La zone euro devrait être la seule région au monde à connaître un recul de son PIB en 2012. Une preuve éclatante à la fois de la nocivité des politiques d’austérité menée sur le continent mais aussi des conséquences fâcheuses de l’unification monétaire.
Le suicide économique de la zone euro
Joël Halpern a déniché sur son blog cette belle citation de Keynes : « en temps de paix, timides, timorés, hésitants, manquant de persévérance et de détermination, ils pensent qu’un emprunt n’est qu’une dette, et non un moyen de transformer en actifs utiles un surplus de ressources qui autrement serait gaspillé (…) Il ne devrait pas être difficile de comprendre que 100 000 maisons constituent un capital national et 1 million de chômeurs une charge pour la nation ».
Elle synthétise parfaitement la politique économique européenne menée actuellement. S’il est évident qu’il faut gérer les deniers publics avec rigueur, les politiques d’austérité sauvage menées sur le continent sont absurdes. Les coupes drastiques dans les dépenses publiques dépriment la croissance et les rentrées fiscales, limitant grandement l’amélioration des finances publiques, comme on le voit bien en Grèce et en Espagne, qui ont du mal à réduire leurs déficits.
La baisse des dépenses publiques est en grande partie compensée par la baisse des rentrées fiscales, malgré la hausse des impôts et la baisse du PIB provoque une envolée du poids de la dette. Bref, les politiques menées sont totalement ubuesques. C’est ce qu’explique très bien Yann dans son papier « Suicide à l’espagnol ». Il est proprement effarant que les dirigeants européens ne tirent pas les leçons de l’impasse dans laquelle ils sont depuis plus de deux ans.
Un plan B existe
Comme le souligne Joël Halpern, il est incroyable que les pays européens ne songe pas à la monétisation pour relancer leur économie. C’est ce qui a permis aux Etats-Unis et à la Grande-Bretagne d’amortir une crise qui était d’autant plus violente chez eux qu’ils sont à l’épicentre du système financier international. La Banque d’Angleterre vient d’annoncer 50 milliards de livres de monétisation supplémentaire, portant le total de ses interventions à la bagatelle de 375 milliards.
Ce soutien de la Banque Centrale permet de maintenir de faibles taux, limitant les ajustements budgétaires, rendus d’autant plus ardus en Espagne et en Italie du fait des niveaux des taux d’intérêt. La monétisation pourrait également financer un plan de relance digne de ce nom, pas le « pistolet à eau » dérisoire de fin juin. Mais cela pose aussi la question du protectionnisme car sinon, la relance renforcera les déficits extérieurs, comme le souligne Patrick Artus.
Tout ceci pose à nouveau le problème de l’euro. En imposant une politique unique à des pays différents, on finit par mener des politiques qui ne conviennent à pas grand monde. Le fait d’avoir une responsabilité collective pousse (logiquement) l’Allemagne à refuser la monétisation dont les pays en difficulté auraient tant besoin. En fait, si chaque pays avait gardé sa monnaie, ils pourraient mener une politique adaptée à leur situation, ce qui est impossible aujourd’hui.
Emmanuel Todd a bien raison quand il écrivait « avec l’euro fou (plus que fort), l’Europe réussit le tour de force d’utiliser sa propre puissance économique pour se torturer ». Mais il serait temps que cette séance de torture se termine car elle a déjà fait bien trop de victimes…