Jimmy Carter, 39ᵉ président des États-Unis, est décédé le 29 décembre 2024 à l’âge de 100 ans dans sa ville natale de Plains, en Géorgie. Né le 1ᵉʳ octobre 1924, il a grandi dans une famille modeste de cultivateurs d’arachides avant de rejoindre l’Académie navale d’Annapolis, dont il est sorti diplômé en 1946. Après plusieurs années de service dans la marine, il est retourné en Géorgie pour reprendre l’exploitation familiale à la suite du décès de son père.
Sa carrière politique débute comme sénateur de Géorgie en 1963, avant de devenir gouverneur de l’État en 1971. Durant son mandat de gouverneur, il surprend en prenant position contre la ségrégation raciale, devenant le premier gouverneur d’un État du Sud à tenir publiquement de tels propos.
En 1976, dans un contexte de désillusion post-Watergate, cet outsider peu connu remporte l’élection présidentielle face au président sortant Gerald Ford. Il est le premier président originaire du Sud profond depuis la guerre de Sécession.
La présidence de Carter (1977-1981) est marquée par des défis économiques qui le dépasseront, notamment une inflation galopante et une crise énergétique. C’est donc plutôt sur la scène internationale qu’il laisse une empreinte durable, particulièrement au Moyen-Orient.
En 1978, il joue un rôle central dans la médiation des accords de Camp David entre l’Égypte et Israël, aboutissant à un traité de paix historique l’année suivante. Ces accords valent à Carter une reconnaissance internationale pour ses efforts en faveur de la paix.
Accords de Camp David (1978)
Les accords de Camp David, signés le 17 septembre 1978, représentent un moment historique dans les relations israélo-arabes, conclus entre le président égyptien Anouar el-Sadate et le Premier ministre israélien Menahem Begin, sous la médiation du président américain Jimmy Carter. Ces négociations secrètes, qui durèrent treize jours à Camp David, la résidence présidentielle américaine dans le Maryland, aboutirent à deux accords-cadres distincts.
Le premier accord établissait un cadre pour la paix au Proche-Orient, incluant des dispositions concernant l’avenir de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, ainsi que les relations entre Israël et ses voisins arabes. Le second accord, plus concret, définissait les conditions d’un traité de paix entre l’Égypte et Israël. Ce dernier prévoyait notamment pour Israël le libre passage dans le canal de Suez et le détroit de Tiran ainsi que le retrait complet des forces israéliennes du Sinaï (conquis en 1967) en échange de la reconnaissance de l’État d’Israël par l’Égypte – la première nation arabe à le faire.
Ces accords eurent des conséquences majeures : ils conduisirent à la signature du premier traité de paix entre Israël et un pays arabe en mars 1979, mais isolèrent l’Égypte du monde arabe, qui considéra cette initiative comme une trahison. Cette perception négative culmina tragiquement avec l’assassinat du président Sadate en 1981, bien que lui et Begin aient reçu le prix Nobel de la paix en 1978 pour cet accomplissement historique.
L’après présidence
Malgré ce succès, son mandat est terni par la crise des otages en Iran, où 52 diplomates américains sont retenus pendant 444 jours, ce qui contribue à sa défaite face à Ronald Reagan en 1980.
Après sa présidence, Carter se consacre à des causes humanitaires et à la promotion des droits de l’homme. En 1982, il fonde le Carter Center avec son épouse Rosalynn, une organisation dédiée à la résolution des conflits, à la promotion de la démocratie et à la lutte contre les maladies. En 1994, il désamorce une crise nucléaire avec la Corée du Nord. Ses divers engagements lui valent le prix Nobel de la paix en 2002.
Carter reste particulièrement impliqué dans les questions du Moyen-Orient, notamment le conflit israélo-palestinien. En 2006, il publie Palestine : Peace Not Apartheid, un ouvrage (naturellement « controversé ») dans lequel il critique la politique israélienne dans les territoires occupés, qu’il compare à un système d’apartheid. Il y plaide pour un retrait israélien aux frontières de 1967 et la création d’un État palestinien souverain.
