aux funérailles de Yitzhak Rabin en 1995
Sion et l’Empire
Une chose n’a pas changé depuis le temps d’Esdras et Néhémie (Ve siècle avant notre ère) : Israël a besoin, pour exister, de la protection d’un empire. Ce n’est pas seulement sur la Torah qu’Esdras fonda son État théocratique, mais aussi, si l’on en croit le Livre d’Esdras, sur un édit de l’empereur perse lui donnant autorité sur « tout le peuple de Transeuphratène » (territoires à l’ouest de l’Euphrate).
Aux XXe et XXIe siècles, la fondation, la survie et l’expansion d’Israël sont encore entièrement dépendantes de la politique impériale américaine. Cela étant admis, deux points de vue sont possibles sur la relation entre Israël et l’Empire. Qui contrôle qui ? Est-ce le chien qui remue la queue, ou la queue qui remue le chien, selon la métaphore d’usage ? La question se pose à chaque étape de l’histoire du sionisme. Selon une thèse répandue parmi les critiques du sionisme (elle est admise par Shlomo Sand), le sionisme lui-même serait une création du puritanisme et de l’impérialisme anglo-saxons. L’examen critique de cette thèse nécessiterait une analyse approfondie de l’influence des marranes sur le puritanisme et le philosémitisme anglais depuis le XVIe siècle. C’est hors de notre propos.
Contentons-nous de remonter à Benjamin Disraeli (1804-1881), point de départ de cette série d’articles. Lorsque, en tant que premier ministre britannique, il inscrivit le droit des juifs sur la Palestine dans sa révision du traité de San Stefano (1878), trois ans après avoir lié les intérêts britanniques au Moyen-Orient en rachetant le canal de Suez, son but était-il de faire d’une Palestine juive une tête de pont du colonialisme britannique, ou bien, se souvenant de la manière dont Esdras et Néhémie ont exploité l’autorité perse, voyait-il l’Empire britannique comme l’instrument de la restauration de la nation d’Israël ? Les partisans de la première thèse voient Disraeli comme un impérialiste britannique, tout pénétré de la grande mission civilisatrice du peuple anglais ; plus prosaïquement, sa politique étrangère serait celle dite du Grand Jeu, qui vise à la domination coloniale de l’Angleterre en Asie par l’endiguement de l’expansion russe. Mais l’historiographie juive affirme unanimement le contraire : le cœur de Disraeli bat pour Sion, même si son costume est celui d’Albion. N’est-il pas le fils d’un marrane revenu au judaïsme, puis converti par opportunisme à l’anglicanisme ? C’est pour Sion qu’il se fit, non pas le serviteur de l’Empire britannique, mais en réalité son « véritable créateur », selon Nahum Goldmann, puisque c’est lui qui, en 1876, fit proclamer la reine Victoria impératrice des Indes par le Parlement [1].
- Caricature représentant Benjamin Disraeli en colporteur offrant à Victoria une couronne impériale en échange de sa couronne royale
Admettons qu’Israël ait été engendré par l’Empire britannique. Mais constatons alors que celui-ci n’en a été que la matrice porteuse. Le sionisme n’a en effet profité en rien à l’Empire britannique, qui s’est effondré après avoir accouché de la Déclaration Balfour (seul son pouvoir financier a survécu, mais il n’est pas national, et la City n’est pas Londres). Qu’en est-il de l’Empire américain qui a pris le relais ? Son soutien quasi inconditionnel à Israël lui profite-t-il, ou bien causera-t-il à terme sa ruine, après l’avoir rendu haïssable par l’ensemble du monde arabo-musulman, où il ne comptait pas d’ennemi avant 1948 ?
Le cas Disraeli est éclairant car les questions qui se posent au sujet de l’influence du clan Disraeli-Rothschild dans la seconde moitié du XIXe siècle sont les mêmes que celles qui se posent aujourd’hui sur l’influence du réseau sioniste aux États-Unis : Israël est-il une quasi-colonie américaine, ou un 51e État, comme le veut la doxa gauchiste de Noam Chomsky ? Ou bien est-ce le réseau sioniste qui pilote secrètement la politique étrangère états-unienne dans l’intérêt d’Israël ? Les sionistes ont naturellement intérêt à promouvoir le premier point de vue, selon lequel Israël sert les intérêts anglo-américains, et non l’inverse.
