Comme chaque année, le Pentagone a remis au Congrès un rapport portant sur l’évolution des capacités militaires chinoises.
Sans surprise, le document pointe les efforts de Pékin en matière de satellites, de porte-avions, de missiles antinavires et d’avions furtifs (J-20 et J-31) et fait un état des lieux des contentieux territoriaux dans lesquels la Chine est impliquée, avec un focus sur ses relations avec Taïwan, qu’elle considère comme une province rebelle.
Mais le rapport met surtout en avant les efforts consentis par Pékin pour moderniser des forces armées. Alors que, en mars dernier, le budget militaire chinois a été officiellement annoncé en hausse de 10,7% pour s’établir à 114 milliards de dollars, le Pentagone estime qu’il s’éleverait en fait entre 135 et 215 milliards de dollars. Il n’y a là rien de nouveau, si ce n’est les montants avancés, étant donné que la Chine est soupçonnée de cacher l’ampleur et le niveau exact de ses dépenses en matière de défense.
Quoi qu’il en soit, le Pentagone indique que la recherche militaire chinoise se concentre plus particulièrement sur le développement des capacités anti-accès (A2/AD), les technologies spatiales, aéronautiques, navales et informatiques ainsi que sur les nanotechnologies, la résistance des matériaux dans des conditions extrêmes, l’énergie et les armes laser.
Pour cela, l’armée populaire de libération (APL) s’appuie sur ses instituts technologiques et de recherche mais a également recours à l’espionnage pour dérober des secrets industriels et, plus généralement, collecter des "informations sensibles". Pour cela, il y a les techniques classiques, comme celles visant à envoyer des “étudiants” à l’étranger ou encore à convaincre un employé d’une société appartenant à un secteur stratégique de communiquer des données.
Un autre moyen consiste à faire en sorte que des sociétés chinoises nouent des partenariat avec des firmes étrangères pour avoir accès à des technologies dites duales, c’est-à-dire qui peuvent avoir une application aussi bien civile que militaire.
Mais le rapport du Pentagone cible plus particulièrement l’espionnage informatique. Cela n’est pas nouveau. Ainsi, par exemple, le Wall Street Journal avait indiqué, en 2009, que des térabits de données concernant le F-35 avaient été copiées. Il y a deux ans, Lockheed-Martin avait fait état d’intrusions dans ses réseaux informatisés. Or, la Chine est souvent accusée d’être à l’origine de ce type d’actions.
D’ailleurs, l’administration Obama a récemment demandé à Pékin de cesser ce cyber-espionnage concernant les entreprises privées. Mais le Pentagone va plus loin en accusant directement l’armée chinoise d’avoir tenté de s’introduire dans les réseaux gourvernementaux américains.
"La Chine utilise les capacités de son réseau informatique pour mener à bien une campagne de collecte de renseignements contre les secteurs qui soutiennent des programmes de défense nationale aux États-Unis, dans les domaines diplomatique, économique et industriel", indique le rapport remis au Congrès.
"Les pirates informatiques chinois ont tenté en 2012 d’atteindre les ordinateurs du réseau gouvernemental, qui auraient pu offrir à Pékin un meilleur aperçu des capacités militaires et des délibérations politiques aux États-Unis", y est-il ajouté.
"En 2012, de nombreux réseaux informatiques à travers le monde, dont ceux détenus par le gouvernement américain, ont continué à être l’objet de tentatives d’intrusions, dont certaines sont directement attribuables au gouvernement et à l’armée chinoise", accuse encore le document.
Ainsi, selon le Pentagone, les informations recherchées concernaient la technologie et les armes, ainsi que les estimations des responsables américains concernant la Chine et ses forces armées. Mais pas seulement car, a priori, l’APL auraient aussi voulu obtenir des renseignements opérationnels.
"Les manœuvres de Pékin auraient aussi permis aux généraux chinois d’établir une image des réseaux aux États-Unis dans les secteurs de la défense, de la logistique, et des capacités militaires, qui aurait pu être exploitée en temps de crise", affirme en effet le rapport du Pentagone.
D’après un document émanant de la société de sécurité informatique Mandiant, les cyberattaques chinoises auraient pour origine une unité militaire, à savoir l’Unit 61398, encore appelée "deuxième bureau du troisième département de l’État major de l’Armée Populaire de Libération. Il est temps de reconnaître que la menace vient de Chine et nous voulons contribuer à armer et préparer les professionnels de la sécurité pour combattre cette menace efficacement", affirmait ce rapport publié en février dernier.
Comme d’habitude, la Chine a catégoriquement démenti ces affirmations. Ce rapport contient des "commentaires irresponsables sur l’édification légitime et normale du secteur de la défense de la Chine", a réagi Hua Chunying, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, pour qui ce document "exagère à outrance la pseudo-thèse de la menace militaire chinoise". Et d’estimer que l’attitude des États-Unis n’est "pas propice à la confiance et la coopération mutuelles" entre les deux pays.