Le chef de l’État français peut commettre les crimes les plus graves, il est devenu juridiquement impossible de le poursuivre pénalement pendant l’exercice de son mandat. En revanche, la Haute Cour peut prononcer sa destitution en cas de manquement aux devoirs d’un Président de la République manifestement incompatible avec l’exercice d’un mandat. Et l’on entend de plus en plus parler de la mise en œuvre de cette procédure.
Je ne me prononce pas sur la pertinence d’une destitution au fond. Car si les raisons de fond peuvent être très graves, elles peuvent tout aussi bien être très légères. Les termes de la Constitution sont suffisamment vagues pour qu’une destitution soit facilement justifiée. Quels sont, en effet, les « devoirs d’un Président de la République » ? Qu’est-ce qui peut constituer un « manquement » ? Enfin, en quoi sera-t-il « manifestement incompatible avec l’exercice d’un mandat » ? Le problème n’est pas là.
Je me penche uniquement sur l’aspect procédural de la destitution. Elle a fait l’objet d’une réforme, sous Sarkozy. Et désormais tout est bien verrouillé. Voici en effet les six étapes de cette procédure (vu l’article 68 de la Constitution et la Loi organique du 24 novembre 2014). Nous allons voir qu’il n’y a quasiment aucune chance pour qu’une procédure franchisse toutes ses étapes et aboutisse à la destitution. Et le problème de ce genre de blocage, en cas de crise grave et d’abus de pouvoir, c’est que la seule solution reste le coup d’État.
Première étape : proposition d’accusation
L’initiative de la procédure de destitution appartient à un dixième des membres de l’une ou l’autre des assemblées parlementaires. Pour l’Assemblée nationale, il faut la réunion de 58 députés ou bien pour le Sénat de 35 sénateurs.
Ces parlementaires déposent sur le bureau de leur assemblée une proposition motivée de résolution portant mise en accusation et tendant à la réunion de la Haute Cour.
Deuxième étape : vérification de la proposition d’accusation
Le Bureau communique sans délai la Proposition au Président de l’assemblée, au Président de la République et au Premier ministre.
Puis il vérifie que la Proposition remplit les conditions. Il semble que cette mission ne consiste en rien d’autre qu’à vérifier que la Proposition est bien portée par le nombre requis de députés ou de sénateurs. Peut-être le Bureau vérifiera-t-il aussi que la Proposition est motivée, mais il ne semble pas lui appartenir de juger de la pertinence de cette motivation.
Et il la transmet à la Commission permanente compétente en matière de lois constitutionnelles.
Troisième étape : décision d’adoption de la proposition d’accusation
La commission permanente compétente en matière de lois constitutionnelles examine la proposition et décide de l’adopter ou de la rejeter.
Au vu de leur composition, on jugera de la capacité de ces formations à bloquer ou non une procédure.
https://www2.assemblee-nationale.fr/15/commissions-permanentes/commission-des-lois
https://www.senat.fr/senateurs/lois.html
Autrement dit, une Proposition aura pu aller jusqu’ici, aller au-delà sera déjà plus difficile.
Quatrième étape : vote d’adoption de la mise en accusation par la première assemblée
En cas de Proposition adoptée, elle est inscrite à l’ordre du jour et un vote a lieu. Si la Proposition recueille la majorité des deux tiers, elle est transmise à l’autre assemblée.
Cette fois il faut réunir 239 sénateurs ou 392 députés.
Cinquième étape : vote d’adoption de la mise en accusation par la seconde assemblée
Si l’autre assemblée vote pour la Proposition à la majorité des deux tiers, celle-ci est adoptée.
Sixième et dernière étape : accusation devant la Haute Cour
Le Bureau de la Haute Cour, composé de vingt-deux membres, se réunit et travaille. Une commission de douze vice-présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat recueille les informations nécessaires à la Haute Cour. Elle fait un rapport qui est distribué et rendu public.
Le Parlement (députés et sénateurs réunis) est constitué en Haute Cour. Celle-ci est présidée par le Président de l’Assemblée nationale.
Les débats sont publics.
Le vote a lieu à bulletin secret. La destitution est prononcée à la majorité des deux tiers (630 parlementaires).