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L’obsession rouge brun, contre-partie de l’aveuglement au fascisme : l’exemple de Metropolis

Les chasseurs de fascistes "rouge brun" (ou autres coloris) ne chassent que des fantômes depuis que le sens de la notion de "fascisme" s’est noyé dans l’amalgame du "totalitarisme". Pour reprendre l’image d’un commentateur du site LGS, ils seraient incapables de reconnaître un fasciste assis dans leur salon.

Je n’en veux pour preuve que le traitement du film de F. Lang, Metropolis (1927) ; seul film inscrit sur la liste des chefs-d’oeuvre de l’humanité de l’UNESCO, en reconnaissance de "ses valeurs artistiques et humaines", il fait actuellement l’objet d’une réédition, et d’une exposition à la Cinémathèque, qui propose en outre une rétrospective de l’oeuvre de F. Lang.

F. Lang, qui s’est expatrié aux Etats-Unis en 1933, est donc un auteur consacré, et le considérer comme un humaniste fait partie du credo du politiquement correct ; on le défend constamment contre le moindre soupçon (d’autant plus facilement que ces soupçons n’apparaissent qu’indirectement, les arguments à charge, sur F. Lang, étant difficilement accessibles). L’idéologie à l’oeuvre dans Les Nibelungen (1924), Metropolis (1926), M. le Maudit (1929) -obstinément commentée à contre-sens- est pourtant très lisible : il s’agit du fascisme et, même, plus précisément, du nazisme. Comment en serait-il autrement alors que sa scénariste, Théa von Harbou, était une sympathisante nazie ? Et comment F.Lang aurait-il pu l’ignorer, lui qui a été marié à T. von Harbou pendant plus de dix ans, de 1922 à 1933 (soit exactement la période de l’ascension au pouvoir d’Hitler) ?

Metropolis a pour slogan (il lui sert de sous-titre et apparaît plusieurs fois au cours du film) : "Entre le cerveau et la main, le coeur doit être l’intercesseur" - voyons quel est le sens de cette formule.

Dans la première séquence, on voit des ouvriers exténués quitter leur service en formation militaire, épaules voûtées et tête basse ; plus loin, le héros les voit, au cours d’une hallucination, en victimes offertes à la monstrueuse chaudière de l’usine, nouveau Moloch. On se contente de ces passages pour décréter que le film est progressiste, avant de passer à l’étude de ses gadgets techniques. Mais quelle conclusion va-t-on tirer de cette situation d’exploitation ? Va-t-on suivre les ouvriers dans leur prise de conscience ? Vont-ils s’unir pour résister, élire des représentants syndicaux clandestins ? Absolument pas : après leur tour de travail, ils descendent dans les catacombes (!) pour écouter dans l’extase une jeune fille prénommée Maria qui leur prêche la patience et leur annonce l’arrivée d’un Messie. Et qui sera ce messie ? Feder, le fils du Maître de Metropolis, Joh Federson ! Tel un nouveau Bouddha, il quitte le séjour des Elus (les Fils des Patrons), et découvre, plein d’horreur et pitié, la ville souterraine où travaillent les ouvriers. Va-t-il alors se mettre à la tête d’un mouvement de révolte ? Pas du tout : lorsque les ouvriers se révoltent (ils sont alors filmés comme des bêtes féroces qui, tout à la joie de la destruction, oublient leurs propres enfants, menacés par l’inondation qu’ils ont provoquée), Feder intervient, avec Maria, pour éviter les conséquences tragiques du sabotage et sauver les enfants.

Dans la scène finale, le contremaître fidèle au Grand Patron conduit les ouvriers repentis et toujours aussi militairement alignés, devant la Cathédrale (souvenir, sans doute, de Notre-Dame de Paris !) : là s’engage, entre le Maître et lui, une valse-hésitation, chacun des deux étant tenté de tendre la main à l’autre, mais la retirant finalement, dans un mouvement de pudeur virile. C’est alors Feder qui, sur un signe de Maria (médiatrice du Médiateur), va mettre la main du contremaître dans celle du Patron, tandis que s’inscrit en grandes lettres triomphales la devise du film : Entre le cerveau et la main, le coeur doit être l’intercesseur.

Historiette naïve ? Non : le message est très clair : Feder est le héros blond (on le voit, au début du film, au milieu d’autres fils de patrons, remporter une épreuve de course à pied, dans un stade qui préfigure, 9 ans avant, les Olympiades de Berlin) qui incarne le Peuple ( à l’usine, il prend la place d’un ouvrier épuisé, devant un cadran dont les signaux lumineux imposent des cadences infernales) et peut donc concilier les intérêts du travail et du capital.

Or, on est là au coeur de l’idéologie fasciste : la lutte des classes et le syndicalisme sont inutiles et même criminels (la révolte est d’abord néfaste pour les ouvriers eux-mêmes, qui risquent de perdre leurs enfants ; et le responsable syndical apparaît sous les traits du maléfique androïde qui incite les ouvriers à la révolte, avant de finir sur le bûcher : la première mesure de tout régime fasciste est d’interdire les syndicats et poursuivre les militants). C’est en effet le Chef (Führer en allemand), incarnation de la nation, qui connaît les vrais intérêts des ouvriers et a vocation à arbitrer entre les diverses composantes sociales.

