Mon domaine de recherche est l’ingénierie sociale, ou social engineering en anglais. Le monde russophone parle plutôt de « technologies politiques », dont une variante s’appelle le « contrôle réflexif », et fut inventée par un Russe avec un nom français, Vladimir Lefevre [1]. Dans tous les cas, il s’agit d’une méthode de transformation furtive de la société et des individus qui la composent. Voyons maintenant comment l’Organisation mondiale de la santé travaille à transformer le monde entier en dictature sanitaire.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) organise tous les ans une Assemblée mondiale de la santé. Cette année, elle s’est tenu à Genève du 21 au 30 mai. L’objectif de cette 76e assemblée de l’OMS est principalement d’élaborer un « traité international sur la prévention des pandémies », nouvel outil du Règlement sanitaire international (RSI) déjà adopté par tous les pays du monde. On observe au cours du temps une tendance lourde dans les institutions internationales. Originellement conçues pour être des tables rondes respectant la multipolarité et la souveraineté des nations, ainsi que l’horizontalité des échanges, elles tendent à adopter au fil des années une structure hiérarchique verticale pour devenir contraignantes sur le plan légal, voire coercitives sur les plans juridique et pénal. En 2016, l’OMS écrivait à propos de son RSI : « Le Règlement sanitaire international (2005) (RSI) fournit un cadre juridique global qui définit les droits et obligations des pays dans la gestion des événements et des urgences de santé publique susceptibles de traverser les frontières. Le RSI est un instrument de droit international juridiquement contraignant pour 196 pays, dont les 194 États membres de l’OMS. » [2]
Originellement conçues pour pacifier les relations d’un monde décentralisé, les institutions internationales tendent à concentrer et centraliser toujours plus l’exercice du pouvoir dans les mains de bureaucrates et de technocrates inconnus du public. Au fil du temps, ces institutions quittent leur caractère inter-national pour devenir supra-nationales, et cherchent à imposer par l’intimidation et la ruse une idéologie que certains appellent le globalisme et d’autres le libéralisme. En fait, il vaudrait mieux appeler cette idéologie le transhumanisme, car elle attaque les fondements de la nature humaine. Le Forum économique mondial parle de Grande Réinitialisation (Great Reset) pour qualifier cette nouvelle réalité transhumaniste qui se déploie un peu partout au prétexte d’un risque sanitaire, autorisant à mettre sur pieds une « médecine prédictive », équivalent de la « justice prédictive », ou actuarielle, qui permet de prendre des mesures sur la base d’un potentiel et non de la réalité factuelle en acte. Le 21 avril 2023, une conférence était organisée au Parlement européen à l’initiative de Virginie Joron (Rassemblement national) sur le thème « Le traité de l’OMS sur les pandémies : nos libertés en danger ? » Pendant sa présentation, le docteur David Bell, médecin clinicien, spécialiste de l’épidémiologie du paludisme, chercheur et consultant à l’OMS, remarquait dans les projets d’amendements au Règlement sanitaire international une extension de la définition « des pandémies et des urgences sanitaires, y compris l’introduction du "potentiel" de préjudice plutôt que du préjudice réel » [3].
Ainsi, l’OMS travaille en ce moment à implémenter un traité international sur la prévention des pandémies qui devrait lui permettre de prendre le contrôle du corps des individus, comme on l’a vu en 2020, en s’appuyant non sur un problème sanitaire réel, mais sur la représentation d’un problème sanitaire possible. Ce que l’on appelle un risque, c’est-à-dire l’idée d’un danger, et non pas un danger présent. Dans les propositions d’amendements au RSI discutées, on peut lire : « Pour déterminer si un événement constitue une urgence de santé publique de portée internationale, le directeur général tient compte : […] d’une évaluation du risque pour la santé humaine, du risque de propagation internationale de maladies et du risque d’entraves au trafic international. » [4]
Plus besoin d’une pandémie réelle pour enfermer les gens chez eux, la parole du directeur général de l’OMS suffit. Un dicton français dit : « Il vaut mieux prévenir que guérir. » Pour une fois, la sagesse populaire se trompe, ou du moins doit être relativisée, car si l’on absolutise ce principe, cela ouvre les portes à l’arbitraire. Les concepts de biopouvoir et de biopolitique introduits dans le vocabulaire philosophique par Michel Foucault, puis retravaillés par Giorgio Agamben, permettent de faire le lien entre justice et médecine prédictives, deux approches qui convergent dans cette nouvelle forme de contrôle social s’appliquant indistinctement sur tous les individus, au prétexte d’un risque collectif. Le 1er février 2023, l’OMS a divulgué dans son projet préliminaire un dispositif conceptuel résumé par le slogan « Une seule santé », apparemment généreux et responsable, mais en fait complètement fou, cherchant à créer une solidarité sanitaire universelle étendue aux animaux et aux objets inanimés, le tout sous contrôle de l’OMS, évidemment, et insistant sur la censure de toute information alternative :
