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L’affaire Bernard Arnault

La Nation et la Gauche

AteliER
Article initialement publié dans l'atelier E&R

La volonté émise par Bernard Arnault (photo ci-contre) d’obtenir la nationalité belge a provoqué l’indignation au sein de la majorité parlementaire socialiste. Bruno Le Roux, président des députés français n’a pas hésité à parler de "trahison" tandis que ce comportement n’est "pas très patriote" pour Benoit Hamon.

Au delà de l’aspect purement fiscal du scandale, on peut s’étonner de tels propos de la part d’un parti qui a depuis longtemps abandonné les idées d’identité nationale et de Nation, pourtant historiquement de Gauche, à la Droite nationale. Que s’est-il passé ? La solidarité nationale ne serait elle donc plus porteuse d’un nationalisme guerrier, chauvin, voire raciste ? Après avoir vanté pendant des décennies le sans-frontierisme de Mai 68, la Gauche s’apercevrait-elle que la "solidarité" ne se décrète pas, mais se construit sur des fondements concrets ?

L’idée de Nation permet d’instaurer une solidarité traversant les classes sociales, une solidarité verticale par un sentiment d’appartenance à une même Histoire (celle du roman français de Clovis à De Gaulle), à une même langue et à un socle commun d’us et coutumes malgré les disparités régionales. C’est cette solidarité nationale, verticale, qui guide le choix de Pierre Fresnay dans La grande illusion de Jean Renoir, personnification cinématographique du triomphe de la Nation sur la classe sociale et la race. Le capitaine français issu de la vieille noblesse choisit ses deux compatriotes, un roturier et un juif contre le noble allemand, son semblable social, incarné par Eric Von Stroheim.

La disparition de ce commun sentiment d’appartenance est souhaitée par la Gauche bobo régnant sur les médias (exaltation de la différence, refus de l’assimilation) et l’Education Nationale (primauté de l’éducation civique abstraite sur l’histoire dont le programme est allégé et "dénationalisé"). Mais cette disparition est aussi la conséquence du pouvoir dissolvant de l’économie de marché mondialiste prônée par la droite libérale. Ce vide laisse place à des solidarités horizontales objectives d’intérêts communs de classe, souvent masquée par une atomisation et un isolement de l’individu libéral. Sans lien moral avec les autres échelons de l’échelle sociale, le citoyen consommateur ne développe en effet pas pour autant une conscience de classe très forte. Ce phénomène est également encouragé par la mort concomitante d’autres grandes idéologies qui permettaient elles aussi l’existence de solidarités verticales transclasses, en particulier le Catholicisme et le Communisme comme l’explique très bien Emmanuel Todd dans "Après la démocratie ?".

Qu’empêche alors un Bernard Arnault de se désolidariser fiscalement de ses compatriotes ? L’immoralité d’un tel comportement dénoncé par François Chérèque ne semble plus évidente puisque ce lien moral peine à trouver son fondement. La Gauche est contrainte de réinvoquer du bout des lèvres le devoir patriotique qu’elle dénigre tant habituellement. L’opinion publique n’est-elle d’ailleurs pas déjà habituée à voir ses footballeurs nationaux, formés sur le territoire, partir sous des latitudes au fisc plus clément ou aux dirigeants plus généreux, et ce même en fin de carrière quand la gloire et la postérité sont pourtant assurées ? (Cf Thierry Henry ou Nicolas Anelka).

Le capital étant plus mobile que le travail, l’internationalisme marxiste est un échec. L’union des prolétaires au delà des nations pour contrer le capitalisme apatride, loin d’avoir renversé le rapport de force, n’a fait qu’intégrer aux fameux "prolétaires" la même culture libérale de leurs maîtres, rendant la contestation idéologique d’autant plus difficile. L’exploité ayant adopté les mêmes valeurs que l’exploiteur, la contestation de l’exploitation ne peut être que stérile. C’est dans ce contexte "d’hégémonie culturelle" qu’Olivier Besancenot peut affirmer fièrement dans l’émission de F. Taddei Ce soir ou jamais du 11 septembre dernier que "la seule patrie qu’(il) reconnaît est celle de l’humanité". Avant de défendre avec conviction la tribune de Félix Marquardt publié quelques jours plutôt sur le site de Libération et intitulée "jeunes de France, votre salut est ailleurs : barrez-vous !"

