Les autorités colombiennes ont vivement réagi, vendredi, aux poursuites engagées par Ingrid Betancourt. L’ancienne otage réclame 6,6 millions de dollars (5,25 millions d’euros) de dommages-intérêts à l’Etat colombien à titre de compensation pour les effets traumatiques et les pertes de revenus liés à sa captivité dans la jungle.
"Le ministère de la défense est surpris et contrarié par cette demande, d’autant plus que les forces publiques ont fait preuve de zèle en préparant et en exécutant l’opération de secours", souligne un communiqué ministériel. "Des hommes et des femmes des forces armées ont risqué leur vie en cherchant à rendre leur liberté aux otages au cours d’une opération qu’Ingrid Betancourt elle-même a qualifiée de ’parfaite’", ajoute-t-il.
Le ministère déclare en outre que l’ex-otage a passé outre les recommandations des forces de l’ordre qui, avec "insistance", avaient tenté de la dissuader de se rendre à San Vicente del Caguan (département de Caqueta), voyage terrestre durant lequel elle a été enlevée. Il estime enfin que la requête, sans précédent en Colombie, n’a pas de fondement "objectif", laissant ainsi entendre qu’il n’y fera pas droit.
Selon Radio Caracol, l’ex-otage considère que les membres des forces de l’ordre en charge de sa sécurité dans le département de Caqueta (sud-est), où elle a été enlevée, sont responsables de son enlèvement. Selon elle, plusieurs militaires en charge de sa sécurité lui avaient garanti, le 23 février, jour de son enlèvement, qu’elle ne courait pas de risque sur la route empruntée.
La demande a soulevé dans le pays un vent de critiques provenant de tous les secteurs de la société. Le vice-président Francisco Santos a ainsi évoqué un "coup de poignard", tandis que le sénateur Gustavo Petro (Pôle démocratique alternatif, gauche), ex-candidat à la présidentielle, jugeait qu’elle était "injuste" car les FARC étaient les véritables responsables de l’enlèvement. Santos, prochain président du pays, lui a décerné un "premier prix mondial de l’ingratitude et du cynisme".
L’archevêque de Bogota a également estimé que cette demande "n’était ni juste, ni correcte", expliquant que la responsabilité de la prise d’otage "n’était pas celle de l’Etat ou de l’armée, mais bien de la guérilla", rapporte El Tiempo.
Ingrid Betancourt, qui publiera en septembre un livre sur son enlèvement, "Même le silence a une fin", ne s’est pour sa part pas exprimée. Mais la presse colombienne se montre sans concession avec l’ancienne otage. Sur la plupart des sites d’informations, des centaines de commentaires ont critiqué l’attitude de l’ancienne candidate à la présidentielle. Deux arguments reviennent en boucle, note El Universal. D’abord, l’absence de responsabilité de l’Etat colombien dans son enlèvement. Et surtout, l’ingratitude d’Ingrid Betancourt à l’égard de l’armée colombienne. L’éditoral du quotidien conclut : "La rage d’Ingrid n’est pas dans son cœur, mais dans son portefeuille".
Dans les colonnes d’El Colombiano, l’ancien Haut commissaire pour la paix, Camilo Gomez, estime que cette demande "est une manière pour Ingrid et sa famille d’exprimer leur douleur, mais ce n’est pas la plus appropriée, cela ne leur rendra pas les années perdues". Selon les juristes interrogés par El Tiempo, la demande de l’ex-otage a 50 % de chances d’être recevable, "mais le processus sera très compliqué", note l’un d’eux.