La croissance de 2017, qui a été estimée par l’INSEE à 1,9 % [1], a été saluée comme « bonne » dans la presse [2] et par de nombreux économistes. Pourtant, même si les chiffres sont nettement supérieurs à ceux enregistré de 2012 à 2016, le taux de croissance pour 2017 reste inférieur aux taux de croissance du début des années 2000.
La croissance moyenne de 1998 à 2007 s’établissait à 2,4 %, soit 0,5 % au dessus du chiffre (estimé) pour 2017, et de 1998 à 2002 à 2,8 %. On constate ainsi que le chiffre estimé pour 2017 est ainsi nettement inférieur aux résultats d’il y a dix ans. Ce qui pose la question du rôle de l’euro dans ce freinage de la croissance.
1 — L’impact de l’euro sur la croissance
Le statistiques de l’INSEE montrent d’ailleurs bien ce freinage important de la croissance, et ce dès avant la crise de 2008-2009, et qui était déjà fort bien décrit dans l’ouvrage collectif publié par Biböw et Terzi en 2007 [3]. Les données disponibles montrent aussi que la crise de 2008-2009 a cassée la croissance, et que les politiques mises en œuvre à partir de cette crise ont eu un effet très délétère sur l’économie.
On peut raisonnablement penser que l’impact de l’euro ne s’est pas fait immédiatement sentir. Mais, dans les années ultérieures, l’écart de taux de change réel avec l’Allemagne s’est accru, l’Allemagne bénéficiant d’une sous-évaluation de sa monnaie et la France se trouvant progressivement en situation de surévaluation en termes réels. La publication de l’édition 2017 du External Sector Report du FMI [4] a souligné le problème posé par l’euro pour des pays comme la France, mais aussi pour des pays comme l’Italie et l’Espagne. On voit que le problème s’est même aggravé par rapport à l’édition 2016.
L’impact sur la croissance a donc été important mais progressif. On peut chercher à le calculer de deux manières différentes. Soit on considère que la France, sans l’euro, aurait continué sur la pente de 1998-2002 (avec un taux de 2,8% par an), soit on considère que l’impact de l’euro peut se calculer à travers la comparaison des taux de croissance d’avant la crise financière de 2008, avec le taux de 1998-2002 pouvant être considéré comme représentatif de la dynamique « hors euro » et celui de 2003-2007 comme représentatif de la dynamique « dans l’euro ». Dans ce cas, on est conduit à estimer à -0,8 % l’impact de l’euro sur le taux de croissance de l’économie française.
2 — Une croissance contrainte par l’euro
La détermination du freinage de la croissance permet de calculer ce qu’aurait pu être le PIB de l’économie française sans l’euro. Le freinage induit pas l’euro est probablement sous-estimé pour la période 2010-2017 car, à l’effet mécanique de l’euro est venu s’ajouter l’impact des politiques mises en œuvre soi-disant pour « sauver la zone euro », politiques qui bien entendu n’auraient pas concernées la France si cette dernière n’avait pas adhéré à l’euro. Cependant, à titre conservatoire, on gardera l’idée d’un freinage annuel de -0,8 %.
On voit donc, sur le graphique la zone orangée qui indique ce que l’économie française a perdu du fait de l’euro. Ce calcul résulte de la transposition des taux de croissance en indice, et de l’application de cet indice à la valeur du PIB pour 1997, calculé par le FMI. On constate alors que le PIB calculé sans l’effet de l’euro est en 2017 plus élevé de 12,5 % que le PIB « réel » correspondant à l’économie française au sein de la zone euro. On constate aussi que l’écart s’accroit progressivement à partir de 2003 et qu’il atteint, en sommes cumulées, 2025 milliards d’euros en 2017, soit environ 94 % de la valeur du PIB réel pour cette année. Le taux d’imposition générale en France a oscillé entre 42 et 45 % dans cette période et on peut l’estimer en moyenne à 43,5 % du PIB. Les 2025 milliards d’euros que l’économie française aurait produit si elle n’avait pas été assujettie à l’euro se seraient traduits par une recette fiscale cumulée de 881 milliards d’Euros, soit 58,7 milliards d’euros annuels. Mais, cette somme correspond à une hypothèse linéaire, qui n’est pas vérifiée. En réalité, le surcroît de recette fiscale aurait été très faible pour 2003-2005, et ne serait devenu consistant, voire important, que les années suivantes. Il n’en reste pas moins que cette somme aurait pu permettre d’engager des dépenses en investissement public et d’accroître les budgets de fonctionnement des administrations vitales (enseignement, hôpitaux, armées) et de stabiliser la dette entre 70 % et 75 % du PIB.
On peut donc mesurer ce que l’euro a coûté à l’économie française et aux français. Voilà pourquoi il n’est pas de discours s’attaquant de manière crédible aux maux dont la société, l’économie, et les structures sociales souffrent aujourd’hui en France qui puisse être tenu en négligeant la question de l’euro. Même si ces maux se représentent à nous de manière non-économique, leur source est commune : l’existence de l’euro et l’intégration de la France à l’Union Économique et Monétaire.