En ce qui concerne la Syrie, comme lors des interventions menées contre la Serbie en 1999 et contre la Libye en 2011, la presse et les médias occidentaux se sont complètement alignés sur les positions bellicistes de leurs gouvernements respectifs et « l’information » qu’ils nous délivrent est une propagande de guerre [1].
« Les rapports sur l’utilisation d’armes chimiques par le régime Assad font partie d’un récit à répétition rempli de manipulations. (…) Et les titres [des médias] sont tous les mêmes : la Syrie utilise des armes chimiques. Voilà comment fonctionne le théâtre » [2] écrivait le journaliste Robert Fisk il y a un mois.
On vient d’en avoir une nouvelle illustration avec les « révélations » de deux reporters, Laurent Van der Stockt et Jean-Philippe Rémy – parues le 27 mai dans le quotidien Le Monde – sur « l’utilisation de gaz chimiques par le régime syrien ». Une accusation qui incrimine Damas et qui coïncide avec la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne où la France et la Grande-Bretagne escomptaient obtenir ce qui leur avait été refusé par trois fois : la levée de l’embargo sur la livraison d’armes aux « rebelles ». Tout ceci sans se soucier aucunement des souffrances engendrées pour les populations civiles.
Qui pourrait croire que la succession de ces deux épisodes est fortuite et croire encore à la neutralité du Monde et de ses reporters ? Pourquoi leur enquête unilatérale datant de mi-avril n’a-t-elle pas été publiée plus tôt ?
Le Monde a publié ce brûlot le jour où à Bruxelles et à l’ONU la Syrie allait être mise sur le gril. Cela devant concourir à mettre sous pression les acteurs politico-médiatiques, peser sur les gouvernements qui rechignaient à une levée de l’embargo sur les armes voulue par la France et la Grande-Bretagne. Pari réussi ? Les rebelles ont obtenu ce jour-là d’être approvisionnés en armes et la prolongation des sanctions qui font tant souffrir la population syrienne ; des souffrances qui sont le dernier des soucis de la diplomatie française et de la presse aux ordres. Il y a de fortes probabilités que la fable de l’usage du gaz sarin attribué avec insistance à Bachar el-Assad soit le fait des « opposants » terroristes djihadistes que la France et la Grande-Bretagne sont pressées d’approvisionner en armes [3].
En clair. Cette enquête s’avère n’être qu’un montage, qu’une manipulation ; une nouvelle escroquerie médiatique. Son objectif : venir en aide aux groupes terroristes à un moment où le vent médiatique et politique est en train de tourner et où la diplomatie belliciste de Laurent Fabius est en pleine déroute.
Le Monde a été et reste très en pointe dans la manipulation des faits destinée à incriminer le président syrien Bachar al-Assad, l’ennemi juré d’Israël. Offrant abondamment ses colonnes à des journalistes asservis à Tel Aviv, comme Christophe Ayad, ou à des « reporters » qui, comme Jonathan Little et Florence Aubenas, se sont fait embarquer par de « gentils rebelles » qui se faisaient un malin plaisir de leur raconter tout ce qu’ils voulaient entendre sur le « régime sanguinaire » d’Assad ; alors qu’au même moment leurs frères d’armes enlevaient des civils, coupaient des têtes, égorgeaient des chrétiens et des alaouites.
Le Monde a livré sur la Syrie, comme hier sur la Libye, une information totalement déséquilibrée. Pour s’en convaincre, il suffit de voir le nombre de colonnes qu’il a réservées à l’enquête mensongère des deux reporters sur la « quasi preuve » qu’Assad « utilise des armes chimiques » [4]. Et le peu de place accordée début mai aux déclarations de Mme Del Ponte, qui affirmait le contraire et qui était autrement plus crédible [5].
On peut voir aussi avec quel empressement Le Monde a désavoué Mme Del Ponte le lendemain pour décrédibiliser des propos qui ne cadraient pas avec son biais en faveur de la rébellion [6].
Bref retour en arrière
Depuis le début de la crise en Syrie tout était faux ou presque dans la présentation des médias occidentaux : le combat entre de valeureux « rebelles luttant pour la démocratie » et un « dictateur sanguinaire ».
Les journalistes ont relayé la propagande des groupes armés en s’appuyant sur une unique source : l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Une fausse ONG attachée aux Frères musulmans, à cette pseudo-opposition financée par le Qatar et l’Arabie Saoudite. Cela alors qu’ils ne pouvaient ignorer que cette officine partisane se résumait à un opposant au gouvernement syrien fournissant des bilans statistiques truqués des victimes de la violence en disant s’appuyer sur les données de « militants » présents sur les lieux. Ainsi nombre de massacres que les médias ont attribués à l’armée gouvernementale ont été perpétrés par les « rebelles » [7].
Des énormes manifestations qui ont eu lieu en 2011 et début 2012, avec des millions de Syriens qui manifestaient pacifiquement en faveur du gouvernement Assad, disant leur hostilité à de pseudo-« opposants » violents qui sortaient le vendredi des mosquées [8], les médias n’en ont quasiment jamais parlé.
