*ancien rédacteur en chef adjoint du "Monde diplomatique".
Dans le premier chapitre de La Parabole d’Esther, je précise d’emblée que, en ce qui concerne la perception de soi, ceux qui s’appellent eux-mêmes juifs peuvent être répartis entre trois grandes catégories :
- 1. ceux qui suivent les préceptes du judaïsme ;
- 2. ceux qui se considèrent comme des êtres humains dont il se trouve qu’ils sont d’origine juive ;
- 3. ceux qui placent leur judéité au-dessus de tous les autres traits de leur personnalité.
Dans mon livre, je m’intéresse uniquement à cette 3e catégorie, ceux qui se définissent d’abord et avant tout comme juifs. J’insiste également sur le fait que les deux premières catégories correspondent à un groupe de personnes inoffensives et innocentes, d’un point de vue politique ou éthique.
L’ouvrage traite de la politique identitaire juive. Je m’efforce de définir ce en quoi précisément consiste cette politique, et quelle est son idéologie sous-jacente. En effet, puisqu’Israël se définit lui-même comme « l’État juif », et que ses tanks arborent des symboles juifs, il me semble que nous devons pouvoir être en mesure de nous demander ce que cela signifie : c’est-à-dire concrètement, qu’est-ce que le judaïsme et qu’est-ce que la judéité ?
Les sionistes, de manière évidente, appartiennent à cette 3e catégorie. Politiquement, ils s’identifient avant tout comme juifs. Mais, il est intéressant de souligner que certains juifs antisionistes qui agissent sous la bannière politique de l’antisionisme dans des associations ouvertes « seulement aux juifs » font partie de cette 3e catégorie. En fait, ils se comportent politiquement comme des sionistes de gauche ou des antisionistes sionistes.
J’ai appris cette semaine que Dominique Vidal s’est scandalisé de mon travail critique sur la politique identitaire juive.i Je me demande s’il pense que la politique identitaire juive est au-dessus de toute critique ? Ou s’il est convaincu que les juifs sont, d’une certaine manière, parfaits ? Que l’Histoire et l’héritage juifs doivent tout simplement être exclus du débat intellectuel ? Ou bien encore qu’ils sont réellement le Peuple Élu ? Je me pose, et je lui pose, ces questions.
De toute évidence, dès que l’on aborde la question de la politique identitaire juive, certaines personnes, tout comme lui, s’avèrent imperméables à la raison et opposées à la plus élémentaire liberté d’expression. Il met même sa réputation en danger, en essayant ainsi de faire taire un débat d’idées, ce à quoi on ne s’attendrait pas de la part d’un ancien rédacteur en chef adjoint du prestigieux Le Monde diplomatique.
En fait, le livre La Parabole d’Esther, qui a fait réagir si violemment M. Vidal, est soutenu par les plus grands humanistes de notre temps, et les intellectuels les plus respectés de notre mouvement.
Et pourtant, mis à part quelques noms d’oiseaux (pour rester poli), Vidal ne parvient pas à présenter le moindre élément critique, ni un seul argument raisonné, contre le livre. Il ne cherche même pas à prouver que j’ai tort, ni à établir en quoi je me trompe. Pour l’instant, tout ce qu’il a pu produire est une longue liste d’extraits soigneusement sélectionnés de mon livre, (et donc dépouillés de leur contexte explicatif plus général), qu’il semble trouver particulièrement insupportables.