Cette idéologie est non seulement inscrite dans les données explicites du film ( même la fameuse première séquence ne prend pas le parti des ouvriers : ils sont, certes, malheureux, mais, proprement déshumanisés, ils évoquent en fait des rats et il est évident qu’ils sont incapables d’être des acteurs de l’Histoire) mais tout autant dans la notion absente du film, celle de Capital. Très curieusement, la fonction de Joh Federson n’est pas désignée comme l’Argent, ou le Capital, mais comme le Cerveau, alors même qu’il y a dans l’histoire un vrai "cerveau", l’Inventeur. Mais celui-ci est présenté comme un savant fou (on suggère même qu’il est juif, peut-être même communiste, puisque c’est lui, à travers l’androïde, qui incite les ouvriers à la révolte : on aurait là la figure, chère aux régimes fascistes, de l’intellectuel "judéo-bolchevik").

Quelles conclusions le spectateur doit-il donc tirer des scènes d’exploitation ouvrière ? Il faut attendre l’émergence, au sein du patronat, d’une figure christique qui, au sortir du Fouquet’s, se sentirait envahie de pitié et de sympathie pour les ouvriers (on voit très bien Laurence Parisot dans le rôle de Maria). Comment peut se concrétiser cette sympathie ? Le film n’envisage rien au-delà de la poignée de main entre le Patron et le fidèle contremaître (qui, d’un point de vue ouvrier, serait le Jaune ou le Traître à la classe ouvrière et, dans un régime fasciste, le chef du Syndicat vertical officiel).

On pourrait faire une analyse analogue sur les Nibelungen, qui montrerait la cohérence idéologique du film (plutôt dans le versant raciste anti-slave du nazisme), au lieu de conclure platement : "malgré quelques scènes inexcusables (...) les Nibelungen n’offre pas, sur bien des points, un discours bien affirmé ". (desoncoeur.over-blog.com/article-autour-de-fritz-lang-et-des-nibelungen).

Comment peut-on trouver, venant des mêmes bords idéologiques, à la fois des apologies des oeuvres les plus clairement fascistes, et un acharnement maniaque à taxer de fascisme tout point de vue s’écartant de la pensée unique ? En fait, les deux attitudes sont cohérentes : il faut vider le concept de fascisme de tout contenu pour pouvoir s’en servir tous azimuts et, finalement lui faire désigner le contraire de ce qu’il signifie (suivant le processus analysé par Orwell dans La Ferme des Animaux) ; la Démocratie devient alors le nom du régime dictatorial des Cochons, et les fascistes sont ceux qui s’opposent à ce régime.

Rosa Llorens

 






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10 Commentaires

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  • #61415

    Il faut vraiment que je vois ce film.
    Merci pour cette analyse. Pour ceux qui lisent l’anglais, on peut trouver celle-ci http://vigilantcitizen.com/musicbus..., portée en particulier sur le symbolisme du film.

     

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  • Le fascisme c’est la collaboration de classe, le marxisme, la lutte des classes. Deux rivaux donc. F. Lang et S. Eisenstein. La classe dominante domine et abuse et la classe ouvriere s’abime dans le travail et s’aveugle elle même. Ce film met le doigt sur une des faiblesses du fascisme à savoir la difficulté pour un leader de prendre en compte la classe soumise et la classe soumise de prendre en compte la classe dominante. En plus on ne change pas de classe, de père en fils. Cela ne marche qu’en Inde où, grâce à la réincarnation, on peut croire à une élévation apres la mort. Des preneurs ?

    Sinon sur le film, on voit tout de suite que le cinema dés sa naissance à atteint les sommets et à déjà tout dit. Comme dirait Soral, le son et les effets speciaux ne sont que des guirlandes.

     

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  • Excellent ! Je m’étais justement procuré metropolis parce qu’il avait été mis à l’honneur sur Jrance inter.
    J’aimerais bien savoir où chercher d’autres vraies bonnes critiques de films !? (c’est un appel du pied).

     

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  • #61432
    Le 5 novembre 2011 à 16:27 par Alexis Martinez
    L’obsession rouge brun, contre-partie de l’aveuglement au fascisme : (...)

    Ce qui n’empêche pas Metropolis d’être un bon film et un exploit technique pour l’époque, valant aujourd’hui encore bien mieux en cohérence scénaristique comme en talent d’acteurs les blockbusters que la plupart des studios d’Holywood nous sort.

     

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  • "ils seraient incapables de reconnaître un fasciste" moi je crois que je saurais les reconnaître au moin par ce genre de critère, qui à notre époque sont je crois tout à fait pertinents :
    http://miiraslimake.over-blog.com/article-quelques-details-tres-interessants-sur-le-regime-nazi-61376825.html

     

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  • #61498
    Le 5 novembre 2011 à 19:42 par Le Lion du désert
    L’obsession rouge brun, contre-partie de l’aveuglement au fascisme : (...)