Mais les faits disent le contraire. Ce sont en réalité les États-Unis qui sont « la nation indispensable » pour Israël, selon l’expression de Madeleine Albright (née Korbelova à Prague), ambassadrice aux Nations unies puis secrétaire d’État sous Clinton, et inspiratrice de la politique interventionniste de l’après-Guerre froide [2].
Si le rôle de Sion dans les trois guerres mondiales du XXe siècle reste sujet à débat, son rôle dans la guerre mondiale dont le coup d’envoi fut donné le 11 septembre 2001 est aujourd’hui amplement démontré. À moins qu’une loi ne le leur interdise, les historiens futurs retiendront que cette Quatrième Guerre mondiale fut déclenchée et menée sous l’influence et dans l’intérêt d’Israël, au prix de la ruine diplomatique et économique des États-Unis. L’ouvrage publié en 2007 par John Mearsheimer et Stephen Walt, Le Lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine, fait déjà référence :
« Nous pensons, écrivent les auteurs, que les activités du lobby sont la principale raison pour laquelle les États-Unis poursuivent au Moyen-Orient une politique dénuée de cohérence, stratégique ou morale [3]. »
L’expression « lobby pro-israélien » qu’emploient les auteurs est un doux euphémisme. Il s’agit en réalité d’un pouvoir gigantesque de corruption et de chantage qui s’exerce sur les institutions et les dirigeants américains. Le fer de lance de ce pouvoir est aujourd’hui constitué par ceux qu’on nomme pudiquement les « néoconservateurs ». En réalité, même rebaptisés « jewish neocons » par Carl Bernstein [4], leur appellation de « néoconservateurs » est le masque d’un sionisme aligné sur la politique du Likoud israélien. Parce que le qualificatif fut forgé pour mieux infiltrer le parti Républicain, il n’est pas communément appliqué aux likoudniks du gouvernement Obama, mais ceux-ci en sont indiscernables dans leur politique pro-Israël.
Ce puissant réseau sioniste infiltré aux postes de commandes de la politique étrangère américaine n’agit pas seul. Il peut s’appuyer aujourd’hui, non seulement sur une presse et une industrie du spectacle complices, mais encore sur une communauté juive américaine largement mobilisée. Au fil des décennies, poussés par leurs élites représentatives, les juifs américains (et européens) ont tissé avec l’État d’Israël un lien si fort, si intime, que la défense de cet État est devenue pour eux une seconde nature ; la propagande intra-communautaire a réussi à transformer chaque juif en un Israélien de cœur. Un réseau de sayanim que Gordon Thomas, spécialiste du Mossad, évalue aujourd’hui à près d’un million, comptant des personnages influents dans tous les domaines, prête main forte aux turpitudes que commet impunément Israël sur les territoires états-unien ou européen. Les services secrets sont eux-mêmes considérablement infiltrés.
Du Grand Jeu au Choc des civilisations
Certes, il existe aux États-Unis une résistance patriote, aussi bien à la Maison Blanche qu’au département d’État et au Pentagone. Mais elle s’affaiblit d’année en année, maintenue en respect par l’accusation d’antisémitisme qui frappe quiconque proteste contre l’alignement de la politique étrangère sur les intérêts israéliens. Évoquer cette idée est considéré comme un suicide politique. C’est pourquoi Netanyahou avait de bonnes raisons de déclarer en 2001, dans une entrevue privée filmée à son insu (et c’était avant le 11 Septembre) :
« Je sais ce qu’est l’Amérique. L’Amérique est une chose qu’on peut manipuler très facilement, faire bouger dans la bonne direction [5]. »
Pour comprendre les causes réelles de la guerre actuelle, intéressons-nous aux méthodes sionistes de manipulation de l’Amérique. La règle d’or du manipulateur psychopathe est de faire en sorte que le manipulé prenne les pensées du manipulateur pour les siennes propres. Pour cela, le manipulateur doit d’abord se glisser dans les opinions du manipulé pour progressivement les réorienter. Cette règle est valable en politique, et à plusieurs niveaux. Au niveau démocratique, la mobilisation des chrétiens évangéliques dans l’anticommunisme dans les années 1970-80 relève de cette stratégie, tout comme la mobilisation des mêmes dans l’islamophobie dans les années 1990-2000.
