À la veille de la Première Guerre mondiale, un réseau sioniste occulte se désignant comme les Parushim œuvrait dans les coulisses du pouvoir politique états-unien. Il incluait des personnages aussi influents que le juge de la Cour suprême Louis Brandeis et son successeur Felix Frankfurter, et très certainement son parrain Samuel Untermeyer. Sarah Schmidt, professeur d’histoire juive à l’université hébraïque de Jérusalem, a révélé que les initiés de l’ordre des Parushim s’engageaient à devenir « soldats de l’armée de Sion » et devaient jurer : « Devant ce conseil, au nom de tout ce que je tiens pour cher et sacré, je voue ma personne, ma vie, ma fortune et mon honneur à la restauration de la nation juive. » [1]
Après avoir récolté la Déclaration Balfour dans le sang et des cendres de la Première Guerre mondiale, la même cabale a poussé l’Angleterre et les États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale, avec le même objectif, annoncé cette fois de manière quasi transparente à la une du Daily Express britannique du 24 mars 1933 : « La Judée déclare la guerre à l’Allemagne » (la Judée était l’un des noms envisagés pour leur nouvel État). Après la Seconde Guerre mondiale, ils ont tout mis en œuvre pour souffler sur les braises de la guerre froide au Moyen-Orient, et ils ont assassiné Kennedy qui voulait les éteindre.
Derrière leur image publique, les néoconservateurs constituent une secte comparable aux Parushim et autres réseaux occultes poussant les États-Unis dans des conflits mondiaux dont Israël récolte les fruits. Ce qu’ils ont voulu à travers l’opération du 11 Septembre, c’est le déclenchement d’une « Quatrième Guerre mondiale », soit le contexte nécessaire à la quatrième étape de leur projet. L’expression « Quatrième Guerre mondiale » a été employée deux mois après le 11 septembre 2001 par le néoconservateur Eliot Cohen dans un article du Wall Street Journal, puis par Norman Podhoretz, figure de proue du néoconservatisme, dans un article de Commentary intitulé « Comment gagner la Quatrième Guerre mondiale ». Podhoretz désigne l’ennemi comme « l’islamo-fascisme » et le caractérise comme plus redoutable que le nazisme et le communisme réunis.
Comme Seymour Hersh l’a souligné dans The New Yorker du 12 mai 2003, les membres fondateurs du néoconservatisme sont d’anciens étudiants de Leo Strauss, ou des étudiants de ses étudiants (ce qui inspira au New York Times l’idée de renommer ces « Neocons » les « Leo-Cons »). Il y a donc de fortes chances que la connaissance de la pensée de Strauss puisse nous éclairer sur le projet et la stratégie des néoconservateurs, et nous aider à donner un sens au 11 Septembre.
Leo Strauss (1899-1973) était un universitaire juif allemand qui émigra à New York en 1937 et enseigna la philosophie politique à l’université de Chicago de 1949 à 1969. Il existe des interprétations divergentes de sa pensée : dans Leo Strauss : Man of Peace (Cambridge University Press, 2014), Robert Howse prétend que les néoconservateurs sont de mauvais élèves de Strauss, et qu’ils ont mal lu entre les lignes des ouvrages de Strauss lorsqu’ils y ont découvert leurs propres fantasmes guerriers. Strauss serait en réalité « un homme de paix ». Catherine et Michael Zuckert, deux autres étudiants de Strauss, font de lui un amoureux passionné de la démocratie américaine dans The Truth about Leo Strauss : Political Philosophy and American Democracy (University of Chicago Press, 2008). Les titres de ces deux livres me font penser à celui de l’autobiographie d’Arlen « Magic Bullet » Specter, Passion for Truth. Il y a autant de chances de trouver « la vérité sur Leo Strauss » dans un livre écrit par des straussiens de Chicago qu’il y en a de trouver « la vérité sur le 11 Septembre » dans le Rapport de la Commission sur le 11 Septembre.