Sur fonds de jeunisme, cette ode à l’expatriation dans les pays émergents des "apprentis restaurateurs, coiffeurs, chauffeurs (comme des) banquiers" laisse d’ailleurs présager que l’auteur, fondateur du cabinet de conseil en relations internationales Marquardt & Marquardt, appréhende mieux l’univers des banques brésiliennes ou chinoises que celui des coiffeurs de Mumbai ou des chauffeurs de Jakarta…

 
 






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27 Commentaires

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  • #226223
    Le 21 septembre 2012 à 00:39 par max
    L’affaire Bernard Arnault

    l’internationalisme marxiste n’est pas du tout un échec sur le plan de la défense de la nation et du travail.
    lisez marx directement (sur la révolution nationale irlandaise par exemple). ou bien les livres de Soral des années 2000... c’est flagrant.

    à ne pas confondre avec le gauchisme cosmopolite ou mondialiste. nuance. grande nuance. et même combat fratricide entre l’inter-nationalisme marxiste et la social démocratie impérialiste (et son idiot utile gauchiste).

    e&r est un groupement qui vante aussi les forces de la philosophie marxiste et du combat de classe communiste, historique et anti impérialiste.

     

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    • #226399
      Le Septembre 2012 à 11:53 par GB89
      L’affaire Bernard Arnault

      Merci pour vos remarques.

      Je pense que le marxisme ce n’est pas que Marx, c’est aussi les marxistes. En France, l"’internationalisme marxiste" est vite devenu un mondialisme. Je parle davantage de cet utilisation (perversion pour certains) du courant marxiste par ceux qui s’en réclament en France depuis des décennies. Mais effectivement les communismes russe et chinois n’ont pas du tout détruit la nation, bien au contraire. Ils en ont cependant détruit ce que j’appelle la "solidarité horizontale" en s’attaquant à des valeurs structurantes (cf les 4 vieilleries de Mao), générant un individu très matérialiste qui lui permet de bien s’adapter aujourd’hui à l’ultra libéralisme économique, bien que nationaliste.

      Je connais très bien la ligne d’E&R, je suis tout à fait d’accord avec le fait que la théorie marxiste est un instrument puissant et pertinent d’analyse du capitalisme actuel et de lutte contre l’impérialisme. Concernant son application communiste de sociétés sans classe, je suis beaucoup plus critique et sceptique sur la possibilité d’une telle société. Je remarque d’ailleurs l’ambivalence de Soral sur le sujet, pronant la sociétés sans classe notamment dans ses abécédaires, mais faisant désormais aussi un certain éloge de la petite PME et finalement d’un certain capitalisme entrepreneurial (qu’il met lui même en application via Kontre Kulture ou qu’il encourage via le modèle de "Au bon sens") qui ne manquera pas de créer des rapports de classe.

       
  • #226471
    Le 21 septembre 2012 à 13:52 par Julien
    L’affaire Bernard Arnault

    A ne pas oublier que le fait de devenir belge, ce n’est que la première étape. Je suis belge et on a bien l’habitude de voir vos riches arriver mais juste parce qu’après ils peuvent devenir monégasques, ce que les français ne peuvent pas. La Belgique est juste un trampoline pour le gros caillou.

     

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  • #226538
    Le 21 septembre 2012 à 16:26 par Thémistoclès
    L’affaire Bernard Arnault

    Voilà une semaine que j’attendais la parution de ce fait de société sur E&R. En effet, ce qui est PYRAMIDAL, c’est bien que la Belgique (et Monaco qui semble par ricochet la destination fiscale finale) sont au coeur de notre Europe et même de notre Euro. En toute cohérence nous n’aurions pas dû voir fleurir toutes ces jérémiades d’impuissants. Ceci est-il un prélude à la suppression de la libre circulation en Europe ?