Pour manipuler l’administration elle-même, les sionistes doivent, pour commencer, aligner leurs objectifs sur l’une des orientations traditionnelles de la politique étrangère américaine, et la promouvoir contre toute orientation concurrente. La politique dite du Grand Jeu, héritée des impérialistes britanniques du XIXe siècle, fait l’affaire. Ses soutiens idéologiques se trouvent surtout du côté des Démocrates, qui étaient depuis la fin du XIXe siècle et jusqu’à Reagan plus interventionnistes que les Républicains. Le Council on Foreign Relations est le bastion de cette école géostratégique, et Zbigniew Brzezinski est son champion. Foncièrement russophobe de par son origine polonaise, cet ancien conseiller à la Sécurité nationale de Carter prône une version moderne du Grand Jeu, qu’il résume dans son livre Le Grand échiquier (1997). L’Afghanistan joue depuis toujours dans cette vision géostratégique un rôle important d’État tampon. C’est pourquoi Brzezinski avait été, sous Carter, l’instigateur de la déstabilisation du régime pro-soviétique de Kaboul par le financement et l’armement des moudjahidin [6].
- Carte britannique de 1900 : la propagande russophobe du Grand Jeu
Contrairement à une idée reçue, Brzezinski n’est pas un néoconservateur ; il ne partage pas leur intérêt pour Israël. Il s’est même prononcé contre la première guerre du Golfe de Bush Sr. et, s’il approuve la seconde de Bush Jr., comme l’ensemble de la classe politique, il condamnera en 2012 ceux qui poussent à l’affrontement contre l’Iran, en déclarant qu’Obama devrait cesser de suivre Israël comme une « stupide mule [7] ». Il n’en reste pas moins qu’à son insu, et peut-être à son grand regret, la géostratégie impulsée par Brzezinski dans les années 70 a contribué à faire des États-Unis la mule d’Israël. Et de plusieurs façons.
Premièrement, lorsqu’en 1992, Paul Wolfowitz, alors sous-secrétaire à la Défense chargé de la planification, assisté de Lewis Libby, rédige le rapport Defense Planning Guidance recommandant au président américain de profiter de l’effondrement de l’URSS pour consolider l’hégémonie américaine et étendre la puissance de l’OTAN, afin « d’empêcher l’émergence d’un nouveau rival » et d’imposer « le sentiment que l’ordre mondial dépend en dernier recours des États-Unis », il parle le langage du Grand Jeu brzezinskien [8]. Ce progamme sera repris en 1996 par le PNAC (Project for a New American Century), le plus puissant think tank néoconservateur, qui propose d’ « étendre l’actuelle Pax Americana » avec « une armée qui soit forte et prête à faire face aux défis présents et futurs [9] ».
Deuxièmement, c’est un proche de Brzezinski, Samuel Huntington, co-auteur avec lui de plusieurs articles, qui va devenir le principal héraut du « choc des civilisations », dans un article de la revue Commentary en 1994, puis dans un livre traduit en plus de 50 langues. Après le péril soviétique, prophétise Huntington, voici poindre le péril islamique. Et qu’on ne s’y trompe pas :
« Le problème fondamental de l’Occident n’est pas le fondamentalisme islamique ; c’est l’islam, une civilisation différente où les gens sont convaincus de la supériorité de leur culture tout en étant obsédés par l’infériorité de leur puissance [10]. »
- Huntington et Fukuyama, les deux goyim chargés de préparer la scène pour le 11 Septembre
Jamais dans toute l’histoire un livre de géopolitique n’avait fait l’objet d’un tel battage médiatique international. Entre 1992 et 1994 s’est tout d’abord jouée dans la presse une parodie de débat opposant la thèse pessimiste d’Huntington à celle, angélique, de Francis Fukuyama, qui annonçait La Fin de l’histoire — c’est-à-dire « l’universalisation de la démocratie libérale occidentale comme la forme finale de gouvernement humain ». Fukuyama (membre du PNAC) servait de faire-valoir à Huntington, à qui les attentats du 11 septembre 2001 viendront donner raison. Parallèlement, la prophétie auto-réalisatrice du « choc des civilisations » aura été imprimée dans les cerveaux américains par Hollywood, comme le démontre Jack Shaheen dans Real Bad Arabs : How Hollywood Vilifies a People (2012), en se basant sur l’analyse de plus de 1000 films sur 30 ans [11].
