Mais où est donc passé mon petit bouquin de Montebourg ? Celui-ci où il appelait les français à voter « pour la démondialisation ».
Ah ! Le voilà ! ….
…. page 86 : « Politiser le droit européen de la concurrence pour constituer des champions industriels ayant la taille critique sur le marché mondial ».
Et voilà que le candidat aux primaires devenu ministre recommence !
Vous voulez fermer Florange ? Il faut sauver notre industrie ! L’État nationalisera ! (puis revendra vite hein... faut pas pousser).
Il faut dire quand même que, depuis 10 ans, ce sont plus de 700 000 emplois industriels qui se sont envolés.
Trop tard Arnaud. Vous avez déjà bien trop poussé le bouchon.
Heureusement que Pierre (Moscovici) est allé rattraper le coup aujourd’hui à Strasbourg devant les eurodéputés. Le ministre des finances a comparé les nationalisations à l’arme nucléaire et a ajouté qu’elles pourraient être utilisées dans des circonstances spéciales. Le propre de la dissuasion est de ne pas être utilisée sauf en cas extrême : « Mais je pense qu’une nationalisation temporaire est une idée utile. »
Une bonne idée. Voilà tout. Rien de plus.
Car avant que l’idée devienne réalité, elle doit d’abord aller frapper à la porte de la Commission européenne et être accueillie avec le sourire. En matière de concurrence, l’Union européenne détient en effet des compétences dites exclusives.
Cependant, le droit européen n’interdit en rien la nationalisation d’une entreprise.
En effet, l’article 345 TFUE dispose que « les traités ne préjugent en rien le régime de la propriété dans les États membres ».
Dans un arrêt du 18 décembre 1997, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) notait justement « l’absence de réglementation communautaire spécifique en matière d’expropriation […] » et concluait que la mesure nationale en cause « concerne un domaine qui relève de la compétence des États membres ».
La Cour estime toutefois qu’un tel régime d’expropriation publique reste néanmoins soumis à la règle fondamentale de non-discrimination.
Le problème voyez-vous, c’est que cette apparente liberté d’action des États se borne très vite au domaine réservée de la sacrosainte concurrence.
Pour que l’expropriation soit conforme au droit européen, il faut que l’État « se comporte comme un investisseur privé en économie de marché tant en ce qui concerne le prix d’acquisition que la gestion de l’entreprise ». Autrement dit, l’État ne peut s’impliquer dans une entreprise que parce qu’elle est viable et qu’un investisseur privé en aurait fait de même.
Dans le cas contraire (ce qui semblait parfaitement le cas pour l’affaire de Montebourg), la nationalisation se verrait appliquer les dispositions des articles 107 et 108 du TFUE relatifs aux aides d’État.
Selon l’article 107 « sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. »
Pour procéder à l’examen des aides d’État, le droit européen impose aux États leur communication à la Commission européenne.
Conformément à l’article 108 du TFUE, « l’État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale. ». Si la Commission européenne estime qu’une aide n’est pas compatible avec le marché intérieur, « elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine ».
D’où cette question Monsieur Montebourg (la même depuis la lecture de votre petit livre de campagne) : Pourquoi promettre à des salariés désespérés une solution que vous savez contraire au droit européen ?