Devant la CIJ, la Cour internationale de justice, l’Afrique du Sud accuse Israël de génocide à Gaza, plus précisément de « violer la convention sur la prévention et la répression du crime de génocide ».

Comme tout accusé a le droit de se défendre, les juristes israéliens doivent prouver trois choses :

1 qu’Israël respecte le droit international ;
2 qu’Israël ne pratique pas de génocide à Gaza ;
3 que l’AfSud n’a pas démontré son droit à agir.

Sur les trois points, c’est pas gagné ! Le seul argument qu’il reste à la défense, c’est l’inversion accusatoire. Accrochez vos ceintures :

Ces positions tiennent à une perception largement partagée d’une « guerre de nécessité », imposée par le Hamas, et qui demeure défensive – quelle que soit la manière dont elle est menée. Elles tiennent à l’horreur de l’attaque du 7 octobre 2023, le pire massacre perpétré contre des juifs depuis la Shoah, qui ébranle la raison d’être de l’État protecteur. « S’il y a eu des actes de génocide, ils ont été perpétrés contre Israël », a affirmé dès l’ouverture de l’audience le conseiller juridique de l’État hébreu, Tal Becker.

Prétendant que « l’Afrique du Sud jouit de relations proches avec le Hamas, même depuis le 7 octobre [2023] », M. Becker a dénoncé une procédure qui donnerait au « Hamas la possibilité de s’en tirer avec ces meurtres ». Durant les trois heures de plaidoiries, Israël a tenté de convaincre les 17 juges de rejeter les « mesures conservatoires » réclamées par Pretoria. (Le Monde)

Le contentieux israélo-sud-africain date du soutien commercial et militaire de Tel-Aviv au régime d’apartheid de Pretoria , et cela a été loin : le pouvoir blanc s’est vu proposer l’arme nucléaire !

À l’époque, dans les années 70-80, c’est-à-dire avant la présidence Mandela en 1994, l’Afrique du Sud a été mise au ban des nations, et l’entité israélienne a été l’un des rares pays à la soutenir. Les Africains n’ont pas oublié.

Second motif : en 2001 a lieu la conférence contre le racisme à Durban (en Afrique du Sud), qui réunit 170 pays sous l’égide du haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU. Les participants condamnent le sionisme, qualifié de « racisme ». Pire, ils dénoncent « l’alliance impie entre le racisme sud-africain et le sionisme ». Israël a en conséquence boudé l’hommage à Mandela, disparu en 2013.

En 2024, Israël est à nouveau sur le banc des accusés, cette fois pour les dizaines de milliers de morts à Gaza, dont une majorité de femmes et d’enfants, un carnage sans lien avec la guerre contre le Hamas, qui n’est qu’un prétexte. L’Afrique du Sud a donc dénoncé un génocide.

Le débat porte sur un point crucial : « l’intention » (de génocide)

« Netanyahou affirme même que cette guerre défensive est d’une moralité sans équivalent. »

On l’a compris, il sera difficile pour le peuple gazaoui d’obtenir le tampon de génocide : le génocide, c’est chasse gardée.

Le hasard fait bien les choses : France 2 va diffuser l’œuvre dite magistrale de Claude Lanzmann, Shoah, le 27 janvier 2024. Ce film interminable a reçu un César d’honneur en 1986 et est inscrit au registre de la Mémoire du monde de l’UNESCO depuis 2023. On se demande s’il figure sur les tablettes de la sonde Voyager, qui se balade dans notre galaxie...

Pour le site Ciné Série, c’est une « excellente nouvelle pour le devoir de mémoire ». C’est vrai que les jeunes ont tendance à oublier le génocide des juifs, qui date d’il y a 82 ans maintenant. Ce n’est plus très tendance, dirons-nous. Les jeunes sont de leur temps, que voulez-vous. Pour eux, le génocide a lieu à Gaza, pas à Auschwitz, qui en plus est difficile à écrire et à prononcer.

Ce procès est une ironie de l’histoire : du fait du carnage à Gaza, Israël a perdu l’exclusivité de l’exploitation morale du génocide. Certes, Netanyahou ment et ses juristes aussi, mais Jakubowicz nous a appris une chose : à un procès, on a le droit de mentir.

Les Sud-Africains n’obtiendront donc pas ce qu’ils veulent, mais moralement, ils ont gagné : Israël est au ban des nations et sur le banc des accusés. Fini la victimisation, il a perdu la guerre. Pour le lobby pro-israélien, les conséquences sont incalculables.

« Cette accusation de "génocide" contre Israël est grotesque. Les seuls à s’être rendus coupables d’une entreprise génocidaire, ce sont les assassins du Hamas le 7 octobre. »

En France, n’en déplaise à Raphaël Enthoven dont nous citons le tweet grotesque, le mur de la peur est tombé : les gens se foutent d’être traités d’antisémites car le vrai racisme est en face : les Israéliens assassinent les Palestiniens.