« Le jour où je voudrai revenir, je vous préviendrai » déclarait Nicolas Sarkozy le 8 juillet 2013, brisant plus d’un an de silence médiatique aux accents de traversée du désert. Bien qu’embourbé dans de multiples affaires, son retour teinté de faux accents gaullistes était devenu très probable en cette rentrée 2014.
L’histoire ne se répète pas, ou alors comme une farce, prévenait Marx. Or c’est bien ce à quoi nous risquons d’assister dans trois ans. Tant sur la forme de la traversée du désert – l’impatience puérile de l’intéressé le pousse déjà à la rompre – que sur le fonds idéologique.
Que reste-t-il aujourd’hui du gaullisme à l’UMP ? Sans doute guère plus que les symboles et la plume d’Henri Guaino, qui permettent aux élus du parti de dormir la conscience tranquille et aux jeunes militants de citer le Général à l’occasion. Pourtant, le sarkozysme ne fut objectivement qu’une succession de trahisons des idéaux gaullistes. La souveraineté de la France et le respect de l’expression référendaire du peuple, piliers du gaullisme, ont été largement bafoués. La réintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN a en effet fait de notre pays une force d’appoint de la politique étrangère américaine. De même la ratification du traité de Lisbonne dès 2007, faisant fi de la volonté populaire exprimée deux ans auparavant, fut un pas de plus dans la déconstruction de notre souveraineté nationale.
Cependant ces reniements ne constituent pas une spécificité du sarkozysme. Ils auraient pu en effet être effectués par un autre, comme en témoigne la politique européenne de François Hollande, conforme à celle de son prédécesseur. L’empreinte laissée par Nicolas Sarkozy sur le territoire français est d’une autre nature : son quinquennat marque l’avènement de l’arrivisme libéral comme valeur de notre société. C’est là que se trouve le véritable reniement des valeurs gaullistes authentiques. L’ex-président a ainsi usé de l’image de marque dont jouit son glorieux prédécesseur comme d’un outil marketing. La nation, la frontière, le travail irriguaient ses discours, tandis que le libéralisme tant économique que culturel était le fondement de son action.
La relation qu’il entretient avec Carla Bruni, insolite de prime abord, est pourtant le symbole même de l’harmonie idéologique qui existe entre les milieux d’affaires et le show business culturo-mondain, soit entre cette droite libérale et cette gauche libertaire. Le candidat Sarkozy voulait « liquider l’héritage de Mai 68 » alors qu’il en est le produit. Fasciné par l’argent et la réussite individuelle qui ne souffrent pas la contrainte du collectif, Sarkozy n’est finalement qu’un Bernard Tapie couronné de succès.
L’arrivisme est bien sûr de tout temps, mais l’originalité de notre société est qu’il en est devenu une valeur positive vers laquelle il faut tendre. Sarkozy est allé plus loin avec l’arrivisme politique. La stratégie politicienne n’était pas pour lui un moyen machiavélique d’arriver au pouvoir pour réaliser ses idées, mais une fin en soi. Réussir pour réussir, dominer pour dominer. Peu importe alors la perte réelle de pouvoir politique, abandonné aux marchés ou à l’obscure Commission européenne. Seul compte le statut social procuré par la fonction suprême, aussi décadente soit elle.
Ainsi le sarkozyste « aime la France » mais ne supporte par l’idée du collectif. Il pense qu’il y a encore des socialistes au pouvoir, quand il n’y a plus que sarkozystes de gauche et sarkozystes de droite. Ces derniers ne se distinguant plus que par leurs discours sur l’immigration, les premiers refusant de la réguler au nom du sacro-saint multiculturalisme, les seconds attisant les tensions oralement mais refusant de réhabiliter la frontière. Le sarkozyste pense même parfois que le communisme est à nos portes alors que l’individualisme n’a jamais été aussi exacerbé, légitimant aujourd’hui le mariage homosexuel comme il légitimera demain la liquidation de notre État-providence.
« L’ambition individuelle est une passion enfantine », disait De Gaulle. On était bien loin des valeurs sarkozystes.