    L’Allemagne est depuis fort longtemps un centre important de la pensée ésotérique et des sociétés secrètes et, comme nous l’avons vu, il y avait parmi les plus importantes familles
    occultes de l’Allemagne moyenâgeuse le clan Bauer, une lignée qui a transformé son nom en Rothschild. Le sang des Windsor provient notamment de l’Allemagne. Le groupe des Illuminés de Bavière, qui a été impliqué dans de nombreuses révolutions populaires en Europe (dont celle des Français) a été fondé en Allemagne le 1er mai 1776 par l’occultiste Adam Weishaupt. L’église chrétienne a été divisée en Catholiques et Protestants par Martin Luther, un collaborateur allemand de l’ordre rosicrucien... L’Allemagne est un autre centre de la
    manipulation mondiale. Hitler n’est pas le créateur du nazisme, il en était simplement l’expression publique. Hitler était indubitablement un Rothschild. Les fascites ont créés le fascisme. Nous créons notre propre réalité et si nous changeons ce que nous sommes à l’intérieur nous changerons le reflet extérieur. Paix intérieure. Les guerres n’ont pas à se produire comme étant une partie d’un quelconque plan de Dieu ! Nous les créons et, si nous transformons notre intérieur, nos attitudes, nous pouvons cesser de les créer.

     

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  • #61503
    Le 5 novembre 2011 à 19:56 par Bardamu, le censuré
    L’obsession rouge brun, contre-partie de l’aveuglement au fascisme : (...)

    J’ai rarement lu une pseudo analyse critique cinématographique aussi grossière et faussement pertinente, sauf, bien sûr, dans les inrocks... Je crois que cette personne a vu ce qu’elle voulait bien voir dans Metropolis. Moi, j’y ai vu dans le personnage de Federson le contraire ( pour faire vite) du fascisme, à savoir, le socialisme. Il est le lien entre le sourd patronat et le désespéré ouvrier. La fin du film est assez explicite me semble t’il, mais apparemment pas pour cette pseudo critique...
    Quant au syndicalisme, il n’est jamais mentionné d’aucune manière dans Metropolis... Et à propos du "pauvre" professeur, on a plus affaire à un eugéniste-cybernétique fou qu’à un savant pensant au bien de l’humanité. Quant à sa judéisation supposée, je laisse ce genre d’arguments au sionistes et autres socialo-imbéciles...
    A propos de M, le maudit que cette Rosa Llorens rapproche (à tort) de Metropolis, il n’est pas de film plus opposé dans la filmo de Fritz Lang... On y parle d’un tueur d’enfants (l’excellent Peter Lorre) jugé par le peuple. Rien à voir, donc, avec le film de SF le plus connu de Fritz Lang...
    Au lieu de faire des critiques de cinéma ampoulées sans autres arguments valables que sa propre conviction, évitons la subjectivité idéologique et les sophismes ; ça évitera de paraître ridicule...
    Et pour finir, si je ne suis pas censuré d’ici là, Fritz Lang était tellement un fasciste qu’il a fuit l’Allemagne au moment de l’arrivée au pouvoir d’Hitler...
    A méditer...

     

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  • Quel gloubi-boulga cet article. Rosa Llorens critique le traitement du "capital" par Fritz Lang, mais elle oublie de mentionner "Docteur Mabuse, le joueur", son film de 1922, oeuvre visionnaire qui traite de la corruption politique, des opérations sous faux-drapeaux et des manipulations financières. A revoir de toute urgence.

     

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  • #61572

    Dans la série Oeuvres Culturelles vouées aux gémonies, il y a également le Carmina Burana de Carl Orff et l’Opéra Rienzi de Richard Wagner.
    Pour quelle raison ? Et bien tout simplement parce que ces chefs d’oeuvre plaisaient à un certain Adolf Hitler. Depuis, je les écoute en cachette.

     

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  • Il y a erreur là, ce n’est pas sous hitler que les ouvriers sortaient les "épaules voutées et tête basse de l’usine. par contre en France en 2011 si !
    AH a instauré en 1er en Europe le 1er mai férié, la journée de travail à 8 heures, les vacances payées, alloc° familiales reprises par petain, prêt aux ouvriers à % réduit pour acheter une maison offerte à la 4° enfant (inspiration kadafiste), une belle VW accessible à tous s’il n’y avait pas eu la guerre, douches obligatoires au travail, promotion potagers et lumière au travail..... le programme KdF (Kraft durch freude = puisance par le plaisir). Pour obtenir cela il faut en effet abolir parties politiques, syndicat et patronnats, toutes ces strcutures qui bloquent toujours tout et qui n’avancent rien, et promouvoir les coorporations. Pour ses efforts pour les ouvriers il fut acclamé à un point (suffit de voir les docs de ces mechants nazis) que les gens voulaient mourrir pour lui jusq’en 45. Ah oui sinon les animaux l’aimaient plein aussi, interdiction de vivisection et d’abattage rituel (kosher !) et droit des animaux avec respect dans la constitution. quel méchant ce adolf !

     

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