Dans un esprit de concision, voici certaines de celles qui bouleversent tant M. Dominique Vidal :
« Dès lors qu’Israël se définit comme l’“État juif”, nous sommes parfaitement en droit de nous interroger sur la signification réelle des notions de judaïsme, judéité, culture et idéologie juives. » (La Parabole d’Esther, page 29) ;
« Manifestement, nous n’avons pas affaire seulement à Israël et aux Israéliens. En réalité, nous sommes en conflit avec une philosophie pragmatique extrêmement déterminée qui génère et promeut des conflits internationaux d’ampleur gigantesque » (page 30) ;
« En raison de la nature raciste, expansionniste et judéo-centrique de l’État juif, le juif de la Diaspora se trouve intrinsèquement associé à une idéologie intégriste et ethnocentrique, ainsi qu’à une interminable liste de crimes contre l’Humanité. » (page 92) ;
« Les antisionistes d’origine juive (cette catégorie peut englober des gens haineux d’eux-mêmes et fiers de l’être, comme moi) sont là pour donner une image de pluralisme idéologique et de souci de l’éthique. » (page 118) ;
« Le débat entre les sionistes et les soi-disant “juifs antisionistes” n’a strictement aucun impact sur Israël ni sur la lutte contre la politique israélienne. Il a pour seule fin de maintenir le débat “au sein de la famille”, tout en semant davantage de confusion chez les Goyim. Cela permet aux militants juifs ethniques prétendument “progressistes” d’affirmer que “tous les juifs ne sont pas sionistes”. Cet argument de peu de poids a pourtant réussi à faire voler en éclats toute critique du lobbying juif ethnocentrique qui a pu être exprimée au cours des quatre décennies passées. » (page 157) ;
« Si Shlomo Sand est dans le vrai (…), si les juifs ne sont pas une race et s’ils n’ont rien voir avec le sémitisme, alors l’“antisémitisme” est formellement un mot vide de sens. Autrement dit, la critique du nationalisme, du lobbying et du pouvoir juifs ne peut être considérée comme autre chose qu’une critique légitime d’un idéologie, d’une politique et d’une praxis. » (page 212) ;
« La religion de l’Holocauste était déjà bien établie très longtemps avant la Solution finale (1942), bien avant la Nuit de Cristal (1938), les Lois de Nuremberg (1936) et même avant la naissance d’Hitler (1889). La religion de l’Holocauste est sans doute aussi ancienne que les juifs le sont eux-mêmes. » (page 221) ;
« Tant dans Exode que dans le Livre d’Esther, l’auteur du texte réussit à prédire le genre d’accusations qui allaient être jetées contre les juifs pour les siècles à venir, telle que la recherche du pouvoir, le tribalisme et la tricherie. De manière choquante, le texte d’Exode fait penser à une prophétie de l’Holocauste nazi (…) Pourtant, aussi bien dans Exode que dans le Livre d’Esther, au final, ce sont les juifs qui tuent. » (page 228) ;
« Il m’a fallu des années pour comprendre que mon arrière grand-mère n’avait pas été transformée en “savonnette” ou en “abat-jour” contrairement à ce qu’on m’enseignait en Israël. Ella a sans doute péri d’épuisement ou du typhus, ou peut-être a-t-elle été victime d’un mitraillage collectif (au cours de ce qu’on appelle la Shoah par balles). C’était assurément triste et tragique, mais cela n’est pas très différent du sort qu’ont connu des millions d’Ukrainiens qui ont eu à apprendre le sens réel du mot communisme. Le sort de mon arrière grand-mère n’a pas été très différent de celui de centaines de milliers de civils allemands tués dans un bombardement aveugle cyniquement orchestré, pour l’unique raison qu’ils étaient allemands. » (page 248) ;
« Soixante-six ans après ans après la libération du camp d’Auschwitz, nous devrions pouvoir poser la question du “pourquoi”. Pourquoi les juifs étaient-ils haïs ?ii Pourquoi les peuples européens se sont-ils levés pour faire la guerre à leurs voisins ? Pourquoi les juifs sont-ils haïs au Moyen-Orient, où ils avaient sûrement une chance d’ouvrir une nouvelle page de leur histoire ? S’ils avaient envisagé de le faire, comme le clamaient les pionniers du sionisme, pourquoi ont-ils échoué ? Pourquoi l’Amérique a-t-elle durci ses lois d’immigration au plus fort du danger pour les juifs européens ? Nous devons aussi nous demander à quoi servent, au juste, les lois sanctionnant le négationnisme de l’Holocauste ? Qu’entend cacher la religion de l’Holocauste ?iii Tant que nous ne nous poserons pas de questions, nous serons assujettis aux sionistes et à leurs complots. Nous continuerons à tuer au nom de la souffrance juive. » (page 249) ;
Et les dernières lignes de l’épilogue du « livre » sont les suivantes : « Je ne saurais laisser passer l’opportunité qui m’est ici offerte de remercier du fond du cœur ma demi-douzaine de détracteurs juifs marxistes qui m’ont harcelé, moi et ma carrière musicale, nuit et jour, des années durant, et sans lesquels je n’aurais jamais pris toute la mesure de la profondeur de la férocité tribale. Ce sont ces activistes juifs soi-disant “antisionistes” qui m’ont appris infiniment plus de choses que n’importe quel sioniste enragé au sujet de la véritable signification pratique – ô combien dévastatrice – de la politique identitaire juive. » (page 268).
Je saisis l’opportunité qui m’est ici donnée de souligner que je ne me réjouis nullement des polémiques stériles, ou des procès d’intention auxquels je commence à être habitué depuis 10 ans. Je préfèrerais m’engager dans un débat contradictoire portant sur le cœur même de mon livre. Je regrette donc que M. Vidal n’ait pas donné suite à ma proposition de débattre sereinement, et de manière dépassionnée, avec lui. Mais je reste convaincu que cela est possible en France…
Je reviendrai dans un prochain article sur les extraits ci-dessus pour en expliciter mieux le contenu, car ces citations doivent bien évidemment être resituées dans leur contexte original.