Si l’actuel problème du Parti socialiste, pour ne citer que cette seule formation politique, consiste aujourd’hui à partir à la pêche aux idées, celui du Front national en serait peut-être le trop-plein. La semaine dernière, Yves Daoudal écrivait à propos des derniers attentats ayant manqué d’ensanglanter Londres, tout en en tirant des conclusions qu’il est licite, en ces colonnes, d’affiner, d’amender ou de réfuter. Bref, le débat est ouvert.
Résumons les faits. Une voiture piégée qui n’explose pas. Une autre, jetée, en flammes, à l’entrée de l’aéroport de Glasgow, en Écosse, qui ne brise rien d’autre qu’une porte vitrée. Et des coupables alpagués quelques heures plus tard. Réédition du 11 septembre 2001 ? Guerre ouverte menée par l’islamisme de combat contre l’Occident. Choc des civilisations ? C’est à voir. Premièrement, cette opération terroriste a été à peu près aussi bien préparée que celle de nos gendarmes contre d’illégales paillotes corses, de rigolote mémoire. Si c’est ça, la machine de guerre d’Al Qaeda, le Vieux monde peut dormir tranquille. Deuxièmement, personne ne sait qui a perpétré l’acte fondateur de notre monde post-moderne, l’attentat contre les Twin Towers. Ben Laden ? Il s’en est seulement félicité. Les Talibans ? Ils ne sauraient même pas faire voler un planeur. Même la très politiquement correcte Christine Boutin vient à douter. Troisièmement, qui, alors ? Les islamistes ? Si ce sont eux, cela signifierait qu’ils sont encore plus crétins que la moyenne, l’affaire n’ayant pas véritablement abouti à redorer le blason musulman, c’est le moins qu’on puisse prétendre. Quatrièmement, d’autres murmurent que de l’invasion de Cuba à la baie du Tonkin, tout en passant par Pearl Harbor, les USA sont assez doués en matière de provocation cynique… L’Oumma contre l’Occident ? Pourquoi pas. Mais qu’est-ce que l’Oumma ? La communauté des croyants mahométans. Pourtant, celle-ci ne les a jamais empêchés, au cours des siècles, de se faire la guerre, tout comme une autre communauté d’autres croyants, chrétiens, ceux-là, n’a pu interdire à une Europe qui, à l’époque où elle était encore un continent de race blanche, de philosophie gréco-latine et de religion chrétienne, de s’entretuer plus de mille ans durant, les deux derniers conflits mondiaux en étant l’indubitable preuve. L’Occident ? L’Occident n’existe pas. L’Europe est une réalité qui peine à accoucher, certes, mais qui puise sa légitimité dans sa propre histoire, fut-elle éminemment complexe ; et l’Occident ? Si l’on parle franc, il pourrait aujourd’hui s’agir d’un ensemble planétaire prônant économie libérale, expansionnisme illimité, matérialisme forcené, promotion à marches forcées de valeurs chrétiennes devenues folles – comme disait l’écrivain catholique et anglais G.K. Chesterton. Cet Occident, présumé chrétien, mais finalement plus protestant que catholique, va des USA à la Nouvelle-Zélande, de l’Australie à la Russie. S’agit-il d’un ensemble géopolitique cohérent ? Non. Et les islamistes ? Longtemps, il nous a été asséné qu’il ne s’agissait que de chameliers arabes analphabètes. Et l’on apprend aujourd’hui que les auteurs présumés des attentats ratés d’Angleterre, seraient, tout au contraire, des Anglo-Pakistanais, cultivés et parfaitement “assimilés”. D’un cliché l’autre. Qui croire ? Que penser ?
