Les États-Unis semblent déçus par les échecs de leur stratégie syrienne : Damas reporte régulièrement l’évacuation de son arsenal chimique, la Russie lui envoie des armes et la conférence de paix Genève 2 n’a même pas résolu les questions humanitaires, écrit jeudi 6 février le quotidien Nezavissimaïa gazeta.
En attendant, la Syrie s’est transformée en nid de djihadistes envisageant des attaques en Amérique. Bachar al-Assad, quant à lui, renforce ses positions et rend ainsi le renversement éventuel de son régime encore plus compliqué pour les forces d’opposition. Washington veut donc changer d’approche : il a déjà changé son ambassadeur à Damas.
Les commentaires sur Genève 2 sont loin d’être optimistes. "Nous n’avons rien obtenu", tranche Lakhdar Brahimi, médiateur international de l’ONU et de la Ligue arabe dans le cadre du conflit syrien. Les parties ne se sont même pas accordées sur des questions comme l’échange de prisonniers et de personnes kidnappées, ou encore l’aide humanitaire pour la ville de Homs où la situation, selon l’ONU, rappelle celle du Rwanda à l’époque du génocide.
Damas a proposé d’évacuer la population civile, d’apporter une aide humanitaire et de faire partir les combattants. Mais l’opposition n’a aucune envie de quitter Homs et les autorités se doutent que les rebelles pourraient poursuivre leurs attaques après avoir reçu la nourriture et les médicaments.
La nécessité de trouver de nouvelles approches est renforcée par le fait que la Syrie est actuellement un pôle d’attraction du terrorisme international. Selon le chef du renseignement national américain James Clapper, le nombre de djihadistes en Syrie a atteint 26 000 combattants.
Le Front Al-Nosra dit "rêver" d’organiser des attaques sur le territoire américain. Le sénateur Lindsey Ghaham insiste sur une frappe préventive en Syrie sous prétexte de lutte stratégique contre Al-Qaïda.
On perçoit déjà les premiers signes de changement dans la stratégie américaine. A Munich le secrétaire d’Etat John Kerry a proposé au chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov d’impliquer les puissances régionales. Il s’agirait d’organiser, en marge de la conférence de Genève, une rencontre des financeurs principaux des belligérants : l’Arabie saoudite et la Turquie qui soutiennent l’opposition, et l’Iran, allié de Bachar al-Assad.
Autre signe : la révocation de l’ambassadeur américain Robert Ford, qui travaillait avec l’opposition hors du pays. Il a été l’une des figures-clés de Genève-2 mais les tâches actuelles exigent une autre personne.
Moscou, de son côté, ne considère pas Genève 2 comme un échec total : la participation des parties jusqu’au bout des négociations est déjà un facteur positif. Qui plus est, tout le monde est prêt à revenir à Genève le 10 février pour poursuivre les pourparlers. Moscou a également accueilli pour la première fois la délégation de la Coalition nationale syrienne dirigée par Ahmad Jarba et Burhan Ghalioun, du Conseil national syrien, qui avait boycotté Genève 2. Lors de leur entretien de quatre heures avec Sergueï Lavrov ils ont assuré ce dernier de leur volonté d’élargir la délégation. Le CNS sera donc probablement présent pour la deuxième étape des négociations.
Moscou tente également d’apaiser les craintes de Washington concernent les armes chimiques. Le vice-ministre russe des Affaires étrangères Guennadi Gatilov assure que l’évacuation de cet arsenal sera achevé d’ici le 1er mars.
Rose Gottemoeller, secrétaire d’Etat adjoint par intérim, devrait se rendre en Russie pour discuter encore une fois de cette question. Le président syrien est arrivé à renforcer ses positions de manière très significative, et a évité une frappe aérienne après avoir consenti à supprimer son arsenal chimique, déplore James Clapper. Aujourd’hui les chances de renverser le régime sont de plus en plus minces. La situation en Syrie pourrait donc arriver à un pat : aucune partie ne serait alors en mesure de gagner.