Cet article, dont la dernière mise à jour date de décembre 2021, raconte les coulisses économiques de BHL, qui apparaît plus comme un homme d’affaires et de médias que de philosophie. Et surtout, un fils de bien né, avec un gros, un très gros héritage.
Mais ça, on le savait déjà. Ce qu’on savait moins, c’est l’étendue de ses investissements. Et si la chemise blanche servait de blanchiment d’image pour l’investisseur capitaliste, qui gagne de l’argent avec l’argent ?
Bienvenue dans la BHL inc. !
Salles de sport, surgelés, négoce, fonds d’investissement… le philosophe millionnaire a discrètement investi sa fortune dans les domaines les plus variés, mais en a aussi dilapidé une bonne partie pour financer à fonds perdus des projets culturels.
« Je n’ai, pas plus aujourd’hui qu’hier, de sympathie particulière pour ce fameux capitalisme généralisé, totalisé, déchaîné, qu’on appelle mondialisation des échanges et de la production », assure Bernard-Henri Lévy dans son dernier livre, Sur la route des hommes sans nom, paru le 5 mai. Pourtant, ce capitalisme assure la fortune et le train de vie du philosophe millionnaire.
L’origine de cette fortune est connue : elle provient de la Becob, une société de négoce de bois créée par son père, André. Lorsque le patriarche décède, le 8 novembre 1995, la famille décide dans un premier temps de conserver l’entreprise, qui réalise alors 450 millions d’euros de chiffre d’affaires. Deux semaines après son décès, lors d’un conseil de surveillance, BHL rend hommage à son père qui « avait préparé sa succession avec beaucoup de sagesse [...] en associant son fils à ses décisions » (André avait notamment nommé BHL vice-président du conseil de surveillance). Le fils aîné promet alors de « mettre tout en œuvre pour assurer le maintien du l’identité de la Becob ainsi que sa prospérité. C’est de cette façon qu’il entend rester fidèle à la mémoire de son père », indique le procès-verbal.
Mais, deux ans plus tard, la famille change d’avis. Elle cède les 76,9 % qu’elle détient dans la Becob à Pinault Bois et Matériaux, une filiale du groupe PPR (devenu aujourd’hui Kering). Montant de la cession : 49,2 millions d’euros, indiquent les comptes. La famille aurait touché une cinquantaine de millions d’euros supplémentaires en vendant aux Pinault d’autres actifs (immobilier, filiales à l’étranger…), à en croire le livre Une imposture française de Nicolas Beau et Olivier Toscer.
Ce pactole était en partie logé dans une holding familiale baptisée Finadeux. Son capital était réparti en trois parts à peu près égales entre les trois enfants d’André Lévy : Bernard-Henri, Philippe et Véronique. Mais des désaccords apparaissent avec la sœur, qui remet en cause la stratégie de Finadeux. Finalement, en 2002, un accord est trouvé selon lequel les deux frères rachètent les actions de leur sœur. Mais ils expliquent à leur sœur que les actifs de Finadeux ne sont pas liquides, ce qui entraîne une décote de sa valorisation, qui s’élève à seulement 17,5 millions d’euros (pour 100 % du capital).
Mais le fisc, examinant la transaction, estime que les deux frères ont été plutôt pingres, et que Finadeux vaut en réalité presque le double (29,5 millions d’euros). BHL fait alors un recours devant la commission de conciliation du fisc, qui valorise Finadeux à 26,2 millions d’euros, et inflige un redressement de 169.576 euros aux frères Lévy. Toujours trop pour BHL, qui conteste ce redressement devant le tribunal de grande instance de Paris, qui, sur la base d’une expertise, valorise finalement Finadeux à 23,6 millions d’euros, et réduit donc le redressement fiscal à 119.400 euros.
Finadeux est ensuite absorbée par une autre holding baptisée Finaquatre, puis une autre baptisée BPL Finances. En 2008-09, BHL sort à son tour du capital, empochant à cette occasion 12 millions d’euros de cash. Toutefois, les statuts prévoient qu’il continue à toucher 20 % des bénéfices en échange de « l’apport de ses compétences professionnelles, son crédit et son concours, à concurrence de 50 heures par mois ». L’an dernier, BHL a finalement repris 12,5 % du capital de BPL Finances pour 347.500 euros.
Entre-temps, la fortune familiale n’a pas dormi sur un compte en banque. Selon les informations réunies par Capital, elle a été investie dans des entreprises les plus variées, en France et en Grande-Bretagne.
Dans ces investissements, BHL a pu profiter des bons conseils de ses nombreuses relations dans le CAC 40 et ailleurs. À son mariage avec Arielle Dombasle étaient ainsi invités Liliane Bettencourt et Jean-Luc Lagardère, dont il fera plus tard l’éloge funèbre. Il revendique aussi son amitié avec François Pinault, Alain Minc, Jean-Baptiste Descroix-Vernier, ou Thomas Kaplan, un milliardaire américain qui a fait fortune dans les mines d’or et d’argent... À la soirée des 20 ans de sa revue La règle du jeu, ont aussi assisté Xavier Niel, Pierre Bergé, Françoise Bettencourt, Maurice Lévy, Serge Weinberg, François Henrot, Anne Méaux… Sans oublier le frère d’Arielle, Gilbert Sonnery, qui est un des dirigeants du groupe de textile JB Martin Company.
