Les forces de sécurité yéménites ont ouvert le feu lundi sur des manifestants qui cherchaient à prendre d’assaut les locaux du gouverneur de la province de Taëz, à 200 km au sud de Sanaa, tuant au moins 15 d’entre eux et en blessant 30 autres, selon des sources médicales.

Le massacre s’est produit lorsque les protestataires, qui marchaient par milliers dans les rues de la ville pour réclamer le départ du président Ali Abdallah Saleh, ont tenté d’entrer dans la cour du bâtiment. Ils ont été accueillis par des tirs à balles réelles provenant de policiers en civils et de tireurs d’élite postés sur les toits de l’immeuble.

À Hodeida, à 150 km au sud-ouest de Sanaa, d’autres manifestants anti-Saleh ont été empêchés de marcher jusqu’à un palais présidentiel. Des hommes armés habillés en civil ont ouvert le feu en direction des manifestants. Reuters rapporte 50 blessés, mais Al-Jazira avance qu’il y en aurait plus de 200, dont certains seraient dans un état critique.

La situation demeure également tendue dans la capitale, Sanaa. Selon un journaliste de l’Agence France-Presse, des militaires passés dans le camp des opposants au président Saleh ont empêché sans violence quelque 200 policiers de s’approcher de la place de l’Université, où campent des contestataires depuis le 21 février.

Dimanche, les forces de sécurité ont tué un manifestant à Taëz et en ont blessé 13 autres par balle à Hodeida. À ce dernier endroit, les heurts se sont produits lorsque des dizaines de milliers de manifestants ont entrepris de marcher sur le palais présidentiel de cette ville de 400 000 habitants. Des centaines de manifestants ont aussi été indisposés par des gaz lacrymogènes.

Saleh lâché par l’administration Obama ?

Le président Saleh, dont le départ est réclamé par une bonne partie de la population depuis plus de deux mois, aurait par ailleurs été lâché par les États-Unis, selon ce que révèle le New York Times dans son édition de lundi.

Le quotidien rappelle que Washington s’est retenu de critiquer ouvertement le président du Yémen depuis le début des troubles, parce que son soutien est considéré comme très important dans le cadre de la lutte menée contre Al-Qaïda dans la péninsule arabique.

Selon des responsables américains interrogés par le quotidien, l’administration Obama aurait finalement conclu que la position du président Saleh est intenable et qu’il doit quitter son poste. Des négociations à ce sujet seraient en cours depuis une semaine.

Un responsable yéménite interrogé par le Times affirme que les négociations portent sur un transfert du pouvoir du président Saleh à un gouvernement provisoire qui serait dirigé par le vice-président jusqu’à la tenue de nouvelles élections. Selon cette source, le principe fait l’objet d’un consensus, mais pas la façon de mettre en oeuvre le plan.

L’opposition au président Saleh a présenté samedi un plan qui prévoit :

• l’accession du vice-président Abed Rabbo Mansour Hadi au poste de « président intérimaire » ;

• la formation d’un gouvernement provisoire d’union mené par l’opposition et comprenant « tous les partis politiques, des jeunes et des hommes d’affaires » ;

• la création d’une commission électorale chargée d’organiser la tenue d’un référendum sur des réformes constitutionnelles, ainsi que des élections législatives et présidentielle.

L’opposition au président Saleh n’a cessé de croître depuis que des hommes armés ont ouvert le feu sur des manifestants anti-Saleh à Sanaa, le 18 mars, faisant 52 morts. Ces violences ont été suivies de la défection de plusieurs militaires et de chefs tribaux.