Le personnage de Georges Valois mériterait à lui tout seul une série de livres : voyageur politique du siècle, le jeune anarchiste rejoint d’abord l’Action française avant de créer le mouvement dont nous allons parler ici ; il se rapprochera de la gauche ensuite et finira même par devenir membre, avec son petit Parti républicain syndicaliste, du Front populaire.
Cependant, lorsque le Faisceau nait en 1925, Valois revendique l’influence de Mussolini, qui vient de prendre le pouvoir en Italie trois ans plus tôt, sur sa création.
Plutôt que de faire le lien entre le Faisceau et le Fascisme italien nous essaierons de montrer en quoi le parti français diffère, sur quelles bases il a cherché à se construire et par là même pourquoi Valois rompt avec le fascisme mussolinien par la suite. Il ne s’agit bien sûr ici que d’une rapide présentation de ce mouvement.
La naissance du mouvement, dynamique et idées
C’est en 1925 que Valois, sans rompre avec l’Action française, lance le journal qui servira d’introduction au mouvement : Le Nouveau Siècle (d’abord hebdomadaire, il devint quotidien en décembre). Son but est de réconcilier les milieux communistes avec le patriotisme et de construire un mouvement social antidémocratique, une sorte de fascisme « de gauche ».
C’est en quelque sorte la mise en pratique et la continuité du Cercle Proudhon dont il avait été un des initiateurs. Valois exprime non sans raison l’idée que les fruits de la victoire de 1918 ont été volés au peuple (qui a versé son sang) par les politiciens ventrus de la Troisième République et les ploutocrates qui n’ont jamais connu le feu. La situation est potentiellement révolutionnaire car la République ne veut pas ou ne peut pas régler les problèmes de la paix. À la base des idées économiques mais aussi de l’organisation du mouvement on trouve le corporatisme, dont Valois était considéré comme un théoricien compétent (il avait déjà tenté de créer un système s’en inspirant avant la guerre) : ainsi le 11 novembre 1925 le Faisceau est officiellement constitué en quatre sections : Faisceau des combattants, Faisceau des producteurs, Faisceau civique et Faisceau des jeunes.
Pour lui, ce système d’organisation constitue la base d’un état moderne, par opposition au libéralisme à bout de souffle, qui paraît au milieu des années 1920 au bord de l’effondrement. Il oppose l’esprit combattant, héroïque, des poilus de 14 à l’esprit bourgeois, c’est à dire mercantile, qu’il soit conservateur ou radical. Le Faisceau réclame la déchéance du parlement et tente de mettre en place des rassemblements et des réunions publiques de plus en plus importants et de plus en plus proches de Paris ; une sorte de marche sur Rome par étape pour faire pression sur les élites républicaines.
Ces réunions auront un certain succès puisque plusieurs milliers de personnes y assistent et que Valois obtient même le ralliement des anciens combattant de la Légion de [Antoine] Redier en mars 1926. À son apogée en juin 1926, le Faisceau compte près de 25 000 adhérents. La réunion publique de Reims, le 27 du même mois, attire près de 10 000 participants !
Il est surtout implanté à Paris, dans l’Est et dans la région bordelaise. Entre autres membres notables, on trouve Philippe Barrés, fils du célèbre écrivain nationaliste et Jacques Arthuys qui suivra Valois après le Faisceau et sera un des pionniers de la Résistance. Sociologiquement les adhérents sont surtout des petits bourgeois, mais aussi de nombreux anciens combattants. Les militants portent une sorte d’uniforme avec la chemise bleue.
Les campagnes politiques du Faisceau évoquent surtout la crise financière avec la faiblesse du franc et la dépendance de plus en plus grande vis-à-vis de l’impérialisme économique anglo-saxon. Le parti reste plutôt germanophobe, mais c’est un sentiment assez courant dans la plupart des milieux politiques français de l’époque.
Les temps difficiles
Mais l’apogée du parti sera bref car la situation se complique lorsque l’Action française, qui au début voyait le mouvement d’un bon œil, passe progressivement à une hostilité pure et simple. Ce revirement a plusieurs causes, mais politiquement il s’explique par le rejet de plus en plus prononcé que Valois exprime par rapport au monde bourgeois et aux idées platement conservatrice des soutiens de Maurras dans les années 20-30.
Lire la suite de l’article sur rebellion-sre.fr