Il est important de noter que, si le concept de « choc des civilisations » apparaît comme un prolongement du Grand Jeu, il vient en réalité d’ailleurs : c’est Bernard Lewis (de triple nationalité israélienne, britannique et américaine) qui en est l’inventeur dans un article de l’Atlantic Monthly de septembre 1990, intitulé « The Roots of Muslim Rage ». Le « choc des civilisations » est l’orientation très particulière qu’Israël a imprimée à la géostratégie du Grand Jeu, laquelle n’était aucunement islamophobe à la fin du XIXe siècle puisqu’elle avait cherché à préserver l’Empire ottoman contre la Russie.
Autre précision importante : dans la politique impérialiste américaine, version moderne du Grand Jeu, il est admis de tous que l’accès aux ressources énergétiques est un objectif prioritaire. L’idée d’attaquer un pays pour son pétrole (ou ses pipelines) n’a pas sa place dans le discours public et la propagande étatique, qui doit se contenter de justifier la guerre par les grands idéaux de la démocratie, de la liberté et des droits de l’homme. En revanche, en tant qu’enjeu traditionnel de la politique impériale anglo-américaine, l’argument du pétrole peut servir de levier au niveau de la politique profonde, car il est indéniable que des guerres et des coups d’État ont été orchestrées dans ce but par le passé. Toutefois, il est crucial de reconnaître que l’industrie pétrolière n’a jamais encouragé l’intervention militaire en Irak, en Libye ou en Syrie, et n’a retiré aucun bénéfice de la destruction de ces pays (étant entendu que la destruction est intentionnelle et non accidentelle, comme nous allons en donner la preuve) [12]. L’idée que ces guerres sont menées pour le pétrole est rendue crédible par l’histoire passée, et pratique pour quiconque veut se donner une posture anti-impérialiste à peu de frais. Mais en l’occurrence, c’est un mensonge qui relève d’une propagande de second niveau. C’est un mensonge destiné à camoufler la véritable motivation de ces guerres et fourvoyer la dissidence anti-impérialiste.
Netanyahou, Clinton, et la guerre mondiale contre le terrorisme
Brzezinski a fait malgré lui le jeu des néoconservateurs d’une troisième manière encore. En effet, c’est lui qui, à partir de 1979, avec son assistant Robert Gates (vétéran et futur directeur de la CIA), a jeté les bases du djihadisme moderne en armant les moudjahidin contre l’URSS. Il est aujourd’hui bien connu qu’Al-Qaïda, dont se serviront les néoconservateurs pour justifier leur « guerre au terrorisme » a été, pour ainsi dire, créée par la CIA à cette occasion.
La « guerre contre le terrorisme » est un concept complémentaire du « choc des civilisations », qui va se superposer à lui ; le glissement de l’un à l’autre suggère de manière presque subliminale que l’islam est terroriste par essence. Benjamin Netanyahou bat le tambour de cette « guerre mondiale contre le terrorisme » depuis les années 80, lorsqu’il travaillait à l’ambassade israélienne de Washington, puis aux Nations unies. Dans ses deux livres, International Terrorism : Challenge and Response (1982) et Terrorism : How the West can Win (1986), il assène une contre-vérité qu’il répétera encore jusqu’en 2015, à chaque nouvel attentat terroriste : les terroristes arabes ne haïssent Israël que parce qu’Israël est l’ami des États-Unis (et de l’Europe). Dans A Place Among the Nations : Israel and the World (1993), alors qu’il apparaît de plus en plus souvent sur les plateaux télévisés, il élabore sa thèse farfelue que le Mufti de Jérusalem, Haj Amin Al-Husseini, aurait été « l’un des initiateurs de l’extermination des juifs d’Europe » en conseillant dans ce sens Hitler et Himmler. Et il écrit :
« La violence est omniprésente dans la vie politique des pays arabes. […] Le terrorisme international est l’exportation essentielle du Moyen-Orient, et ses techniques sont celles des régimes et des organisations arabes qui l’ont inventé [13]. »
Enfin, c’est dans Fighting Terrorism : How Democracies Can Defeat Domestic and International Terrorists (1995), écrit peu avant son accession au pouvoir en Israël, que Netanyahou forge l’expression « war on terror ». C’est ainsi que la politique du Grand Jeu, après avoir été remise en selle pour combler le vide après la Guerre froide, a été lentement mais sûrement détournée en « choc des civilisations », puis en « guerre mondiale contre le terrorisme », ce dernier étant implicitement arabo-musulman.
