Alain Juppé est favorable à ce que le pouvoir soit exercé par un large arc républicain allant de la droite modérée à la gauche modérée. Et s’il est élu président de la République, il est prêt à ouvrir son gouvernement jusqu’à la gauche modérée.
La gauche est au pouvoir. Son président sortant va vraisemblablement se représenter. Par effet pendulaire de rejet sur le bilan, la droite part donc favorite lors de l’élection présidentielle de 2017. Pour la primaire UMP de 2016, les deux favoris actuels sont Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. La probabilité que l’un ou l’autre soit le prochain président de la République est donc très substantielle. Par conséquent, que l’un d’eux envisage un quasi-gouvernement d’union nationale constitue en soi un petit événement dans notre vie politique.
Pourtant, jusqu’à présent cette position a été assez peu reprise et commentée par les médias et la classe politique. Cela s’explique par un problème de timing : Alain Juppé a pris cette position en deux temps, et les deux fois, le timing était mauvais.
D’abord, le 4 janvier, il déclare au Point ceci : « Au niveau national, il faudra peut-être songer un jour à couper les deux bouts de l’omelette pour que les gens raisonnables gouvernent ensemble et laissent de côté les deux extrêmes, de droite comme de gauche, qui n’ont rien compris au monde ». Problème : c’était le dimanche qui suivait le Nouvel An. Le jour même, la plupart des journalistes politiques n’étaient donc pas encore rentrés de leurs congés de réveillon. Et le lundi 5, puis le mardi 6, redémarrer les salles de rédaction les a tous accaparés. Dans ce contexte, les chances que cette idée exprimée comme une lointaine éventualité hypothétique fasse mouche dans le chorus médiatique étaient faibles.
Ensuite, le 7 janvier sur Europe 1, il déclare ceci : « Je crois surtout que la France est un beau pays, qui a toutes les facultés de rebond, et je me navre de la voir continuer à stagner dans le marasme. Donc il faut faire quelque chose. J’appelle tous ceux qui y croient à m’aider à le faire : en un large regroupement de la droite et du centre ; de la droite, du centre-droit… Et puis peut-être un jour faudra-t-il aller aussi au-delà, non pas par des combinaisons individuelles ou des recrutements personnels, mais par un accord sur un projet. Aujourd’hui, on voit bien qu’il y a deux bouts extrémistes dans la vie politique française. » Donc, Alain Juppé souhaite bien un rassemblement républicain le plus large possible hors extrêmes, moyennant un accord politique sur le projet de gouvernement. Cette position réitérée et clarifiée fut toutefois largement ignorée par les médias et la classe politique, pour une raison simple : ce jour-là, un peu plus de trois heures après cette interview, avait lieu l’attentat contre Charlie Hebdo.