Un autre apologiste de Strauss, Benjamin Wurgaft, l’absout de l’héritage désastreux des néoconservateurs en affirmant que « le Strauss que nous connaissons grâce à ses écrits a mis en garde contre l’application directe de la philosophie politique aux politiques publiques. […] Les vrais penseurs, pensait Strauss, devraient éviter ce monde et sa tendance à compromettre la quête de la vérité philosophique. » C’est risible : quel philosophe politique découragerait ses étudiants d’appliquer ses idées ?
Si Strauss n’est pas un intellectuel juif pacifiste, comme le prétend Robert Howse, il doit nécessairement être un nazi belliqueux. C’est ainsi que William Altman, un autre auteur juif, le dépeint dans The German Stranger : Leo Strauss and National Socialism (Lexington, 2012), en s’appuyant sur sa proximité avec le philosophe politique Carl Schmitt, compagnon de route du nazisme. On a là l’équivalent des efforts puériles de John Hankey pour imputer l’assassinat de JFK aux nazis dans son film d’animation Dark Legacy (2009).
Je n’ai lu que des fragments de ces livres. Ma compréhension de Strauss doit davantage à Shadia Drury, auteur de Leo Strauss and the American Right (1999), dont les arguments sont résumés dans son interview en ligne par Danny Postel. Le livre de Drury est un bon point de départ, mais avec une seule entrée pour « Israël » dans son index, il souffre d’un angle mort obtu, déjà évident dans son titre et sa couverture. Je me suis tourné vers la lecture des œuvres clés de Strauss dans l’espoir d’apprendre ce que Drury cachait. J’ai, avec beaucoup de difficulté, parcouru une demi-douzaine de livres de Strauss. Ma conclusion générale est que Strauss est un pan-sioniste hypermachiavélique, et qu’une connaissance du Straussisme profond contribue grandement à expliquer le 11 Septembre.
Leo Strauss et le noble mensonge
Shadia Drury dénonce le caractère ésotérique et élitiste de l’enseignement de Strauss. Dans ses écrits, Strauss n’a exprimé ses opinions les plus controversées que de manière cryptique en les attribuant aux philosophes du passé – souvent à tort, selon ses détracteurs. Il ne partageait ouvertement sa véritable philosophie qu’oralement avec un cercle étroit d’étudiants, qui se trouvaient être tous juifs. Il prenait pour modèle le rabbin médiéval Moïse Maïmonide, dont les « secrets, écrit-il, ne peuvent être expliqués qu’en privé et uniquement à des individus possédant à la fois la sagesse théorique et politique ainsi que la capacité de comprendre et d’utiliser un discours allusif ». Dans What is Political Philosophy ? (1959), Strauss explique que la « connaissance », qui est l’objet de la philosophie et de la science, menace toujours l’ordre social, dont l’élément est « l’opinion ». « Par conséquent, la philosophie ou la science doivent rester l’apanage d’une petite minorité. » Les philosophes et les savants feront bien d’
« employer une manière d’écrire particulière qui permet de révéler ce qu’ils considèrent comme la vérité à quelques-uns, sans mettre en danger l’engagement inconditionnel du plus grand nombre envers les opinions sur lesquelles repose la société. Ils distingueront entre l’enseignement véritable (l’enseignement ésotérique) et l’enseignement socialement utile (l’enseignement exotérique) ; alors que l’enseignement exotérique est censé être facilement accessible à chaque lecteur, l’enseignement ésotérique ne se révèle qu’aux lecteurs très attentifs et bien entraînés après une étude longue et concentrée ». [2]
Dans Persecution and the Art of Writing, Strauss insiste sur la nécessité pour les sages de dissimuler leurs opinions aux gens du commun, afin de les protéger de la Vérité et, surtout, de se protéger des représailles.
On pourrait à la limite arguer que l’« élitisme secret » de Strauss serait une bonne chose si les élites qu’il avait en vue étaient vraiment « les sages ». Strauss le pensait probablement, mais il pensait aussi, visiblement, que seuls les juifs pouvaient prétendre à ce titre, car le cercle de ses disciples était exclusivement juif. Il estimait probablement, comme Samuel Untermeyer en 1933, que « les juifs sont les aristocrates du monde ».