D’aucuns prétendent qu’entre islam et islamistes, il n’y a pas de lien. Yves Daoudal écrit l’exact contraire et il n’a pas tort. Mais cela ne démontre rien de probant. La preuve en est la création des USA. Entre saint Thomas d’Aquin et les fous furieux du Mayflower, eux qui vont créer une nouvelle terre promise, fondée sur le génocide des Indiens, l’esclavagisme des Noirs et leur odieuse discrimination, abolie en 1962, mais toujours un peu présente dans les esprits, le catholique digne de ce nom affirmera, en toute bonne foi, qu’il n’y a pas de rapport de cause à effet. Qu’entre lui, héritier du catholicisme médiéval et la furie génocidaire de ses cousins putatifs, il n’y a rien. Que le Nouveau Testament est une religion d’amour. Que la polygamie des Mormons n’est inscrite en rien dans les Évangiles. Que le pillage cynique de l’Amérique du Sud par des reîtres espagnols et portugais était contraire, en esprit et en lettre, aux Saintes Écritures. Mais dans la réalité ? Dans la réalité, mieux valait être chrétien ou juif en terre d’islam, du temps des empires omeyyade, abbasside ou ottoman, que Nègre dans le Sud des États-Unis de jadis ou Palestinien, aujourd’hui, dans cet autre tête de pont “occidentale” qu’Israël serait, paraît-il, en Orient. En l’occurrence, entre ce que l’on peut lire dans les Textes Saints, Bible, Coran ou Évangiles, est une chose ; ce qu’en font les hommes en est une autre. Il est vrai que les textes en question sont parfois si contradictoires…
D’un point de vue politique, un fait demeure. Les USA ont toujours eu besoin d’un Diable pour exister et, plus important encore, pour y puiser leur légitimité. Diable communiste naguère ; diable musulman de nos jours. Et à chaque fois, la même recette, la même ficelle, grosse comme un câble. “Démoniser” l’ennemi, le “déshumaniser”. Le musulman donc, dans sa version “modérée” ou “islamiste”, est un monstre dont il convient de se méfier, de se défier, de convertir ou d’annihiler. À ce titre, l’entreprise n’est pas loin d’être parachevée. “L’Occident” chiale comme une madeleine pour deux attentats londoniens ayant fait mèche courte. Et pendant ce temps ? Pendant ce temps, l’Occident tient le croissant musulman sous une ignoble tutelle. Politico-financière en Arabie Séoudite, en Égypte et en Jordanie, militaire en Irak et en Afghanistan. Sournoise au Pakistan et en Libye. Transformation du Liban, toutes confessions religieuses confondues, en tapis de sol. En attendant que l’Iran ne soit atomisé. Bref, ce sont les Arabes qui crèvent sous les bombes et la misère ; non pas les Occidentaux. En ce sens, ce qui devrait interroger les observateurs politiques, ce n’est pas que deux pétards mouillés aient manqué de sauter en Angleterre, mais qu’il n’y en ait pas eu plus. Et tout cela perpétré au nom du Dieu des chrétiens… Quand j’entends le jeune Bush parler du Christ, j’en aurai presque envie de me faire musulman, au simple nom d’une élémentaire équité, d’une simple justice puisée dans les deux Testaments. Au fait, si la thèse du “Choc des civilisations” était intellectuellement viable, pourquoi la puissante et biblique Amérique a-t-elle défendu les islamistes bosniaques au lieu d’aider les chrétiens serbes. Pourquoi a-t-elle anéanti ces derniers sous un tapis de bombes pour mieux faire ensuite le jeu des islamistes albanais ? Poser la question équivaut à y répondre. L’hypocrisie, toujours. Car si les Américains sont chrétiens ; moi, je suis imam ou rabbin.
Par Nicolas Gauthier
Publié dans National Hebdo, n°1200 du 17 juillet 2007
Le site : http://www.national-hebdo.com
Résumons les faits. Une voiture piégée qui n’explose pas. Une autre, jetée, en flammes, à l’entrée de l’aéroport de Glasgow, en Écosse, qui ne brise rien d’autre qu’une porte vitrée. Et des coupables alpagués quelques heures plus tard. Réédition du 11 septembre 2001 ? Guerre ouverte menée par l’islamisme de combat contre l’Occident. Choc des civilisations ? C’est à voir. Premièrement, cette opération terroriste a été à peu près aussi bien préparée que celle de nos gendarmes contre d’illégales paillotes corses, de rigolote mémoire. Si c’est ça, la machine de guerre d’Al Qaeda, le Vieux monde peut dormir tranquille. Deuxièmement, personne ne sait qui a perpétré l’acte fondateur de notre monde post-moderne, l’attentat contre les Twin Towers. Ben Laden ? Il s’en est seulement félicité. Les Talibans ? Ils ne sauraient même pas faire voler un planeur. Même la très politiquement correcte Christine Boutin vient à douter. Troisièmement, qui, alors ? Les islamistes ? Si ce sont eux, cela signifierait qu’ils sont encore plus crétins que la moyenne, l’affaire n’ayant pas véritablement abouti à redorer le blason musulman, c’est le moins qu’on puisse prétendre. Quatrièmement, d’autres murmurent que de l’invasion de Cuba à la baie du Tonkin, tout en passant par Pearl Harbor, les USA sont assez doués en matière de provocation cynique… L’Oumma contre l’Occident ? Pourquoi pas. Mais qu’est-ce que l’Oumma ? La communauté des croyants mahométans. Pourtant, celle-ci ne les a jamais empêchés, au cours des siècles, de se faire la guerre, tout comme une autre communauté d’autres croyants, chrétiens, ceux-là, n’a pu interdire à une Europe qui, à l’époque où elle était encore un continent de race blanche, de philosophie gréco-latine et de religion chrétienne, de s’entretuer plus de mille ans durant, les deux derniers conflits mondiaux en étant l’indubitable preuve. L’Occident ? L’Occident n’existe pas. L’Europe est une réalité qui peine à accoucher, certes, mais qui puise sa légitimité dans sa propre histoire, fut-elle éminemment complexe ; et l’Occident ? Si l’on parle franc, il pourrait aujourd’hui s’agir d’un ensemble planétaire prônant économie libérale, expansionnisme illimité, matérialisme forcené, promotion à marches forcées de valeurs chrétiennes devenues folles – comme disait l’écrivain catholique et anglais G.K. Chesterton. Cet Occident, présumé chrétien, mais finalement plus protestant que catholique, va des USA à la Nouvelle-Zélande, de l’Australie à la Russie. S’agit-il d’un ensemble géopolitique cohérent ? Non. Et les islamistes ? Longtemps, il nous a été asséné qu’il ne s’agissait que de chameliers arabes analphabètes. Et l’on apprend aujourd’hui que les auteurs présumés des attentats ratés d’Angleterre, seraient, tout au contraire, des Anglo-Pakistanais, cultivés et parfaitement “assimilés”. D’un cliché l’autre. Qui croire ? Que penser ?
