Quelques partisans du traité de Maastricht l’expliquaient ouvertement il y a vingt ans : l’adoption de la monnaie unique, bien plus qu’un projet économique, est un moyen d’imposer aux pays européens un modèle fédéral. La crise actuelle actuelle confirme cette stratégie du choc.
L’option du saut fédéral
Les derniers évènements illustrent totalement cette hypothèse, évoquée par Eric Juillot. D’ailleurs, tous les responsables des institutions européennes ne cessent de demander une plus forte intégration. Après Jean-Claude Trichet, c’est Guy Verhofstadt qui appelle à « une union fiscale et fédérale », dont l’absence serait responsable de la crise des marchés et expliquerait le fait que des ensembles plus endettés (Etats-Unis, Japon, Grande-Bretagne) ne soient pas inquiétés.
Celui qui est vu comme un possible prochain président de la Commission soutient une « union fiscale basée sur la solidarité et la mutualisation des dettes », et que nous avons le choix, soit « d’arrêter l’euro et revenir à l’Etat-nation ou de construire une sorte de confédération de nations, comme les Etats-Unis en 1776 avec l’unanimité, ou on va dans la direction opposée et on créé une véritable fédération ». Il est intéressant de constater que pour lui, le saut fédéral va au-delà des Etats-Unis !
La théorie du choc néolibéral
Pas moins de trois papiers dénichés par les commentateurs du blog (tous en anglais, désolé) soutiennent que les problèmes actuels pourraient bien être souhaitée par les hiérarques européens. Joshua Wojnilower, du blog Bubbles and busts, inspiré par Krugman, soutient que cette crise est un moyen pour la BCE qui « semble croire qu’outre la stabilité des prix, elle a un mandat pour imposer des réformes structurelles. A ce titre, une douleur cyclique peut faire partie de son agenda ».
Même constat pour The Slack Wire pour qui « la douleur est la méthode folle de la BCE », qui profite de la crise pour imposer aux peuples des décisions dont ils ne veulent pas. Enfin, je vous invite à lire ce papier de Greg Palast, du Guardian, qui qualifie Robert Mundell de « génie maléfique de l’euro, pour qui retirer l’économie des mains des politiques élus et imposer la déréglementation faisaient partie du plan ». Pour lui, l’Europe et l’euro sont des moyens d’imposer un agenda néolibéral.
La croisée des chemins
Serge Halimi reprend cette théorie dans un papier du Monde Diplomatique « Fédéralisme à marche forcé ». Selon lui, pour les dévots fédéralistes, « toute réussite s’explique par l’Europe, et tout échec par le manque d’Europe ». Il souligne que les tempêtes leur permettent de « briser toute résistance à leur grand dessein en prétextant l’urgence » en affirmant qu’il faut « précipiter le sursaut fédéral ou consentir à la catastrophe », abondamment relayé par la plupart des médias.
Mais Serge Halimi souligne que les autorités européennes ne manquent pas de ressources, comme le montrent les 1000 milliards d’euros créés par la BCE pour refinancer les banques. Il souligne que le problème est la direction suivie. Mais, pire, cette Europe est profondément anti-démocratique, refusant tout verdict populaire qui ne va pas dans son sens ou dans le sens de politiques néolibérales alors que l’intégration aurait pu « reposer sur le mieux-disant social ».
Le grand dessein des eurocrates est bien là, comme l’annonçait Todd : une post-démocratie néolibérale où les peuples n’auraient pas leur mot à dire. La crise leur offre une occasion d’avancer leur agenda, mais comme je l’étudierai demain, les circonstances n’y sont plus du tout favorables.