Dans plusieurs livres sur Platon, Strauss a abusé du concept du « noble mensonge » de Platon (La République) pour recommander l’utilisation de la tromperie de masse en politique. « Il ne fait aucun doute, estime Shadia Drury, que la lecture de Platon par Strauss implique que les philosophes doivent retourner dans la grotte et manipuler les images. » Abram Shulsky, étudiant de Strauss, confirme dans « Leo Strauss and the World of Intelligence » (1999) que, pour Strauss, « la tromperie est la norme dans la vie politique » [3] – une règle que Shulsky a mise en pratique en tant que directeur du Bureau des plans spéciaux (Office of Special Plans), responsable de la fabrication de faux renseignements sur les « armes de destruction massive » de Saddam Hussein.
L’insistance de Strauss sur la nécessité pour les élites dirigeantes d’utiliser des mensonges et des mythes afin de contrôler les masses est une leçon bien apprise par les néoconservateurs. C’est sous l’inspiration de Strauss que Philip Zelikow, avant d’être nommé directeur exécutif de la Commission sur le 11 Septembre, s’est spécialisé dans l’art de forger des « mythes publics » marquants et durables par des « événements fulgurants » qui « moulent » les mentalités sur plusieurs générations. [4]
Strauss considérait les nations comme surdéterminées par leurs « régimes », les peuples n’étant que des masses informes sans volonté propre. Les straussiens sont donc à l’origine de l’obsession pour les « changements de régime ». D’après les straussiens Catherine et Michael Zuckert (lire ici), « la plus grande menace vient des États qui ne partagent pas les valeurs démocratiques américaines. Changer ces régimes et faire progresser les valeurs démocratiques constituent [selon les mots d’Irving Kristol] “la meilleure méthode pour renforcer la sécurité [des États-Unis] et la paix” ». C’est là, bien sûr, le sermon exotérique straussien destiné à la consommation de masse. Même les Zuckert concèdent : « L’une des questions très difficiles soulevées par la vision composite de Strauss que nous venons de résumer concerne la relation entre le côté idéaliste wilsonien et le côté réaliste machiavélique. Il y a, pour le moins, une tension entre les deux. » [5]
Strauss estimait qu’un ordre politique ne pouvait être stable que s’il était uni par une menace extérieure. Il était en cela influencé par Carl Schmitt, qui dans La Notion du politique (1927) avait défini le politique comme « la distinction entre l’ami et l’ennemi » [6]. Mais Strauss a caricaturé la pensée de Schmitt en affirmant que la cohésion organique d’une nation ne peut être maintenue que dans un état de guerre, ce qui suppose une propagande permanente visant à la diabolisation d’un ennemi, réel ou imaginaire.
Pour cette raison, Strauss était fasciné par le pouvoir de la télévision et du cinéma de façonner l’opinion publique. Il admirait tout spécialement la mythologie manichéenne des westerns hollywoodiens. Ce n’est pas un hasard si, en 1980, les néoconservateurs misèrent sur l’acteur Ronald Reagan, un homme qui a un jour défini sa vision politique en ces termes : « La différence entre le bien et le mal est aussi claire que les chapeaux blancs [ou noirs] que les cow-boys à Hollywood portaient toujours pour que vous sachiez dès le début qui était le gentil et qui était le méchant. » [7]
La vérité ésotérique de Strauss est, nous allons le voir, elle-même une façade, dont Shadia Drury et la majorité des critiques de Strauss sont dupes. Strauss, nous dit-on, pense qu’un état de guerre contre un ennemi diabolisé est nécessaire pour la cohésion organique des nations, et pour la préservation de la démocratie aux États-Unis en particulier. Les straussiens auraient appliqué cette théorie du « noble mensonge » en inventant la « guerre contre le terrorisme », un mythe particulièrement efficace en raison du caractère insaisissable de l’ennemi. Mais il est bien évident que cette « guerre contre le terrorisme » a servi à créer une psychose collective et à détruire la démocratie américaine, et non à forger l’âme collective des nations occidentales. Et que dire du nouvel ennemi, la Covid-19 ? Cette guerre contre un ennemi invisible, mutant et prétendument omniprésent – comme le diable – nous rend-elle plus soudés socialement ? C’est pourquoi l’on doit se demander si, derrière l’ésotérisme de Strauss ne se cache pas une vérité plus profonde, à savoir que l’état de guerre est un moyen d’aliénation et de contrôle des peuples. La théorie du « noble mensonge » serait elle-même un ignoble mensonge.