     

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  • #226568
    Le 21 septembre 2012 à 17:46 par matrix le gaulois
    L’affaire Bernard Arnault

    Bon article, c’est toujours bien de pointer l’hypocrisie des donneurs de leçon.

     

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  • #226738
    Le 22 septembre 2012 à 00:51 par merlin (le gaulois)
    L’affaire Bernard Arnault

    encore un qui a voler notre argent et volera nos impôts en plus il pourra faire des excès de vitesses sur nos autoroutes...
    vivement 1789 ...
    ah, c’est déjà fait ? non, je vous crois pas !

     

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  • #226833
    Le 22 septembre 2012 à 10:58 par Braçva
    L’affaire Bernard Arnault

    C’est marrant, je trouve les sympathisants E&R très cléments avec Bernard Arnault. Seulement un article et 16 commentaires.

    Peut-être lui manque t’il un petit quelque chose pour mériter votre haine...

     

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    • #227072
      Le Septembre 2012 à 23:24 par Tristan
      L’affaire Bernard Arnault

      Commentaire sournois.

      Ici, mis à part quelques esprits retors, on ne place pas l’identité d’une personne avant sa fonction sociale. L’appartenance affichée à une communauté qui se fonde sur quelques forces principes bien connus (et revendiqués) peut en revanche biaiser l’analyse à priori. Il faut le reconnaître et accepter notre inaptitude à l’analyse objective et désincarnée.

      Ici, on étudie entre autres les rapports de force qui traversent le pays. Et il en est un qui met aux prises les armées de la finance transnationale, virtuelle et a-morale et le restant de capitalisme entrepreneurial basé sur l’économie réelle. Le capitalisme "de papa" contre la finance si tu préfères. L’esprit d’entreprise, l’apprentissage par les exigences du réel contre le principe du vide créateur, contre l’argent facile, le pouvoir usurpé, la terreur spéculative.
      On constate que les "vendeurs de pantalons à une jambe" (cf. Attali) ont pris le pouvoir et que depuis longtemps déjà, un grand capitaliste, si puissant soit-il, ne pèse pas bien lourd face à la caste (cf. H. Ford). Or, Arnault, si critiquable soit-il, est un créateur d’activité qui se retrouve "contraint" de fuir fiscalement un pays passé sous mandat bancaire.

      Aucune complaisance à son égard mais à l’égard de la tragédie qu’il illustre malgré lui. Car comme l’explique l’article, ce cas représente en outre le principe de la fuite comme stratégie d’évitement et/ou de renoncement au (à) pouvoir (agir) chez sois. On laisse gentiment sa place aux nouveaux maîtres moyennant rémunération/sauvegarde de patrimoine. Un principe qui est renforcé par l’idéologie sans-frontièriste et le nomadisme libéral. En cela, il n’est pas différent d’un footballeur-mercenaire, d’un diplômé en école de commerce ou d’un ancien chef d’état.

      Tu es libre d’entendre ce raisonnement... ou pas.

       
  • #226971
    Le 22 septembre 2012 à 16:57 par Super Duchnok
    L’affaire Bernard Arnault

    L’impôt sur le revenu est entièrement capté par le remboursement de la dette nationale due à des banques privées... partout en Occident. Ce n’est pas un hasard, c’est une forme d’extorsion de fonds.
    L’impôt sur le revenu est injuste, car il enrichit les multimilliardaires de la grande finance au détriment des classes moyennes essentiellement. Il ne contribue pas à nos acquis sociaux comme le croient à tort la plupart de ceux qui critiquent les évadés fiscaux. De plus, cette disposition ne touchera pas les revenus du capital, mais les gros salaires. Les grands entrepreneurs ont des salaires importants, mais ils créent du tissu économique, des emplois, contrairement aux spéculateurs.