Tout au long des années 2010 et 2020, Carter continue de dénoncer l’expansion des colonies israéliennes et l’absence de progrès vers une solution à deux États. En tant que membre des « Elders », un groupe de leaders mondiaux œuvrant pour la paix, il effectue plusieurs visites dans la région, rencontrant des dirigeants israéliens et palestiniens, et appelant à des négociations basées sur le respect mutuel et le droit international.
En 2012, lors d’une visite à Jérusalem-Est, il critique l’administration américaine pour son manque d’engagement dans le processus de paix et exhorte à une implication plus équilibrée entre les parties. Bien sûr, ses déclarations qui tranchaient avec le tropisme pro-israélien suscitent des réactions mitigées, certains saluant son franc-parler, d’autres l’accusant de partialité.
Malgré les inévitables controverses, Carter demeure une voix influente sur la scène internationale, prônant inlassablement la justice et la paix. Son héritage est celui d’un homme d’État qui, bien qu’ayant connu des échecs politiques, a consacré sa vie post-présidentielle à des causes humanitaires, laissant une empreinte importante sur la diplomatie mondiale et les efforts de résolution du conflit israélo-palestinien. En vain, comme nous pouvons définitivement le constater avec le génocide actuel des Palestiniens par la politique brutale israélienne.
Bonus : l’exploit du jeune Carter en 1952
Le Figaro raconte l’incroyable histoire d’un jeune lieutenant de la Navy, âgé de 28 ans, qui a sauvé toute une région du désastre. L’article étant payant, nous n’en extrairons que quelques morceaux.
Celui qui était alors lieutenant de sous-marins dans l’US Navy fut dépêché en urgence au Canada pour enrayer une catastrophe potentielle, au début de la guerre froide. Le sensationnel sauvetage nucléaire réalisé par le futur 39e président des États-Unis a pourtant été éclipsé par les tragédies de Three Mile Island, Tchernobyl et Fukushima. (...)
Les fondations du bâtiment sont noyées sous des millions de litres d’eau radioactive. L’air ambiant est contaminé. L’incident du 12 décembre 1952 fait la une des journaux, semant la panique parmi les scientifiques et les dirigeants occidentaux. (...)
Le lieutenant Carter est immédiatement pressenti par son supérieur, le capitaine Hyman Rickover, pour voler au secours des ingénieurs canadiens, lui qui étudie en parallèle la physique nucléaire théorique au vénérable Union College de Schenectady… (...)
L’accident, survenu à 180 kilomètres d’Ottawa, la capitale canadienne, n’a jamais connu la même notoriété que Three Mile Island (1979), Tchernobyl (1986) ou Fukushima (2011). Sans doute parce que le pire fut évité, grâce à une poignée de volontaires emmenés par un brillant ingénieur. Pour pénétrer au cœur du réacteur en perdition, le désactiver et procéder à son démantèlement, Jimmy Carter en fait construire à proximité la copie conforme, au boulon près… sur un terrain de tennis. Divisant ses hommes en équipes de trois, chacune connaissant parfaitement la tâche à accomplir, il organise des rotations périlleuses au cœur du réacteur : 90 secondes maximum, soit l’équivalent d’une année d’exposition naturelle aux radiations pour le corps humain, et le temps imparti pour nettoyer, déboulonner, démanteler, avant de s’extraire précipitamment et se délester des combinaisons blanches de protection irradiées.
La réplique, écrira-t-il dans ses mémoires, sert à « foncer dedans pour s’assurer que nous avons les bons outils et que nous savons exactement comment nous en servir ». Le principe est simple : chaque fois qu’un boulon, un tuyau, un écrou est dévissé, sa copie reçoit le même traitement sur la reproduction grandeur nature. Le trinôme suivant enregistre le progrès et prépare son intervention. Ce travail fastidieux n’épargne pas le chef d’équipe : le tour vient où Jimmy Carter est treuillé avec sa clé anglaise jusque dans les entrailles du bâtiment inondé, y accomplit sa tâche, un seul écrou à la fois, avant de remonter au bout d’une minute et 29 secondes.
Finalement, au péril de leur vie (ils prendront chacun 1 000 fois la dose maximale de radiations autorisée), Carter et ses hommes arriveront à stopper la fuite, le réacteur sera remonté, et la centrale pourra redémarrer. Après un autre incident mineur, elle fonctionnera jusqu’en 1993.