Il y a un bon siècle, la France comptait des centaines de quotidiens. Chaque grande ville ou presque avait son journal : c’est l’âge d’or de la presse française.
À la veille de la Grande Guerre, quatre quotidiens à un sou frôlent ou dépassent le million d’exemplaires : Le Petit Journal, Le Journal, Le Matin et Le Petit Parisien, plus fort tirage de la planète (1,3 million d’exemplaires). En 1914, avec près de 10 millions d’exemplaires quotidiens, la presse quotidienne française est devenue la première en Europe, la deuxième dans le monde après les États-Unis. On compte près de 80 quotidiens à Paris, près de 240 en province. (BNF)
Le Petit Journal, qui s’adresse à une clientèle populaire mais instruite et qui propose faits divers et feuilletons, s’écoule chaque jour à 500 000 exemplaires en 1878, un million en 1890 et deux millions en 1895 ! Un bon siècle plus tard, la presse quotidienne s’est à la fois concentrée et effondrée sur elle-même, comme une géante rouge devenue une naine blanche. La foisonnement de ces journaux traduisait aussi le foisonnement des idées, si l’on excepte la censure napoléonienne de 1800 :
Le 17 janvier 1800, Napoléon Bonaparte rétablit la censure. Il demande la suppression de « tous les journaux qui inséreraient des articles contraires au respect dû au pacte social, à la souveraineté du peuple et à la gloire des armées, ou qui publieraient des invectives contre les gouvernements et les nations amies ou alliées de la république, lors même que ces articles seraient extraits de feuilles périodiques étrangères ». La censure sera finalement abolie puis rétablie de nombreuses fois jusqu’à la loi sur la liberté de la presse.
La censure sera théoriquement abolie officiellement dans les textes avec la loi de 1881, mais elle est remise en question aujourd’hui par le communautarisme qui fracture la société et l’unité françaises. On parlait de foisonnement de titres et d’idées : les journaux idéologiquement opposés se balancent du matin au soir invectives et menaces à la tête. Les réseaux sociaux du XXIe siècle, même s’ils sont américains, ne font que reprendre cette tradition nationale. Le conflit idéologique est donc le marqueur d’une démocratie, et il ne faut pas en avoir peur. En plus, il traduit la sociologie politique du jour. Et actuellement, ce qui domine le débat médiatique ou le débat intermédiatique, c’est la lutte entre Hanouna et ses secondants et les sbires de France Inter, une réplique du combat plus aérien et feutré entre Bolloré et Macron.
On n’ira pas jusqu’à dire que Bolloré est opposé à l’oligarchie, puisqu’il en fait partie, mais il appartient à cette race d’hommes qui a les moyens de conserver ses convictions et de les opposer à la pensée dominante. De l’autre côté de l’Atlantique, Trump et Musk sont de cette trempe. Il y a un siècle, les combats de titres ne volaient pas haut, en termes littéraires : il fallait enfoncer l’ennemi idéologique par tous les moyens. Journaux gauchos et cathos se tiraient dessus à travers billets et éditos sanglants. Il est vrai que le grand débat sur la séparation de l’Église et de l’État a jeté des marmites d’huile bouillante dans le brasier. Les haussements de ton à l’Assemblée sous la Ve ne sont rien par rapport à ceux qui agitaient la Chambre sous les IIIe et IVe Républiques.
C’est pourquoi les échanges de tirs entre l’équipe d’Hanouna et celle de France Inter sont plutôt sains. Certes, les lieutenants défouraillent des deux côtés sans forcément se soucier des bonnes manières ou de la vérité, mais la guerre, c’est de bonne guerre.
Pathétique.#TPMP #Boyard #Hanouna pic.twitter.com/6DYKvkBTKJ
— Caisses de grève (@caissesdegreve) November 15, 2022
Tout est parti de l’invitation du jeune député LFI Louis Boyard dans TPMP, où il s’est fait chahuter par l’animateur Cyril Hanouna. Le petit Louis a transformé le plateau de divertissement en tribune politique, et s’est attaqué à Bolloré, dont le groupe possède la chaîne C8. Petit Louis, traité de « merde », a porté l’insulte (ou l’injure) devant la justice, et depuis les esprits s’échauffent dans les deux camps. France Inter fait partie du camp mélenchoniste, et dans le camp mélenchoniste, ou gauchiste, il y a Giedré, que personne ne connaît, mais que Thierry Ardisson avait en 2014 invitée dans Salut les Terriens (sur C8) pour parler de son album dont le concept était « l’anus », on ne plaisante pas.