Netanyahou est le petit-fils d’un rabbin lituanien immigré en Palestine en 1920, et fils de Benzion Mileikowsky, qui changea son nom pour un patronyme de couleur locale. Benzion était le secrétaire particulier de Zeev Jabotinsky, dont il dressa le portrait héroïque dans son livre The Founding Fathers of Zionism. Benjamin Netanyahou est avant tout le champion du clan néoconservateur. Il a lui-même vécu, étudié et travaillé aux États-Unis de 1960 à 1978, jusqu’à sa 27e année, et de nouveau à partir de l’âge de 33 ans, lorsqu’il fut nommé ambassadeur adjoint à Washington puis délégué permanent aux Nations unies. Son destin politique a été planifié aux États-Unis, avec le soutien de milliardaires juifs américains ; en un sens, Netanyahou est une créature des néoconservateurs. La seule chose qui le distingue d’eux est qu’il ne possède pas la nationalité américaine. Netanyahou est conseillé par des Américano-israéliens comme Richard Perle, Douglas Feith et David Wurmser, qui, en 1996, rédigent à son intention un rapport intitulé A Clean Break : A New Strategy for Securing the Realm, prônant l’abandon des Accords d’Oslo de 1993 et une politique expansionniste énergique [14]. Simultanément, Perle, Feith et Wurmser, mettant leur casquette américaine, participent à l’élaboration du PNAC, destiné à la Maison Blanche.
La chute de Saddam Hussein, ennemi juré d’Israël, est alors la principale obsession des sionistes, qui n’ont pas réussi en 1990 à convaincre Bush Sr. de le renverser. Wurmser lui-même contribue à présenter Saddam comme une menace contre l’Amérique dans son livre Tyranny’s Ally : America’s Failure to Defeat Saddam Hussein (1999), relayé par Laurie Mylroie, qui fait de Saddam le cerveau d’ « une guerre terroriste secrète » contre les États-Unis dans Study of Revenge : Saddam Hussein’s Unfinished War Against America (2000). Le président Clinton (1993-2000) subit dans le même temps une intense pression pour lancer une nouvelle campagne militaire contre l’Irak. Mais son administration résiste et déjoue la tentative de créer un prétexte de guerre en incriminant Saddam dans l’attentat à la bombe d’Oklahoma City (19 avril 1995). Des éléments patriotes du département de la Justice et du FBI neutralisent la fausse bannière irakienne en concluant, au prix d’une autre invraisemblance, à l’acte isolé du « suprémaciste blanc » Timothy McVeigh [15].
Mais l’étau se resserre autour de Clinton en janvier 1998, lorsque transpirent les premières révélations de ses relations sexuelles avec sa stagiaire de 22 ans, Monica Lewinsky. Le 21 janvier, tandis que le Washington Post publie un article sur l’affaire Lewinsky, Clinton reçoit d’urgence, pour une entrevue non programmée de 90 minutes, le premier ministre israélien. Le 26 janvier, il est mis face à un ultimatum, sous la forme d’une lettre signée par Elliott Abrams, Robert Kagan, William Kristol, Richard Perle, Paul Wolfowitz et quelques autres crypto-sionistes, l’implorant de saisir l’occasion de son discours sur l’état de l’Union, le lendemain, pour faire du renversement de Saddam Hussein le « but de la politique étrangère américaine » et s’engager à utiliser la force militaire, « car la diplomatie a échoué ». Si le Président fait cela, les signataires promettent « leur soutien total dans cette entreprise difficile mais nécessaire [16] ». Clinton n’en fait rien : son discours est centré sur l’économie. Le scandale Lewinski se transforme alors en opération « Monicagate » (sur le modèle de Watergate qui fit tomber Nixon), avec inculpation pour parjure et menace de destitution.
