « transition énergétique », qui consiste à doper le développement des énergies renouvelables via une taxation exponentielle sur l’électricité (la taxe CSPE, qui est passée en quelques années de 4,5 €/MWh à 13,5 €/MWh, ce qui représente plusieurs dizaines de milliards d’euros par an [1] pose en effet un problème structurel de taille : les jolies éoliennes et panneaux photovoltaïques ne sont pas des sources d’énergie capables de répondre à ce qu’on nomme la « pointe », c’est-à-dire la hausse forte et soudaine de consommation électrique en période de grand froid.
Cette « pointe » est traditionnellement assurée par les centrales thermiques, capables de démarrer en trombe pour fournir l’électricité nécessaire en urgence. Seulement, en l’absence de subventions supportant ces installations « backup », qui se voient ravir les financements au profit des énergies renouvelables, les acteurs s’en détournent. Résultat, en quelques années, l’équivalent de trente fois Fessenheim en puissance installée sur des centrales thermiques à gaz ont été supprimées, si bien que de nombreux professionnels de l’énergie, à commencer par le management du Réseau de transport d’électricité (RTE) craint ne pas pouvoir faire face si l’hiver prochain s’avère rude. La France, grande puissance électrique aux atouts solides, redevient ainsi exposée au risque de blackout de grande ampleur en plein hiver !
Le plus lamentable est que finalement l’objectif même du développement des énergies renouvelables, à savoir l’amélioration du bilan carbone de l’Europe, est aujourd’hui au point mort. En effet, comme il faut bien assurer cette pointe, et que certaines conditions de marché particulières (CO2 et charbon moins cher) encouragent l’utilisation des centrales charbon, ces dernières connaissent une deuxième jeunesse. Cependant, les centrales au charbon polluent beaucoup plus que les centrales au gaz [2]…
Aujourd’hui, le développement des énergies renouvelables tel qu’il a été géré a donc affecté la compétitivité via les taxes qu’il suppose, a fragilisé la sécurité d’approvisionnement national, et n’a même pas atteint son objectif de réduire les émissions carbones. Bilan difficile à défendre, si l’on exclut la satisfaction des Verts, le parti bobo qui ne représente bientôt plus que lui-même mais reste nécessaire au PS d’un point de vue électoral…
L’autre aspect important de la politique de l’énergie de ces dernières années est la libéralisation de la partie commercialisation. Au-delà de l’échec total de l’ouverture du marché de l’électricité, le gouvernement se vante amplement de la réussite relative de la libéralisation du marché du gaz qui a, il est vrai, fait fortement baisser les prix. Mais en l’absence de politique nationale de sécurisation des approvisionnements, le « tout marché » à l’anglo-saxonne connaît aussi ses limites : les acteurs, en situation de compétition, font le choix de se détourner du stockage, très onéreux.
Ainsi, c’est cette fois-ci au tour des professionnels du transport de gaz de s’inquiéter : un hiver un peu rude pourrait mettre la France en difficulté, comme cela s’est produit en Grande-Bretagne, « l’exemple » en matière de libéralisation des énergies, qui a frôlé la catastrophe l’hiver dernier et a dû interrompre des approvisionnements industriels en 2010 [3]. « Mais le gaz est bien moins cher qu’avant » nous dira-t-on. C’est vrai. Tellement vrai que le gouvernement en profite du coup pour faire passer progressivement l’une des taxes sur le gaz, la TICGN, de 1,19 €/MWh aujourd’hui à 4,45 €/MWh en 2016, et en généralisant son périmètre aux particuliers [4]. Une augmentation substantielle, au regard du prix moyen du gaz (environ 40 €/Mwh), dont le gouvernement ne s’est pour l’instant pas trop vanté.