Il est vrai que, dans la tradition juive, contrôle et cohésion se confondent. L’identité du peuple élu est fondée bibliquement sur la haine de Yahvé contre tous les dieux, qui se traduit par une guerre latente et sournoise d’Israël contre le reste du monde. Les Lévites d’aujourd’hui savent que la menace de l’antisémitisme, constamment répétée et dramatisée, est le seul moyen de maintenir le peuple juif « séparé » et sous contrôle. Telle est sa fonction première ; « les juifs sont le peuple élu par la haine universelle », proclame le pionnier du sionisme Léon Pinsker [8].
Un double-decker pour Jérusalem
L’attachement de Strauss au judaïsme est probablement la partie la plus ésotérique de son enseignement, en ce sens qu’elle est la moins publique. Même Shadia Drury reste très discrète sur ce sujet : elle s’en tient à la fiction selon laquelle les néoconservateurs sont des impérialistes américains d’extrême-droite, et n’évoque pas le sujet tabou de leur « double loyauté ». Elle prend le « nationalisme » autoproclamé d’Irving Kristol pour argent comptant, et elle ignore que certains signataires du Project for a New American Century comme Richard Perle ont également écrit des rapports secrets à Benyamin Netanyahou recommandant une politique agressive d’expansion territoriale. Lorsqu’elle cite Harry Jaffa, l’un des premiers doctorants de Strauss, disant que « l’Amérique est la Sion qui illuminera le monde entier », le double-sens ironique du propos lui échappe. Ayant levé le voile exotérique du mythe fabriqué par les straussiens (l’Amérique est le Bien luttant contre le Mal), Drury est convaincue qu’elle voit leur vérité « ésotérique » (l’Amérique a besoin de ce mythe pour accomplir sa vocation impériale), alors qu’il ne s’agit en fait que d’un mensonge plus sophistiqué. La vérité se trouve encore un niveau en dessous.
Avec son documentaire réalisé pour la BBC The Power of Nightmares, Adam Curtis est un autre exemple d’intellectuel qui effleure à peine la mince surface de la propagande néoconservatrice et croit à l’épaisse couche de mensonges sous-jacente. Curtis pense que, pendant la guerre froide, Strauss et les straussiens voulaient fournir aux Américains un ennemi mythique et maléfique, comme moyen « de sauver le pays de la décadence morale, […] de réengager le public dans une vision grandiose du destin de l’Amérique, qui donnerait un sens et un but à leur vie ». Bien sûr, Curtis doit alors expliquer pourquoi, avec cette noble justification patriotique, les néoconservateurs ont entraîné les États-Unis dans des guerres illégitimes causant des dommages irréparables à la nation. Il n’arrive pas à se convaincre que les néoconservateurs déclenchent des guerres mondiales juste pour remonter le moral des Américains. Il spécule donc qu’ils sont stupidement tombés dans le piège de leurs propres mensonges : « Ils ont commencé à croire à leur propre fiction » (épisode 1). Et encore dans l’épisode 2 :
« Dans les années 1970 […] Paul Wolfowitz, Richard Perle et d’autres néoconservateurs avaient entrepris de réaffirmer le mythe de l’Amérique comme un pays unique, dont le destin était de lutter contre le mal à travers le monde. Maintenant au pouvoir, ils en étaient venus à croire à ce mythe. Ils se considéraient comme des révolutionnaires qui allaient transformer le monde, à commencer par la défaite de l’Empire du Mal. »
Curtis nous explique que, du point de vue des néoconservateurs, la propagande militariste et impérialiste de la guerre froide visait à maintenir l’Amérique dans un état de cohésion patriotique. Il aurait dû lire la confidence de Norman Podhoretz sur les raisons véritables : « Le soutien américain pour Israël dépendait de l’implication continue de l’Amérique dans les affaires internationales – d’où il découlait que le repli de l’Amérique dans un penchant isolationniste […] représentait une menace directe à la sécurité d’Israël. » [9]