Le nouveau Pearl Harbour
- Paul Wolfowitz, nommé « le parrain de la guerre d’Irak » par Time Magazine
En novembre 2000, Bush Jr. est élu par fraude électorale, et la pénétration massive des crypto-sionistes du PNAC aux postes clés de la politique étrangère s’apparente à un coup d’État invisible. Le vice-président Dick Cheney, chargé de former le gouvernement, ouvre grand les portes à ces néoconservateurs dont il est le mercenaire depuis les années 80, tandis que son alter ego Donald Rumsfeld, nommé secrétaire à la Défense, s’adjoint Paul Wolfowitz et Richard Perle à la direction du Defense Policy Board, chargé de définir la stratégie militaire. Les deux autres postes les plus visibles, ceux de secrétaire d’État et de conseiller à la Sécurité nationale, sont occupés respectivement par Colin Powell et Condoleezza Rice, mais ces derniers, choisis pour leur incompétence, sont eux aussi entourés de conseillers néoconservateurs comme David Wurmer ou Philip Zelikow [17]. Quant au président Bush lui-même, il déclara un jour à des journalistes :
« Si vous voulez un aperçu de ma façon de penser en matière de politique étrangère, lisez le livre de Natan Sharansky, The Case for Democracy. C’est un très bon livre [18]. »
Sharansky est un sioniste extrémiste fondateur du parti Yisrael Ba’aliya (« Israël pour l’aliyah ») et président de l’association One Jerusalem, qui promeut la souveraineté israélienne sur Jérusalem unifiée.
Après huit mois à la présidence, Bush est confronté à l’ « événement catastrophique catalyseur — comme un nouveau Pearl Harbour » que le PNAC a appelé de ses vœux un an plus tôt pour permettre la mise en œuvre de son programme [19]. C’est un véritable « miracle d’Hanoukka » pour Israël, commente le journaliste d’Haaretz Aluf Benn :
« Les attaques du 11 septembre par Oussama Ben Laden ont placé fermement Israël du bon côté sur la carte stratégique des États-Unis, et ont mis le monde arabe en difficulté, puisqu’il doit maintenant faire face à des décisions difficiles sur son avenir. »
Le jour même, le Premier ministre en exercice, Ariel Sharon, annonce en conférence de presse :
« La guerre contre la terreur est une guerre internationale. Une guerre menée par une coalition du monde libre contre tous les groupes terroristes. […] C’est une guerre entre le bien et le mal, entre l’humanité et ceux qui sont assoiffés de sang [20]. »
Quant à Netanyahou, il laisse échapper :
« C’est très bon... Enfin, ce n’est pas bon, mais ça va générer une sympathie immédiate, […] renforcer le lien entre nos deux peuples, parce que nous subissons le terrorisme depuis tant de décennies, mais les États-Unis ont maintenant fait l’expérience d’une hémorragie massive de terrorisme [21]. »
Le premier à prononcer publiquement le nom d’Oussama Ben Laden est Ehud Barak, premier ministre israélien sortant (1999-2001), dans une interview à la BBC une heure à peine après l’explosion des Tours jumelles du World Trade Center (et le lendemain à nouveau). Il proclame : « Il est temps de lancer une guerre opérationnelle totale contre le terrorisme [22]. » Cela va sans dire, il revient aux États-Unis de prendre la direction de cette guerre.
Lisant le script que lui ont remis ses conseillers likoudniks, le président Bush lance officiellement, le 20 septembre, une « guerre contre la terreur » qui « ne s’arrêtera pas tant que tous les groupes d’action terroriste mondiale n’auront pas été trouvés, arrêtés et vaincus. […] Chaque nation, dans chaque région, a maintenant une décision à prendre. Soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec les terroristes [23]. »
C’est ainsi qu’est lancé ce que le néoconservateur Eliot Cohen annonce deux mois plus tard, dans le Wall Street Journal, comme étant la « Quatrième Guerre mondiale », expression reprise peu après par Norman Podhoretz dans deux articles de Commentary, puis dans un livre, World War IV : The Long Struggle Against Islamofascism (2007) [24]. Ce sera une guerre d’un nouveau type, qui abolit toutes les règles en privant l’ennemi du statut de combattant. Et dans cette guerre, écrivent les membres du PNAC au président Bush le 3 avril 2002 :
« Personne ne devrait douter que les États-Unis et Israël ont un ennemi en commun. […] Israël est visé en partie parce qu’il est notre ami, et en partie parce c’est un îlot de liberté et de principes démocratiques — des principes américains — dans un océan de tyrannie, d’intolérance et de haine [25]. »