En revanche, des fausses manifestations populaires contre le gouvernement ont fait la une. Ainsi, durant l’année 2011 les chaines télévisées ont passé et repassé quasi quotidiennement des clips montrant d’immenses foules de gens que l’on disait en colère contre Assad, le « sanguinaire ». En juillet 2011, un écho planétaire à été donné à ce clip manipulé émanant d’ONG suspectes faisant croire qu’à Hama, une petite ville d’à peine cinq cent mille habitants, il y avait eu une manifestation « monstre » de 650 000 personnes !
Vidéo en arabe non-sous-titrée :
La ficelle était grosse ! Et pourtant aucun journaliste ne s’est soucié d’en vérifier la véracité. Les « grands » quotidiens de l’establishment – Le Monde, Le Figaro, Libération – n’ont pas été en reste, cette fois non plus :
Le 22 juillet 2011, le quotidien Le Monde dans un article intitulé : « Syrie : 1,2 million de manifestants à Hama et Deir Ezzor », affirmait :
« Comme chaque vendredi depuis le début de la révolte, mi-mars, les Syriens étaient appelés à manifester à la sortie des mosquées, après la prière hebdomadaire. Selon Rami Abdel Rahmane, chef de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), plus de 1,2 million de personnes ont répondu à l’appel à Hama et à Deir Ezzor, près de la frontière irakienne, mais huit civils ont été tués dans la dispersion de rassemblements (…) “À Deir Ezzor, ils étaient plus de cinq cent cinquante mille à la fin de la manifestation, et à Hama, ils étaient plus de six cent cinquante mille”, a-t-il assuré, précisant que les forces de sécurité étaient absentes dans ces deux villes [9]. »
Le 8 juillet 2011, le quotidien Le Figaro dans un article intitulé « Syrie : un demi-million de personnes manifestent à Hama », Georges Malbrunot et Caroline Bruneau, affirmaient :
« Pour la deuxième semaine consécutive, près d’un demi-million de personnes sont descendues manifester vendredi sur la place al-Assi, selon les militants des droits de l’homme. (…) Vendredi dernier déjà, 500.000 manifestants s’étaient réunis au centre-ville [10]. »
Le 8 juillet, le quotidien Libération dans un article intitulé : « Syrie : nouvelle manifestation monstre à Hama, assiégé par l’armée », affirmait :
« “Plus de 150 000 personnes défilent sur la place al-Assi en affirmant le refus du dialogue avec le pouvoir et en appelant à la chute du régime”, a d’abord indiqué le chef de l’OSDH Rami Abdel-Rahmane. Une estimation revue à la hausse quelques minutes plus tard : ils étaient en fait quelque 450 000, selon Abdel Karim Rihaoui, chef de la Ligue syrienne des droits de l’Homme. Vendredi dernier, des militants affirment qu’ils étaient un demi-million [11]. »
L’escroquerie des manifestions massives réprimées par le « sanguinaire » Assad n’est qu’un des innombrables mensonges qui ont servi à faire subir un véritable lavage de cerveau à l’opinion publique. Les auditeurs qui, le 11 juillet, ont entendu, par la grâce d’un imprévu, le témoignage d’un Syrien sur RMC ont eu droit à un moment de vérité inespéré leur permettant de comprendre comment fonctionne la machine à multiplier les mensonges :
Pourquoi la presse et les médias ne mettent-ils pas en évidence les vrais tenants et aboutissants de la déstabilisation horrible parrainée par quelques puissances en Syrie ? Parce qu’à l’arrière plan il s’agit des intérêts d’Israël. On ne touche pas à l’impunité d’Israël, qui est le véritable fauteur de guerre dans la région ; Israël est à la manœuvre dans cette guerre livrée contre la Syrie. Il est fort des appuis de la France, de la Grande-Bretagne, des États-Unis et de ses nouveaux alliés du Golfe.
Depuis les années 60, Tel Aviv met toute son énergie à fédérer les forces hostiles au président syrien Bachar al-Assad.
Bachar « doit tomber », l’Iran « doit tomber », le Hezbollah « doit tomber ». Pourquoi ? Parce que cet axe de résistance fait obstacle à la domination de la région par l’État juif. Raison pour laquelle le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, qui place, tout comme Bernard Kouchner avant lui, les intérêts d’Israël au-dessus de ceux la France, n’a eu de cesse de répéter « Bachar doit tomber » [12].
Faute de pouvoir stopper l’information mensongère des journalistes aux manettes n’est-il pas urgent d’alerter l’opinion publique, qui la subit, sur leur véritable rôle dans la guerre ? Et de montrer le vrai visage de prétendus « grands » reporters, envoyés spéciaux, « spécialistes » du Moyen-Orient, dont le manquement au devoir d’informer correctement contribue à faire couler des fleuves de sang ?
Les lecteurs qui ont été frappés par des abus particulièrement graves sont invités à nous les signaler.
Silvia Cattori