Quand George Bush père a refusé d’envahir l’Irak et de renverser Saddam, dit Curtis, « les néoconservateurs comme Paul Wolfowitz étaient furieux », non pas parce qu’ils détestaient Saddam – pas du tout –, mais simplement parce que « c’était à leurs yeux une expression claire des valeurs libérales corrompues qui dominaient l’Amérique : un relativisme moral prêt à faire des compromis avec les forces du mal dans le monde. »
Selon lui, les néoconservateurs sont tellement fascinés par leur propre rhétorique qu’ils se sont embobinés eux-mêmes une seconde fois, cette fois pour la fausse « guerre de la terreur » qu’ils avaient inventée, toujours pour soutenir le moral des Américains. À l’origine, selon Curtis, ils avaient décidé de créer le fantasme d’un « puissant réseau du mal, contrôlé par ben Laden depuis son repaire en Afghanistan […] parce que cela correspondait à leur vision du destin unique de l’Amérique de mener une bataille épique contre les forces du mal à travers le monde. » Mais encore une fois, ils ont été victimes de leurs propres mensonges et ont commencé à les croire, ce qui les a conduits, presque innocemment, à détruire le Moyen-Orient et la démocratie américaine par la même occasion : « Les néoconservateurs étaient maintenant de plus en plus enfermés dans ce fantasme, et ensuite ils se sont mis à vouloir traquer le réseau [terroriste] en Amérique même. »
Je me demande si Adam Curtis croit ce qu’il dit. Quoi qu’il en soit, nous avons ici une bonne illustration de ce qu’on peut appeler le « mensonge à deux étages », qui permet de berner non seulement la masse, mais les plus malins. Curtis n’est pas assez bête pour croire au « noble mensonge » straussien (l’Amérique combat le Mal), mais il ne voit pas – ou feint de ne pas voir – que sa justification (maintenir le moral de l’Amérique) est un mensonge plus profond.
Cette stratégie du mensonge à deux couches est une ruse familière de ceux que Schopenhauer appelait « les grands maîtres du mensonge » (tel que cité par son célèbre disciple autrichien). Dans ce jeu dialectique, les menteurs de premier niveau peuvent compter sur les menteurs de second niveau et leurs idiots utiles – l’opposition contrôlée – pour les couvrir en feignant de les dénoncer. Par exemple, les défenseurs inconditionnels d’Israël ont besoin d’un Chomsky pour les protéger de l’accusation de trahison et dire aux intellos sophistiqués que, si Israël fait du mal aux Arabes, c’est parce que l’Amérique l’oblige à le faire (The Fateful Triangle).
Dans le cas du 11 Septembre, le double mensonge s’appuie sur le principe des complots emboités résumé dans notre film : le drapeau israélien se cache derrière deux « faux drapeaux » : sous le mensonge de premier niveau, à savoir « l’attentat islamo-arabe », est implanté le demi-mensonge de second niveau, à savoir « l’opération interne états-unienne ». C’est ce qu’expliquait le regretté Victor Thorn en 2011 :
« En substance, le “mouvement pour la vérité sur le 11 Septembre” a été créé avant le 11 septembre 2001 comme un moyen d’étouffer les informations relatives à la culpabilité israélienne. En 2002-2003, des soi-disant “chercheurs de vérité” ont commencé à apparaître lors de rassemblements avec des pancartes sur lesquelles on pouvait lire : “Le 11 septembre était une opération interne” (“9/11 was an inside job”). Au départ, ce slogan a donné de l’espoir à ceux qui ne croyaient pas aux explications absurdes du gouvernement et des grands médias. Mais cet espoir a été suivi d’une terrible désillusion : le slogan “9/11 was an inside job” est probablement le plus bel exemple de propagande israélienne jamais conçu. […] Le mantra “9/11 was an inside job” n’est que partiellement vrai et est intrinsèquement préjudiciable au “mouvement pour la vérité ”, parce qu’il détourne l’attention de la traîtrise d’Israël contre l’Amérique. »
Notons en passant que la tromperie à deux étages fut déjà la stratégie de Lyndon Johnson pour étouffer l’enquête sur l’assassinat de JFK : le grand public doit croire qu’Oswald est un tueur solitaire déséquilibré, et ce mensonge exotérique est nécessaire pour empêcher qu’une enquête ne révèle un complot soviétique et mène à une guerre mondiale (mensonge ésotérique imposé par Johnson aux administrations, et largement cru dans les sphères médiatiques et culturelles).
