La tension liée au premier tour de l’élection présidentielle est un bon révélateur des contradictions de certains. Elle fait perdre leurs nerfs aux plus calmes, comme, par exemple, les éditorialistes du Monde. Ce journal vient en effet de publier un éditorial qui illustre la décomposition qui le traverse depuis des années de manière éclatante [1].
Avant d’analyser ce texte, remarquons que ceci n’est pas complètement nouveau. On avait pu assister à un phénomène du même ordre lors de la victoire du « non » au référendum de 2005. Dans les « grands journaux » de l’époque s’était déversée une haine contre les électeurs qui avaient mal voté [2], mais aussi une incompréhension profonde de ce que signifiait ce vote [3] Mais, en 2005, ceci s’était produit après le vote. Il semble que cela se produise aujourd’hui dès avant le vote. Nous sommes donc à nouveau confrontés à une « trahison des clercs » [4].
Analyse ou propagande ?
Le premier point litigieux réside dans le titre même de cet éditorial Présidentielle : crise de nerfs nationale. Ah bon, les françaises et les français seraient malade des nerfs ? Que les français soient indécis, on peut le comprendre. D’où d’ailleurs le nombre de candidats qui sont en compétition pour le s’affronter au deuxième tour. Mais pourquoi utiliser cette expression à l’évidence péjorative, si ce n’est pour discréditer ces mêmes choix ? Que signifie donc ce titre, si ce n’est une forme de mépris pour les (futurs) électeurs ? Le seul choix possible serait-il donc entre le P « S » et les « Républicains » ?
Le malaise produit par ce titre, certes accrocheur, mais gros de toutes les confusions possibles, se renforce quand on lit les premières lignes de cet éditorial. Que l’on en juge ; après avoir rappelé le rôle central de cette élection dans notre système politique (et surtout depuis que Jacques Chirac imposa la réduction du mandat présidentiel de 7 à 5 ans), Le Monde écrit : « Les candidats des deux grands partis qui ont gouverné le pays depuis des décennies – socialistes et droite républicaine – recueillent à peine plus du quart des intentions de vote à quelques jours seulement du premier tour et sont menacés d’être éliminés. Même lors de l’élection atypique de 2002, l’on était encore très loin d’un tel effondrement. Gauche radicale et extrême droite nationaliste, qui se contentaient jusqu’à présent de faire "turbuler" le système, semblent aujourd’hui en capacité de se qualifier pour le tour décisif ».
Une partie de ce constat est vrai. Le candidat des « Républicains » et celui (du moins le candidat « officiel ») du P « S » semblent ne réunir que 26-27 % des suffrages potentiels. Mais alors, faut-il mettre cette situation sur le compte d’une irresponsabilité, consciente ou inconsciente, des électeurs ou l’analyser comme la réponse à une crise systémique ? Si l’on adopte cette deuxième hypothèse, le titre Crise de nerfs apparaît pour le moins déplacé. C’est donc vers la première hypothèse que le, ou les, auteurs de cet éditorial vont s’engager.