Si on met de côté le pauvre Pierre Palmade qui aurait sans doute préféré ne jamais être là ce mardi soir chez Taddei, tant il ne supporte pas la violence des mots qui ne répond pourtant qu’à la violence du monde, les invités de France 3 ont eu pour débattre soixante-douze minutes chrono à se partager. À huit, plus le présentateur et les présentations, ça ne fait pas beaucoup. Faisons simple et laissons sur le compte de chacun le temps des questions qui lui sont posées : l’émission offre neuf minutes de crachoir par tête de pipe ! Mais voilà que Taddei semble trouver qu’Alain Soral l’a gardé un peu trop longtemps et lui reproche de trop causer. Erreur ! Soral ne tient pas le crachoir plus longtemps que les autres : s’il donne cette impression c’est qu’il le remplit mieux ! Dans le même temps il en dit plus. Il débite sa pensée, court après de peur qu’on en coupe le fil, voudrait faire entrer dans le cerveau du téléspectateur endormi ce qui le ronge et le révolte, le réveiller à son tour, déchirer le voile lénifiant tissé par les causeurs de salon qui l’entourent, les oublie et sort de l’écran... Il a tant de maux à dénoncer, leurs racines à extirper, ceux qui maîtrisent le jeu et ceux qui croient le faire, les ennemis amis qui jouent dans le même camp, ceux qui y gagnent et ceux qui y perdent, et si peu de temps pour dire tout ces mots, toutes ces paroles qui se bousculent et qu’il nous jette, à nous derrière l’écran, comme autant de petites bouées auxquelles s’accrocher pour comprendre le monde... La coupe est pleine ! Alors les uns se tortillent, les autres pâlissent, sourient benoîtement ou font des "hum, hum" gênés : c’est que les vérités, ça dérange ! On voudrait lui couper le caquet à cet empêcheur de penser mou, à cet agitateur, le bâton dans la fourmilière ! On lui reproche de "monopoliser le temps de parole", on le menace de "prendre parti"... Diantre ! Quels aveux en quelques mots ! C’est que pour lui répondre sur le fond à cet éveilleur, des mots on n’en trouve pas... Même la petite Clémentine n’en a pas dormi [1].
Anne Lucken