D’aucuns prétendent qu’entre islam et islamistes, il n’y a pas de lien. Yves Daoudal écrit l’exact contraire et il n’a pas tort. Mais cela ne démontre rien de probant. La preuve en est la création des USA. Entre saint Thomas d’Aquin et les fous furieux du Mayflower, eux qui vont créer une nouvelle terre promise, fondée sur le génocide des Indiens, l’esclavagisme des Noirs et leur odieuse discrimination, abolie en 1962, mais toujours un peu présente dans les esprits, le catholique digne de ce nom affirmera, en toute bonne foi, qu’il n’y a pas de rapport de cause à effet. Qu’entre lui, héritier du catholicisme médiéval et la furie génocidaire de ses cousins putatifs, il n’y a rien. Que le Nouveau Testament est une religion d’amour. Que la polygamie des Mormons n’est inscrite en rien dans les Évangiles. Que le pillage cynique de l’Amérique du Sud par des reîtres espagnols et portugais était contraire, en esprit et en lettre, aux Saintes Écritures. Mais dans la réalité ? Dans la réalité, mieux valait être chrétien ou juif en terre d’islam, du temps des empires omeyyade, abbasside ou ottoman, que Nègre dans le Sud des États-Unis de jadis ou Palestinien, aujourd’hui, dans cet autre tête de pont “occidentale” qu’Israël serait, paraît-il, en Orient. En l’occurrence, entre ce que l’on peut lire dans les Textes Saints, Bible, Coran ou Évangiles, est une chose ; ce qu’en font les hommes en est une autre. Il est vrai que les textes en question sont parfois si contradictoires…
D’un point de vue politique, un fait demeure. Les USA ont toujours eu besoin d’un Diable pour exister et, plus important encore, pour y puiser leur légitimité. Diable communiste naguère ; diable musulman de nos jours. Et à chaque fois, la même recette, la même ficelle, grosse comme un câble. “Démoniser” l’ennemi, le “déshumaniser”. Le musulman donc, dans sa version “modérée” ou “islamiste”, est un monstre dont il convient de se méfier, de se défier, de convertir ou d’annihiler. À ce titre, l’entreprise n’est pas loin d’être parachevée. “L’Occident” chiale comme une madeleine pour deux attentats londoniens ayant fait mèche courte. Et pendant ce temps ? Pendant ce temps, l’Occident tient le croissant musulman sous une ignoble tutelle. Politico-financière en Arabie Séoudite, en Égypte et en Jordanie, militaire en Irak et en Afghanistan. Sournoise au Pakistan et en Libye. Transformation du Liban, toutes confessions religieuses confondues, en tapis de sol. En attendant que l’Iran ne soit atomisé. Bref, ce sont les Arabes qui crèvent sous les bombes et la misère ; non pas les Occidentaux. En ce sens, ce qui devrait interroger les observateurs politiques, ce n’est pas que deux pétards mouillés aient manqué de sauter en Angleterre, mais qu’il n’y en ait pas eu plus. Et tout cela perpétré au nom du Dieu des chrétiens… Quand j’entends le jeune Bush parler du Christ, j’en aurai presque envie de me faire musulman, au simple nom d’une élémentaire équité, d’une simple justice puisée dans les deux Testaments. Au fait, si la thèse du “Choc des civilisations” était intellectuellement viable, pourquoi la puissante et biblique Amérique a-t-elle défendu les islamistes bosniaques au lieu d’aider les chrétiens serbes. Pourquoi a-t-elle anéanti ces derniers sous un tapis de bombes pour mieux faire ensuite le jeu des islamistes albanais ? Poser la question équivaut à y répondre. L’hypocrisie, toujours. Car si les Américains sont chrétiens ; moi, je suis imam ou rabbin.
Par Nicolas Gauthier
Publié dans National Hebdo, n°1200 du 17 juillet 2007
Le site : http://www.national-hebdo.com