La cause semble désormais entendue. Le gouvernement souhaite réduire les déficits publics et le ralentissement de l’activité provoqué par l’austérité le pousse à envisager de nouvelles coupes pour tenir ses objectifs. Les allocations familiales sont dans son viseur.
Courage, taxons les familles riches !
Dans le contexte d’une impopularité extrêmement forte et toujours croissante, il est difficile de réduire les déficits publics. Le gouvernement ne veut guère couper dans les dépenses (à part la défense), ce qui n’est guère populaire et créérait des mécontents. En outre, la tolérance à l’imposition a été durement testée avec les mesures prises depuis près d’un an. Du coup, le gouvernement cherche à faire des économies sans prendre le risque de l’impopularité ou de l’affrontement.
Dans ce cadre, viser les allocations familiales des familles les plus riches semble quelque chose de facile. D’ailleurs, le gouvernement a lancé plusieurs pistes dans les médias pour mesurer le degré de résistance ainsi que l’opinion des français. Résultat, un sondage indique que 66% des Français seraient favorables à la réduction ou à la suppression des allocations familiales passé un certain niveau de revenu. Passons sur le fait qu’une réduction de 10 ou 100% n’est pas la même chose, de même que l’absence de définition précise de ce qu’est un ménage aisé (qui varie selon les citoyens).
Dans un premier temps, le gouvernement a évoqué des pistes de réforme fiscale : suppression d’une demi-part ou intégration des allocations familiales dans la base fiscale. Mais devant l’impopularité de ces idées, Marisol Touraine est intervenue pour dire que ces pistes ne seraient pas suivies. Du coup, la solution d’une réduction des allocations familiales pour les ménages aisés semble aujourd’hui devoir s’imposer puisqu’elle semble recueillir l’assentiment d’une majorité de Français.
Une mauvaise réforme
Dans l’absolu, étant donnée la forte montée des inégalités, on pourrait se dire qu’il s’agit d’un moyen juste de réduire les déficits publics. Néanmoins, je ne crois pas que ce soit le cas. Tout d’abord, il faut rappeler que les allocations familiales ont une valeur fixe pour tous les ménages et qu’en revanche, le taux de cotisation progresse avec les revenus (jusqu’à un certain plafond), ce qui fait qu’elles ont d’ores et déjà une dimension redistributrice, qu’il ne faut pas oublier.
Ensuite, il faut revenir à ce que représentent les allocations familiales et plus généralement la Sécurité Sociale conçue au sortir de la guerre : tout les Français qui travaillent cotisent en fonction de leurs revenus et tous reçoivent ensuite la même couverture, que ce soit pour la santé ou la famille et une couverture proportionnelle au montant de leurs cotisations pour la retraite ou le chômage. Une telle réforme serait donc une rupture avec les principes de notre protection sociale.
En fait, la réduction des allocations familiales pour les plus riches répond à une logique très états-unienne qui consiste à réduire au maximum le système public de protection sociale (un petit filet pour les plus pauvres) puis à privatiser le reste (mutuelles). Si demain, les plus riches ne sont plus couverts, ils pourront demander légitimement pourquoi ils cotisent. Nous perdrions alors l’universalité, principe cardinal de notre Sécurité Sociale. C’est exactement la logique en œuvre au niveau de la santé avec l’explosion de la part des mutuelles dans les dépenses, passées de 4 à 14% en 20 ans.
Parce que notre Sécurité Sociale est un projet universel et parce que la réduction des allocations familiales pour les plus riches remettrait en cause ce principe fondateur, une telle réforme serait dangereuse. Elle pourrait être une étape de plus dans le démantèlement progressif des acquis de l’après-guerre.