La vente d’Alstom Énergies à General Electric a donné un avantage compétitif aux Américains et son rachat avant la présidentielle française ne répare pas les dégâts, estime Marc German, expert en intelligence économique.
Le 10 février, Emmanuel Macron a présenté sa nouvelle stratégie énergétique pour la France. Depuis le site de production de General Electric à Belfort, celui qui a validé la fermeture de la centrale de Fessenheim a annoncé la construction de six nouvelles centrales nucléaires. Une énergie naguère conspuée par les écologistes, qui est désormais présentée comme l’avenir du développement propre.
Surplombant littéralement Macron à l’usine de Belfort, se trouvaient des turbines à vapeur pour centrales nucléaires « Arabelle », fabriquées par General Electric en France. En tant que ministre de l’Économie en 2014, Macron avait supervisé la vente de ce site et de la branche « électricité » d’Alstom au géant américain. Celle-ci est intervenue après qu’Alstom a été condamnée à une amende de 772 millions de dollars et que ses cadres ont été visés par la justice américaine, accusés d’avoir enfreint la loi anticorruption américaine.
Et voilà qu’à quelques semaines de la présidentielle, l’actuel hôte de l’Élysée et candidat probable à sa réélection annonce leur rachat par EDF, détenu à 80 % par l’État. Coût de la transaction : 1,1 milliard d’euros, contre les 9,7 milliards empochés par Alstom lors de la vente initiale, détaille la revue Challenges.
Marc German, spécialiste en intelligence compétitive et industrie de la défense, estime que ce dernier rachat ne représente pas tout ce qui a été vendu aux Américains :
« Seule la branche électrique – qui a été vendue à 500 millions d’euros à l’époque – a été rachetée. On la rachète deux fois plus cher puisqu’on la paie aujourd’hui un milliard. On la paie plus cher simplement parce que le vendeur a compris que c’était une épine dans le pied de l’exécutif français. »
Le rapatriement, pour des raisons de souveraineté, ne répare cependant pas tous les dégâts de la vente initiale, explique notre intervenant :
« Les Américains ont maintenant connaissance de tous les brevets et la façon dont on les fabrique. C’est un gain direct. La propriété intellectuelle s’est érodée, évaporée. C’est un scandale, voire un crime économique parce que cette vente n’était pas seulement un problème pour notre souveraineté, derrière il y a eu des emplois qui ont été sacrifiés et une casse humaine. »
Marc German considère par ailleurs que ce n’est pas « la fin de l’histoire » :
« Il y aura d’autres Alstom, comme il y a eu des Pechiney, ce n’est pas l’apanage d’Emmanuel Macron. Avant il y a eu Nicolas Sarkozy qui a eu une responsabilité directe dans les mésaventures d’Areva. Le rôle de l’État, c’est de soutenir son champion industriel, pas de lui tirer dans le dos. »
Sur le « pacte de corruption » et l’affaire Alstom,
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