Voilà une information qui n’a pas fait les gros titres des journaux, et sur laquelle les médias radio et télé sont restés silencieux. En Italie [1], en Espagne, des banques sont en crises, et sont rachetées par des concurrents, bien souvent à l’euro symbolique, ou presque. On dira que, si cette nouvelle n’a pas fait les gros titres c’est qu’il n’y a pas de problèmes. À dire vrai, l’Union bancaire, créée depuis quelques années, devait être un mécanisme de résolution de telles crises. Alors, peut-on penser que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ?
Certes non, et c’est la raison pour laquelle j’ai invité Benjamin Masse-Stamberger, journaliste économique et membre du Comité Orwell et Josse Roussel, professeur à la Paris School of Business à venir en discuter dans le cadre des Chroniques de Jacques Sapir sur Radio-Sputnik.
Crises en Espagne et en Italie
En réalité, ces événements sont inquiétants à deux titres, et c’est pourquoi ils auraient une meilleure couverture médiatique. Tout d’abord parce que ces sauvetages – et c’est bien de cela dont il s’agit en réalité – seront coûteux. C’est en particulier le cas pour le sauvetage des deux banques italiennes, la Veneto Banca et la Banca Popolare di Vicenza. Dans ce cas, les « mauvaises dettes » de ces deux établissements seront transférées à un établissement particulier, ce que l’on appelle une « bad bank ». Ceci aura nécessairement un coût pour le contribuable italien, un coût estimé à 10 milliards d’euros, soit 0,6 % du PIB. Dans le cas espagnol, la Banco Santander a racheté la Banco Popular pour l’euro symbolique, mais elle a acquis aussi la totalité de l’actif, incluant les mauvaises dettes. Ce établissement pourrait bien découvrir, dans les semaines à venir, que le coût de ces opérations est loin d’être ce qui avait été initialement prévu. Il faut ajouter que les règles de répartition des coûts pourraient faire supporter une partie de ces derniers aux épargnants, alors que ceux-ci ne sont nullement concernés dans ces opérations.
Un coup de canif dans l’Union bancaire ?
Un point est ici à remarquer. Ce qui a été fait en Italie, et qui de ce point de vue est une grande différence avec ce qui a été fait en Espagne, constitue une négation du mécanisme de l’Union bancaire. Ce point a été clairement établi par Ferdinando Giugliano dans un récent article publié sur Bloomberg [2]. L’Union bancaire cherchait justement à éviter l’implication des États dans la résolution des crises bancaires. Mais, le gouvernement italien en a décidé autrement, fragilisant encore plus un mécanisme dans lequel l’Allemagne ne s’est engagé qu’avec réticence. On peut penser que ces réticences deviendront encore plus grandes avec l’attitude du gouvernement italien, et que l’Allemagne suspendra définitivement sa participation à l’Union bancaire.
Des crises révélatrices de désordres profonds...
Mais il y a une autre raison pour laquelle ces nouvelles auraient mérité de figurer en première place dans les médias français. On est en train de réaliser que ces crises bancaires impliquent que la situation macroéconomique dans la zone euro n’est pas encore revenue à la normale, loin de là. Et ceci va a contrario avec le discours lénifiant que tiennent les autorités, mais aussi les journalistes, sur cette question. D’ailleurs, si l’on regarde les encours de crédit en France et en Italie, on verra que l’on est loin d’avoir retrouvé le niveau d’avant la crise de 2007-2008.
S’il y a crise bancaire, il convient de le rappeler, c’est parce qu’il y a une accumulations des mauvaises dettes dans le bilan de ces banques. Mais, s’il y a une accumulation des mauvaises dettes, c’est parce que tout un secteur de l’économie, que ce soit les petites entreprises, ou les ménages, va mal. Une crise bancaire est toujours profondément révélatrice de problèmes bien plus profonds dans l’économie. D’où une interrogation : une nouvelle crise des banques européennes est-elle possible ?
De ce point de vue, il convient de regarder les évolutions du marché hypothécaire. Si une crise devait survenir d’ici les prochains mois sur ce marché, elle affaiblirait la position de nombreuses banques, et pourrait faire ressurgir le spectre d’une crise systémique du système bancaire dans les différents pays européens.
Pour discuter de l’ensemble de ces problèmes, j’ai donc reçu dans le cadre des Chroniques de Jacques Sapir sur Radio-Sputnik Benjamin Masse-Stamberger, journaliste économique et membre du Comité Orwell et Josse Roussel, professeur à la Paris School of Business.
Pour Benjamin Masse-Stamberger :
« Malgré ce qu’on nous dit, l’économie dans la zone euro s’améliore un petit peu, c’est vrai, mais on n’a pas un véritable redémarrage qui serait fondé sur des fondamentaux véritablement solides. On a un redémarrage qui a été effectivement fondé sur la politique qui a été menée par la Banque centrale européenne avec des injections de liquidités, une politique très expansionniste et puis à nouveau, sur de l’endettement public et de l’endettement privé. »
Pour Josse Roussel, le risque principal vient à la fois de l’évolution du modèle économique des banques mais aussi du :
« … marché obligataire. On a des marchés obligataires qui sont survalorisés, les rendements obligataires sont à un niveau historiquement bas, ce qui veut dire que les obligations sont extrêmement chères puisque les deux évoluent en sens inverse. Il y a donc un risque que ces marchés obligataires retrouvent des niveaux de valorisation beaucoup plus faibles, c’est-à-dire qu’il y ait un krach obligataire. »