Huit ans plus tard, l’« humoriste » récidive avec une sortie scatophile sur Hanouna :
« Merci, merci, merci Baba, merci, merci, merci d’être là, et d’être une grosse merde, à notre place, d’être une grosse merde, que personne ne surpasse. »
Les batteries du camp d’en face se sont naturellement réveillées.
On y parle, entre autres, de la merveilleuse chanson de @GiedReLaLaLa https://t.co/nSJNTaQy9s
— Caisses de grève (@caissesdegreve) November 19, 2022
Depuis l’affaire Boyard, toute la rédaction et les comiques troupiers de France Inter concentrent leurs tirs sur Bolloré et Hanouna.
"Bolloré, il possède plus de trucs en Afrique que les africains eux-mêmes. Tout ça, bien sûr, grâce à la corruption de chefs d'état africains et d'ingérence dans les élections"@WalyDIA #Boyard #Hanouna #TPMP pic.twitter.com/W0WujMt92j
— Caisses de grève (@caissesdegreve) November 14, 2022
Mélenchon est entré dans la danse, lui qui a envoyé tous ses lieutenants – dont Raquel Garrido, un temps chroniqueuse – draguer le populo chez Hanouna, qui réunit entre un million et un million et demi de téléspectateurs chaque soir, soit le tirage du Petit Journal de 1890 (mais pas celui de Yann Barthès) ! Y a pas de petit profit, quand on veut ratisser large en politique. Mais le leader maximo de La France insoumise qui finit toujours par voter Macron (LFIQFTPVM) a mit les poings sur les i :
La réponse de @JLMelenchon à Cyril Hanouna, c’est dit ! pic.twitter.com/vbu8gO5ohw
— Avec Mélenchon (@AvecJLM) November 17, 2022
Tremble, Bolloré, tremble, Hanouna ! L’axe Mélenchon-Macron n’est pas complètement vrai, et pas complètement faux non plus : car Hanouna a invité non seulement des antivax, mais aussi des Gilets jaunes sur son plateau. Et Maxime Nicolle, un des meneurs des samedis jaunes de 2018-2019, est revenu parler de souffrance sociale avec un peu plus de concepts que d’habitude. Et ça, ça peut énerver l’Élysée.
On aime ou on n'aime pas le personnage, peu importe, là n'est pas le sujet.
J'adhère à chacun des mots prononcés ici, tous les mots, sans exception. pic.twitter.com/qP6j6wjKxD
— On m'appelle 404 (@Red_Pill_Report) November 19, 2022
On le sait, Nicolle a été maqué par l’avocat Branco, mais son discours se tient. Et il va au charbon, au contact.
Message de Maxime Nicolle lors de la manifestation des #GiletsJaunes à Paris.#GiletsJaunes #Paris pic.twitter.com/MTGsE0o2oT
— A__SAMEDI (@_samedi_) November 19, 2022
Avec l’énorme crise sociale qui se profile en 2023, et qui a déjà commencé – qu’on ne se leurre pas, on est en plein dedans –, le dialogue social va se durcir entre les deux classes, et cette lutte des clashs n’est pas que du spectacle, c’est aussi de la lutte des classes.
Pendant ce temps, le Premier ministre inféodé à l’agenda 2030 du Forum économique mondial de Klaus Schwab, le « prof » de Macron, passe toutes les décisions antisociales au 49.3, méprisant l’opposition et, surtout, les Français qui vont souffrir, et ceux qui souffrent déjà.
Pour ce qui concerne l’assurance chômage, les Français en recherche d’emploi seront assurés d’une chose : ils toucheront moins. À partir du 1er février prochain, la durée d’indemnisation de tous les chômeurs baissera d’un quart.
On dirait qu’il y en a, en haut lieu, qui cherchent la bagarre. Heureusement, Borne a le sourire, car on a l’agenda (France) 2030, qui va sauver l’emploi, la croissance et la Terre :