    Pas étonnant que le propriétaire du journal Libération, un Rothschild, ait critiqué Arnault, ses pairs vivent des dettes nationales notamment. Pour que l’impôt sur le revenu soutienne le social, non les super riches, il faudrait commencer par défaire le principe de la loi Giscard-Pompidou de 1973 !

    Pourquoi Bernard Arnault paierait-il 75% de son salaire en impôt sur le revenu qui ira dans la poche des banquiers ?

     

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  • #227003
    Le 22 septembre 2012 à 18:50 par Osiris
    L’affaire Bernard Arnault

    Magnifique synthèse, et impeccable formulation.

     

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  • #227017
    Le 22 septembre 2012 à 19:53 par MG 42
    L’affaire Bernard Arnault

    En tout bourgeois sommeil un Juif.



    Louis Ferdinand Céline





    Le bourgeois est un Juif mental.



    Joseph Arthur de Gobineau

     

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  • #228733
    Le 25 septembre 2012 à 21:10 par elpadre
    L’affaire Bernard Arnault

    n’importe quoi...
    Bernard Arnaud n’est pas le premier bourgeois qui fuit la France, et ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’il la fuit ! il a déjà fait le coup en 1981 (sans doute effrayé par la perspective de se voir écrasé par un des chars russes qui devaient foncer vers paris, selon la droite -gaulliste- de l’époque.). les premiers émigrés, c’était des nobles, non ? Juste après le Révolution, trahissant une patrie qui ne les intéressait que pour les rentes qu’elle pouvait leur procurer, et mettant leurs noms et leurs fortunes au service de l’ennemi. Ils étaient de gauche les nobles ? et cela a continué depuis lors ! l’exil fiscal des nantis n’a rien à voir avec le bad godesberg non assumé des social traitres ! C’est une des manifestations d’un état de fait : la bourgeoisie n’est pas patriote par nature : elle a conscience d’être une classe par delà les frontières, car son origine est transnationale ! ce qui est la condition de son existence, c’est la concurrence des individus, des entreprises et des nations (dont elle se sert sans appartenir à aucune : les lobby militaro industriels allemands et américains ont vendu des armes au camps adverse durant les deux dernières guerres...). La solution n’est donc pas dans un replis national fermé sur lui même et belliqueux, tant économiquement que martialement, mais dans la chute du système de domination de la bourgeoisie sur le peuple. C’est à dire du capitalisme.

     

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    • #229141
      Le Septembre 2012 à 11:37 par GB89
      L’affaire Bernard Arnault

      Bien sur que Bernard Arnault n’est pas le premier. Oui il y a toujours eu des élites apatrides mais les choses sont plus nuancées que cela. Les élites françaises ont très souvent été scindées en deux, notamment sous l’ancien régime, entre défenseurs de la France, de son peuple et alliés de l’étranger pour des raisons d’intérêts particuliers.
      Mais il y a de nombreux exemples d’élites nationales soucieuses du bienfait de leur pays. Prenons des exemples relativement récents et non français : la différence entre les développements asiatiques et africains après la décolonisation. Les pays asiatiques se sont appuyés sur un fort sentiment d’appartenance nationale pour se développer. En Corée du Sud, le général Park ne s’est pas contenté de s’accaparer les richesses du pays. Son comportement contraste fortement avec ceux des dictateurs africains (continent sur lequel la notion même de nation n’existe pas). Les chefs d’Etat africains n’ont jamais eu à coeur de développer leur pays et d’élever intellectuellement et socialement leurs populations. Les élites asiatiques (notamment Corée du Sud et Singapour) démontre bien que "l’apatrisme" n’est pas une fatalité des hautes classes sociales.

      De plus, la "chute de la domination de la bourgeoisie sur le peuple" que vous souhaitez ne pourra se faire que par la "nationalisation" de la bourgeoisie. L’alliance mondiale des prolétaires contre la bourgeoisie internationale est d’une part vouée à l’échec, c’est une question de rapport de force. D’autre part, la "dénationalisation" des prolétaires ne fait que servir le capitalisme.

       
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