La Quatrième Guerre mondiale
- Benjamin Netanyahou ovationné 29 fois par le Congrès américain au grand complet
le 24 mai 2011
Il n’est plus à démontrer aujourd’hui que les attaques du 11 Septembre, dont Ben Laden est innocent comme il l’a clamé, ont été planifiées par Israël et ses taupes néoconservatrices, avec la participation de super-sayanim new-yorkais comme Larry Silverstein. Il faut néanmoins comprendre que le succès d’une telle opération dépend de la capacité d’Israël à forcer tout l’appareil d’État américain à suivre le script, et cela nécessite de l’impliquer profondément. J’ai émis l’hypothèse [26] que, dans le cadre d’une politique de Grand Jeu, des éléments du Pentagone et du Renseignement se sont prêtés à une opération sous fausse bannière n’impliquant qu’un dégât mineur sur le Pentagone, mais ont été doublés par les sionistes qui ont surenchéri avec l’explosion des Tours jumelles du World Trade Center et une manipulation médiatique d’une ampleur et d’une maîtrise sans précédent. L’objectif américain était la reprise en main de l’Afghanistan, que la politique brzezinskienne des années 80 avait livré aux talibans, lesquels ne donnaient plus satisfaction. Cela explique le choix de Ben Laden comme bouc émissaire, et l’approbation enthousiaste de Brzezinski de cette première phase. Mais cet objectif mineur n’intéressait pas les sionistes, qui n’ont reculé devant aucune manipulation pour incriminer également Saddam Hussein, et ont finalement réussi à imposer dans la foulée de l’Afghanistan la destruction de l’Irak, sous le prétexte d’un stock imaginaire d’ « armes de destruction massive », inventé par l’Office of Special Plans, une unité spéciale du Pentagone contrôlée par les néoconservateurs William Luti, Abram Shulsky, Douglas Feith et Paul Wolfowitz. Malgré ses réticences initiales, le secrétaire d’État Colin Powell se laisse convaincre de plaider la guerre devant l’Assemblée générale des Nations unies le 5 février 2003 — « une tache durable sur mon parcours » déclarera-t-il plus tard [27]. Son chef de cabinet Lawrence Wilkerson reconnaîtra avoir été dupé par les néoconservateurs David Wurmser et Douglas Feith, virtuels « membres encartés du Likoud », et avoir à son insu « participé à une fraude contre le peuple américain, la communauté internationale et le Conseil de Sécurité des Nations Unies [28] ».
L’objectif d’Israël, plus vaste, est la destruction des fameuses « sept nations » dont parle le général Wesley Clark [29], chiffre purement symbolique tiré de la Bible [30], qui désigne principalement l’Irak, la Libye, la Syrie et l’Iran. Le plan est conçu depuis 1982 et se trouve énoncé dans un document hébreu de l’Organisation sioniste mondiale, traduit et révélé par Israel Shahak. L’auteur, Oded Yinon, présente le caractère pluri-ethnique et instable des États du Moyen-Orient comme « offrant à Israël des opportunités d’envergure pour la première fois depuis 1967 » et ouvrant « une nouvelle ère historique ».
« La dissolution totale du Liban en cinq provinces constitue un précédent pour le monde arabe tout entier, ce qui inclut l’Égypte, la Syrie, l’Irak et la péninsule arabique, qui s’insère d’ores et déjà dans ce schéma. La dissolution de la Syrie puis de l’Irak en zones ethniquement ou religieusement homogènes, comme au Liban, voilà le premier objectif d’Israël sur le front Est à long terme ; tandis que la dissolution du pouvoir militaire de ces États est l’objectif immédiat, dans la première étape. La Syrie s’effritera selon sa structure ethnique et religieuse, en plusieurs États comme le Liban d’aujourd’hui. […], toute espèce de confrontation entre Arabes nous est immédiatement utile [31]. »
Les rivalités tribales, ethniques et religieuses sont en effet le talon d’Achille des pays du Moyen-Orient, conséquences prévisibles de leurs frontières arbitrairement tracées sur les ruines de l’Empire ottoman. La stratégie de destruction consiste donc à encourager, organiser, armer et financer les groupes opposés au régime, bientôt supplantés par des mercenaires fanatisés de toutes origines, puis faire passer, aux yeux de l’opinion publique occidentale, les troubles qui en résultent comme la preuve du caractère oppressif et sanguinaire du régime. Cela permet ensuite de justifier une intervention armée pour « soutenir les rebelles ».