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En 2001, BHL crée une nouvelle société aux initiales de son père André, AL Industries, pour investir dans le rachat de Picard, aux côtés du fonds britannique Candover, Claude Bébéar, Louis-Jean de Nicolay (futur sénateur LR), Bertrand Collomb (PDG de Lafarge), Richard Ortiz (héritier du groupe propriétaire de Miko et Vivagel), et une mystérieuse société panaméenne, Interinvest Atlantic Inc. BHL prend un petit ticket (1,55 million d’euros) dans le rachat par LBO (leverage buy out) de la chaîne de surgelés, alors valorisée 920 millions d’euros. À peine trois ans plus tard, Picard est revendu au fonds BC Partners sur une valorisation de 1,3 milliard d’euros. La société de BHL empoche alors 2,3 millions d’euros de dividendes.
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BHL a aussi fait de bonnes affaires dans l’immobilier. Il a longtemps habité dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés à Paris dans un appartement de 350 m², dont il est locataire à partir de 1994 (pour 6.860 euros par mois), puis qu’il achète pour 2,6 millions d’euros en 2004. Cinq ans plus tard, l’appartement est valorisé 5,4 millions d’euros dans la déclaration d’ISF de BHL pour 2009. Lors d’un contrôle, le fisc estime que le pied à terre vaut plutôt 6,2 millions d’euros, et inflige un redressement de 26.830 euros à notre philosophe. Ce dernier conteste l’addition devant le tribunal de grande instance, puis la cour d’appel, mais en vain… Finalement, l’appartement est revendu en 2010 pour 7,1 millions d’euros.
Toujours dans le quartier, BHL a aussi acheté trois autres appartements plus petits : un premier en 2001 pour 680.000 euros ; un second en 2004 pour 1,3 million d’euros ; et un troisième (qui héberge ses bureaux) en 2009 pour 300.000 euros. Encore dans ce même quartier au passé littéraire prestigieux, il a effectué de jolies plus-values en achetant puis revendant deux autres biens. L’un, acquis en 2001 pour 960.000 euros, a été revendu en 2012 pour 1,9 million d’euros. L’autre, acheté en 2011 pour 2,35 millions d’euros, a été cédé cinq ans plus tard pour 2,6 millions d’euros.
En 2012, notre philosophe a migré dans le VIIIe arrondissement de Paris, à deux pas de l’Élysée. Il y a acheté un pied à terre pour 2,9 millions d’euros, qu’il hypothèque ensuite pour 4,55 millions d’euros.
BHL affectionne aussi Saint-Paul-de-Vence, où il achète en 2002 une vaste demeure à une famille de la région, qui elle-même l’avait achetée en 1971 via un montage fictif mis en place pour tromper le fisc. Montant du rachat : 1,6 million d’euros. Mais la famille se déchirera jusqu’à la cour de cassation pour savoir qui doit encaisser le chèque de BHL… Entre-temps, notre philosophe a revendu cette villa en 2014 pour 4 millions d’euros.
Dernière terre de prédilection : le Maroc. À Marrakech, en 1998, BHL rachète à Alain Delon le palais de la Zahia, un riad ayant appartenu autrefois à John Paul Getty Jr. Montant de la transaction : 2 millions d’euros, selon les déclarations de BHL à Nicolas Beau et Olivier Toscer.
À Tanger, il rachète en 2000 un palais maure de 620 mètres carrés, qui a aussi servi de maison close. Il le fait ensuite redécorer par Andrée Putman. En 2017, il remet en vente la demeure pour 6 millions d’euros. « J’ai trop de maisons à travers le monde », explique-t-il alors. La vente n’a visiblement toujours pas abouti, car l’annonce est toujours en ligne sur plusieurs sites.
À côté de ces placements fructueux, BHL a aussi investi dans divers projets culturels lui tenant à cœur, le plus souvent en pure perte, mais qui pourrait l’en blâmer ? Heureusement pour lui, les montants investis étaient beaucoup moins élevés.
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En 2008-09, BHL investit dans Libération, aux côtés notamment d’Edouard de Rothschild, et Carlo Caracciolo. Le philosophe apporte 113.300 euros à une holding baptisée Refondation, qui devient le principal actionnaire du quotidien. Il rentre aussi au conseil de surveillance. Mais l’argent de Refondation est rapidement absorbé par les pertes récurrentes du quotidien. En 2014, Refondation est diluée à zéro au profit de Bruno Ledoux.
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Contacté, ni BHL ni son avocat Olivier Cousi n’ont souhaité faire de commentaires.
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