Le président du Conseil, Herman van Rompuy, a présenté comme prévu le rapport de sa « task-force » sur la gouvernance économique en fin de semaine dernière, pour lequel les Vingt-Sept ont donné leur feu vert ; feu vert donné également à une révision du Traité de Lisbonne que réclamait le document afin de lever « l’interdiction » de soutenir financièrement un pays de l’Union.
Si la mesure est présentée comme le moyen pour l’Union de proroger le fonds de solidarité [le Fonds européen de stabilisation financière, créé pour trois ans et doté de 500 milliards d’euros, NDLR] mis en place pour le « plan de sauvetage » des banques engagées dans la dette grecque, il permettra en réalité, par l’exigence franco-allemande, de l’assortir de mécanismes gradués de sanction, la supervision des budgets nationaux des Etats de la zone. De fait, c’est une forme de tutelle des budgets de ces pays qui a été décidée, et donc la fin de leur souveraineté tant économique que politique – les deux étant intimement liées.
Aussi curieux que cela puisse paraître, ce n’est pas à une entité démocratique que cette réforme du Traité a été confiée, comme par exemple le Parlement ou une commission ad hoc, ni même à la Commission Européenne qui est garante des Traités, mais à Herman van Rompuy, le Président du Conseil Européen non élu.
À terme, ce n’est pas non plus le Parlement européen qui décidera des sanctions à l’encontre des pays qui ne respectent pas les critères définis par M. van Rompuy et sa « task force », mais une entité composée du Conseil de l’Union, de la Commission européenne et de l’Eurogroupe, que nous avons appelée “triumvirat” dans nos précédents articles.
En imposant une police des budgets gouvernementaux de la zone euro, l’Allemagne démontre une fois de plus qu’elle règne en maître sur l’Union. Si la France a habilement consenti aux manœuvres de Madame Merkel, c’est surtout pour coller au « couple » franco-allemand, et aussi avec l’idée d’imposer aux Français une contrainte budgétaire extérieure gravée dans le marbre des Traités.
D’un côté, Madame Merkel pourra expliquer aux Allemands qu’ils ne seront plus les pompiers des Etats laxistes, et Monsieur Sarkozy aux Français que les Traités de l’Union obligent l’Etat à l’austérité budgétaire qui suivra la réforme des retraites.
Bousculer le calendrier et passer en force
Herman van Rompuy soumettra la réforme du Traité de Lisbonne aux Vingt-Sept les 16 et 17 décembre prochain. Il en sortira des propositions législatives au début 2011, l’objectif étant de parvenir à un accord final en juin 2011.
Ce calendrier très serré est censé permettre l’achèvement du processus de ratification avant le 30 juin 2013. C’est la date à laquelle prend fin l’actuel fonds du « plan de sauvetage » de la zone euro, mis en place au printemps dernier. L’objectif principal de cette procédure dite « simplifiée » est d’éviter de passer obligatoirement par des référendums dans chaque pays membre de l’Union, car si le processus démocratique était respecté, il n’y aurait aucune chance pour que l’ensemble des pays de l’Union ratifie cette modification du Traité.
Seule la résurgence des partis nationaux en Europe, comme on l’a vu ces derniers mois aux Pays-Bas, en Hongrie, au Danemark, en Norvège et en Autriche, pourrait permettre une ultime prise de conscience, puis une contestation générale de l’ordre qui se met en place, dicté par les impératifs de l’adaptation de nos vies à l’économie mondialisée.
Clovis CASADUE, pour la revue FLASH