Après l’Irak vient le tour de la Libye, au moment même où Mouammar Kadhafi se rapproche des États-Unis et de l’Europe. Sa destruction est déléguée à la France, que Nicolas Sarkozy vient de réintégrer dans l’OTAN, d’où le général De Gaulle l’avait sortie. Le chef d’état-major des armées françaises, l’amiral Édouard Guillaud, a déclaré le 26 janvier 2014, au seuil de sa retraite :
« Le Sud de la Libye est devenu un véritable trou noir […] un lieu de régénération, d’approvisionnement en armes des terroristes, c’est le nouveau centre de gravité du terrorisme [32]. »
- Nicolas Sarkozy et Mahmoud Jibril, le « premier ministre de transition libyen », suivis de près par Bernard-Henri Lévy, en septembre 2011
Les hordes de djihadistes recrutés en Irak pour détruire la Libye seront ensuite redirigées vers la Syrie, pour y enclencher le même type de « printemps arabe », avec pour seule alternative offerte à la destruction, un gouvernement fantoche dont le président, Burhan Ghalioun, promet en 2011 de « mettre fin à la relation militaire avec l’Iran, couper les approvisionnements en armes au Hezbollah et au Hamas, et établir des liens avec Israël [33] ». La véritable nature des « rebelles » de Syrie, barbares apatrides, drogués et alliés à Al-Qaïda, ne pouvant être longtemps cachée au public, il faudra les soutenir plus discrètement en 2014, par exemple en leur livrant des armes par l’intermédiaire de « rebelles modérés » fantomatiques, ou bien directement « par erreur [34] », tandis qu’Israël se chargera de soigner leurs blessés pour les renvoyer au combat [35], et de bombarder occasionnellement des positions gouvernementales syriennes [36]. Rien n’étant jamais perdu, l’image de ces égorgeurs d’un autre âge pourra avantageusement servir à diaboliser l’islam aux yeux d’une opinion publique paralysée par la confusion [37]. C’est à cela que contribuent certains « marranes » d’un nouveau genre, comme Adam Pearlman, petit-fils d’un administrateur de l’Anti-Defamation League, qui sous le faux nom d’Adam Yahiye Gadahn, et avec barbe et turban, a répandu par vidéos ses diatribes islamiques anti-américaines avant d’être démasqué en 2009, ou encore Joseph Leonard Cohen, membre du groupe Revolution Muslim sous le nom de Youssef al Khattab [38]. Pendant ce temps, le FBI et d’autres services secrets américains infiltrés continuent la « lutte contre le terrorisme » en encourageant des attentats terroristes sur le sol américain, et sans doute européen, sous le prétexte de les déjouer au dernier moment [39].
L’Iran est la cible ultime, que Netanyahou et ses soutiens à Washington s’évertuent depuis dix ans à diaboliser en l’accusant des desseins les plus noirs. « Les États-Unis devraient larguer une bombe nucléaire sur l’Iran », propose en 2013 le milliardaire américain Sheldon Adelson, l’un des plus gros donateurs du parti Républicain américain et du Likoud israélien, le même qui, en 2015, menace de détruire par son pouvoir financier tout membre du Congrès américain qui boycotterait le discours du premier ministre israélien Benjamin Netanyahou [40].
Le retour de la Russie de Poutine sur la scène géopolitique (malgré le coup d’État en Ukraine visant à resserrer l’étau de l’OTAN) vient bouleverser le plan sioniste, mais il n’est pas certain que le soutien russe à la Syrie soit perçu comme un obstacle insurmontable, car tout conflit peut, par une habile triangulation, permettre d’avancer vers l’horizon du Grand Israël impérial. Et si une nouvelle guerre mondiale devait éclater entre les deux blocs dirigés par les États-Unis et la Russie, Israël possède un atout imbattable, connu de tous : l’Option Samson, un principe de stratégie militaire que Ron Rosenbaum résume ainsi dans How the End Begins : The Road to a Nuclear World War III (2012) :
« même si Israël se trouvait détruite [ce qui, chez un sioniste enragé, peut signifier simplement “attaqué”, NDA], on peut être sûr que ses sous-marins nucléaires — qui sillonnent la mer Rouge, l’océan Indien et le golfe Persique à des profondeurs indétectables — pourraient déclencher des représailles à une échelle génocidaire pratiquement n’importe où dans le monde [41]. »
À ne pas manquer, Laurent Guyénot en conférence
à Ferney-Voltaire le 30 avril 2016 :