« Tous les États sont responsables de la santé de leur population, ce qui inclut la prévention, la préparation, la riposte et le relèvement en cas de pandémie. Or, les pandémies passées ont démontré que personne n’est en sécurité tant que la sécurité de tous n’est pas assurée. Étant donné que la santé de tous les peuples dépend de la coopération la plus étroite des individus et des États, toutes les parties sont liées par les obligations du CA+ de l’OMS. […] "Une seule santé" – Les mesures multisectorielles et pluridisciplinaires devraient tenir compte des liens qui unissent les êtres humains, les animaux, les végétaux et l’environnement qu’ils ont tous en commun, pour lesquels il conviendrait de renforcer et d’appliquer une démarche cohérente, intégrée et unificatrice dans le but d’équilibrer et d’optimiser durablement la santé des personnes, des animaux et des écosystèmes, notamment, mais pas exclusivement, en prêtant attention à la prévention des épidémies dues à des agents pathogènes résistants aux antimicrobiens et des zoonoses. […] Renforcement des connaissances en matière de pandémies et de santé publique : assurer régulièrement une veille et une analyse des réseaux sociaux en vue de déterminer la prévalence et les profils des informations fausses ou trompeuses et ainsi de concevoir des communications et des messages destinés au public et de contrer les informations fausses ou trompeuses et la désinformation, renforçant ainsi la confiance du public […]. » [5]
Parmi les fondements du droit, il y a l’individualisation de la peine et la pénalisation des actes accomplis, et seulement des actes accomplis, ce qui est synonyme de l’administration de la preuve. En résumé : on ne pénalise que le délit accompli par la personne juridique qui l’a accompli réellement. Autrement dit, la pénalisation est forcément rétrospective et limitée. Limitée par quoi ? Limitée par le réel. Ces deux fondements sont des garde-fous qui permettent de contrôler les risques de dérives arbitraires de la justice en réorientant le processus juridique en permanence sur le réel de ce qui a été vraiment accompli par quelqu’un, et non sur une estimation des juges. Or, c’est justement ce type de dérive arbitraire que la nouvelle tendance de la « justice prédictive » essaie de normaliser en détachant le droit du réel et de l’exigence d’administration de la preuve. La justice prédictive, dont l’introducteur en France est le criminologue Alain Bauer, évolue dans le domaine du risque, c’est-à-dire non plus du réel en acte et accompli, mais dans le domaine du potentiel. Elle cherche à banaliser la pénalisation par anticipation, ce qui revient à transgresser les deux principes élémentaires du droit susdits : le caractère rétrospectif et individualisé du jugement. Le nouveau courant de la médecine prédictive est grevé lui aussi des mêmes défauts. Sous prétexte d’anticiper sur un risque détecté, mais non réalisé, un risque potentiel, on prendra des mesures concrètes dans le réel, non justifiées dans le présent, et en oubliant qu’un risque potentiel n’est pas une fatalité. La médecine prédictive cherche ainsi à déboulonner du fronton des hôpitaux le principe hippocratique « D’abord, ne pas nuire » (Primum non nocere) pour le remplacer par la fameuse phrase du Docteur Knock : « Les gens en bonne santé sont des malades qui s’ignorent. » La justice prédictive fait l’analogue et essaie de diffuser l’idée que « Les gens honnêtes sont des délinquants potentiels ». Ce qui est toujours vrai et toujours faux, en même temps, puisque ce n’est pas actuel, ce n’est pas réel, mais potentiel, et cela repose donc non sur des faits mais sur des représentations, ce qui permet au passage de transgresser l’individualisation de la peine et la réalité du délit en les diluant dans un potentiel délictuel collectif. La notion de « population à risque » fait la jonction entre la justice et la médecine prédictives, et permet aussi de diluer l’individualisation du traitement médical et la réalité de la maladie dans la notion de « mesures sanitaires » prises par anticipation, et s’appliquant aux individus sains, non malades et bien portants, renommés « cas asymptomatiques », autant qu’aux malades présentant des symptômes réels.
L’OMS est fille de son temps et obéit à cette tendance de la postmodernité déjà remarquée par Jean Baudrillard dans les années 1960, soit la résorption du réel dans sa représentation, le remplacement complet du territoire par sa carte, la substitution intégrale de la chose objective par le mot qui la désigne. C’est la fin du réel, la fin de toute extériorité à la parole, donc la fin des contre-pouvoirs et le règne sans partage de l’arbitraire subjectif. Ce que la psychologie désigne aussi du terme de psychose.