C’est bien le cynisme, c’est bien de raconter n’importe quoi en permanence, c’est bien de se réjouir comme ça a été fait dans une indécence, dans un indignité absolument totale après la chute du régime et la soi-disant arrivée triomphale des islamistes qui libèrent la Syrie, n’est-ce pas ?, mais tout de même… tout de même. Il devrait y avoir quelques limites à l’indécence parce que, quels que soient les torts de Bachar el-Assad, de son régime, de son pouvoir ; quelles que soient les faiblesses, importantes, de son pouvoir, ce n’est pas lui qui a voulu la misère de son peuple, c’est bien nous, c’est nous, les Occidentaux. Il a protégé très longtemps les minorités diverses, pas seulement chrétiennes, mais bien d’autres, parce que la Syrie est une mosaïque multiconfessionnelle, multi-ethnique, multicommunautaire, et il en était le protecteur, et on va voir ce qui va se passer maintenant.
Face à tout cela, face à tant de souffrance, l’euphorie médiatique et politique en Occident autour de la chute du « tyran », Bachar el-Assad le « boucher de Damas », c’est non seulement politiquement complètement idiot, évidemment, mais c’est particulièrement indécent humainement, et profondément indigne de la part de ceux qui s’abandonnent à cette liesse mauvaise, parce que se réjouir que la Syrie, ce grand pays, et ce grand peuple, si tourmenté depuis déjà si longtemps, tombe dans les griffes d’un groupe terroriste patenté qu’on est certes en train de blanchir comme on peut, et je vais vous raconter comment, mais enfin tout de même, tout de même, on s’en est largement servi pour détruire ce même pays dans les années 2010, c’est quand même très, très écœurant. Ça traduit notre cynisme, ça traduit d’ailleurs notre parfaite incompréhension des dangers représentés par ce basculement, sans même parler qu’on a pas l’air de faire le lien entre cet islamisme qu’on a encouragé et instrumentalisé au Moyen-Orient, et ses surgeons dans nos rues, quand on a des campagnes d’attentats.
Cet accord d’Astana, dont je vous ai parlé, c’était finalement aussi pourri, aussi peu fiable, que ne l’étaient les accords de Minsk. Et le problème, c’est que la Russie, dans les deux cas, s’est laissé convaincre, enfin à trouvé qu’on pouvait faire confiance, soit aux Ukrainiens dans un cas, soit aux Turcs dans l’autre. Y a une espèce de tendance , je sais pas, légaliste de Vladimir Poutine, de croire en ses partenaires, de croire que quand on fait un accord, c’est un accord. C’est très russe, mais c’est pas forcément très partagé… de notre côté du mur, si j’ose dire. Donc c’est la personnalité de Poutine qui finit par lui causer quelques problèmes : il est excessivement diplomate, excessivement prudent, excessivement tempéré, beaucoup de sang-froid, et légaliste, il a quand même fait son droit, mais là, il a mal jaugé, manifestement, le niveau de rouerie d’Erdoğan. […] Poutine veut toujours donner sa chance à l’alliance. Donc il faut sans doute que la Russie tire des leçons de ce qu’il vient de se passer, et durcisse très probablement… en tout cas on peut s’attendre à ce qu’elle durcisse notablement sa position en Ukraine et vis-à-vis de l’OTAN.