Les conférences de Marion Sigaut sont toujours très intéressantes (bon, sauf que je les connais maintenant par coeur), mais à mon sens, le ton très polémique et partisan éclipse l’argumentation. On a des citations non-sourcées, des affirmation catégoriques ("jamais", "toujours", etc), des généralités difficilement vérifiables (sur l’emploi de la torture dans le processus judiciaire, par exemple), qui rendent ces conférences quasiment inutiles pour extraire/développer du matériel argumentatif en vue de convaincre rationnellement une personne sceptique, voire persuadée de la grandeur de Voltaire, humaniste du siècle des Lumières.
Par exemple, le grand mouvement prônant le libéralisme économique (avant l’invention de ce terme) s’appelait la physiocratie, et il y a un article Wikipédia là-dessus, ce qui donne du poids à l’argumentation vis-à-vis d’un interlocuteur sceptique. Je suis étonné que Marion ne mentionne quasiment jamais ce terme (en fait, je n’ai pas souvenir qu’elle y ait fait référence une seule fois). Toute personne qui est sensible à la critique du capitalisme, de la mondialisation, ou du libéralisme, pourrait être touchée/impressionnée par la découverte de cette doctrine dont Voltaire faisait la promotion.
Le XVIIIe siècle est en fait très mal connu de la grande majorité de la population, qui s’imagine qu’à l’époque il y avait d’un coté de Roi et l’Eglise, et de l’autre les philosophes des Lumières qui réunissaient toutes les qualités et étaient précurseurs de toutes les avancées sociales et politiques. Montrer Voltaire en riche bourgeois opportuniste laudateur des principes libéraux capitalistes peut faire mouche chez beaucoup de gens. A cette fin, donner des détails exacts et vérifiables sur les divers contrats (par exemple de fourniture militaire) qu’il a pu décrocher et qui ont fait sa fortune serait un argument de poids montrant notre maîtrise du sujet.
De manière générale, Marion ne nous fait pas assez bénéficier, je trouve, de son expérience d’historienne, puisqu’elle reste souvent vague sur les sources. A mon sens, la critique de l’homme Voltaire n’est pas si intéressante ni constructive que le travail d’éducation populaire qu’il y a à faire en poussant à s’intéresser aux sources, base de la méthode historique. Au final, on retient une succession de jugements de valeur affirmés avec autorité, plus qu’une argumentation point par point susceptible d’être reprise pour fermer la bouche et faire réfléchir nos contradicteurs. Dommage.
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