Le 10 octobre dernier Arianna Huffington dirigeante du Huffington Post, site américain d’information en ligne, a annoncé à Paris l’ouverture mi novembre d’une version française du site. Le projet sera mené en partenariat avec Le Monde et les Nouvelles Editions Indépendantes dirigées par Mathieu Pigasse, également actionnaire du Monde.
Crée en 2005 le Huffington Post est un "pure player" de l’information en ligne. En moins de 6 ans, il est devenu le premier site d’information aux Etats-Unis dépassant en mai 2011 le New York Times en nombre de visiteurs uniques. Racheté par AOL en février, il a ouvert des versions canadienne et anglaise du site en mai et juillet de cette année.
Le choix du Huffington Post de privilégier la France pour sa troisième déclinaison hors des Etats-Unis après le Canada et l’Angleterre peut surprendre. Pourquoi n’avoir pas opté pour l’Australie, l’Inde, le Mexique, l’Allemagne voire la Corée du Sud, pays où le Huffington Post dispose déjà d’une audience très nettement supérieure à celle enregistrée en France ?
Lorsque Sylvie Kauffman, Directrice de la rédaction du Monde, participe en novembre 2010 à une conférence organisée par la French American Foundation sur le futur du journalisme en France et aux Etats Unis, la perspective d’une collaboration entre titres de presse des deux pays est elle déjà envisagée ?
Créée en 1976, la French American Foundation a pour mission de "promouvoir le dialogue et de renforcer les liens entre les deux pays". "En faisant apparaître les réponses respectives aux questions communes et leurs implications politiques, économiques et sociales, elle favorise à la fois une meilleure compréhension mutuelle et la recherche de solutions partagées".
Parmi les actions de cette fondation, le programme Young leaders donne lieu chaque année à la sélection de 30 talents issus pour moitié de chacun des deux pays, de tous horizons et tous secteurs, pour un cycle de rencontre et d’échanges sur des sujets d’actualité communs aux deux pays. "L’objectif de cette sélection prestigieuse est de créer et d’entretenir un réseau informel d’hommes et de femmes appelés à occuper des postes clefs dans l’un ou l’autre pays".
Une telle démarche peut être assimilée à une stratégie soft permettant de soumettre les possibles futurs dirigeants français à l’influence de la vision américaine du monde et de se gouvernance. Influence d’autant plus inquiétante lorsqu’elle vise des dirigeants du monde de l’information. Sylvie Kauffman, rédactrice en chef du Monde, Louis Dreyfus et Mathieu Pigasse, prochains partenaires du Huffington Post, ont tous trois fait partie du programme "Young leaders".
Pour évoquer son désir de mettre en place d’une ligne éditoriale française, Arianna Huffington explique qu’" il est important pour nous de capter l’esprit et la culture des français". Une formule bien ambiguë. Le soir de l’annonce du lancement de la version française du site, Arianna Huffington était reçue pas l’ambassadeur américain en France, Charles Rivkin, lui-même acteur clé d’un important programme stratégique des Etats Unis visant à influencer les minorités en France !
Il est donc plus que légitime de s’interroger sur la finalité directe ou indirecte du projet du Huffington Post et sur l’objectivité de l’information qui sera développée.