Les néoconservateurs ont également construit leur double discours comme un double mensonge. Quiconque pense, comme Drury ou Curtis, que les mythes exotériques et manichéens brandis par les straussiens (le « choc des civilisations », la « guerre contre le terrorisme ») sont motivés par une préoccupation pour l’Amérique (la défense de ses valeurs, de son moral, de son empire, etc.) est victime de leurs mensonges ésotériques.
La clé pour comprendre l’essence du néoconservatisme est le mot que Curtis ne prononce jamais dans son documentaire de trois heures sur les straussiens : Israël.
Le suprémacisme juif radical de Leo Strauss
C’est de Leo Strauss que les néoconservateurs ont appris la tactique du double mensonge exotérique-ésotérique pour cacher la main d’Israël, car l’œuvre de Strauss est structurée sur ce principe. C’est en tout cas la lecture que j’en propose.
Pour avoir un aperçu du sionisme secret de Strauss, nous devons nous tourner vers une source primaire : sa conférence de 1962 à la fondation Hillel, « Pourquoi nous restons juifs » (« Why We Remain Jews »), l’une de ses communications orales enregistrées et rendues accessibles au public dans les années 90, un texte que Strauss n’aurait certainement jamais accepté de publier. Strauss commence sa conférence en déclarant que, pour une fois, « je ne tournerai pas autour du pot ». Puis il révèle que « depuis très, très tôt le thème principal de mes réflexions a été ce qu’on appelle la “question juive” ». Son message principal à son auditoire juif américain est : « Retournons à la foi juive, retournons à la foi de nos ancêtres ».
Drury considère la défense par Strauss de la « foi juive » dans cette conférence comme une forme de tromperie ou d’hypocrisie, puisque Strauss est un athée déclaré et appelle ouvertement le judaïsme une « illusion héroïque » et « un rêve ». Mais l’accusation est injuste, parce qu’elle néglige les précisions que donne Strauss. Tout d’abord, Strauss précise qu’il emploie le mot « foi » (faith), au sens de « fidélité, loyauté, piété au sens latin ancien du mot pietas ». Il ne s’agit pas de foi en Dieu, mais de loyauté envers le peuple juif. Deuxièmement, immédiatement après avoir qualifié le judaïsme de « rêve », Strauss précise que « le rêve s’apparente à l’aspiration. Et l’aspiration est une sorte de divination d’une vision énigmatique ». Lorsqu’il dit que le judaïsme est « un rêve » tel qu’« aucun rêve plus noble n’a jamais été rêvé », il veut parler d’une sorte de volonté de puissance collective, un destin supérieur que le peuple juif s’est assigné depuis plus de deux millénaires.
L’idée que la foi des juifs en leur élection n’est qu’une forme d’auto-détermination est très courante parmi les intellectuels juifs. Elle est apparentée à la notion kabbalistique selon laquelle Yahvé est l’âme collective du peuple juif, chaque âme juive étant une parcelle de la divinité. Dans son Essai sur l’âme juive (1929), Isaac Kadmi-Cohen écrit que « la divinité dans le judaïsme est contenue dans l’exaltation de l’entité représentée par la race » [10]. C’est pourquoi un juif peut ne pas croire en Dieu tout en croyant en la promesse de Yahvé. Lorsque Drury reproche à Strauss de « ne s’intéresser qu’aux avantages politiques de la religion », elle devrait savoir qu’il ne s’agit pas d’une trahison de la tradition juive. L’idée que la prophétie a une « mission politique » (Strauss, Philosophy and Law) est une évidence pour de nombreux sionistes laïcs.
Le passage central de la conférence de Strauss « Pourquoi nous restons juifs » est une très longue citation de l’aphorisme 205 de Aurore de Nietzsche, consacré au « peuple d’Israël ». Après dix-huit siècles d’entraînement en Europe, dit Nietzsche cité par Strauss, « les ressources psychiques et spirituelles des juifs d’aujourd’hui sont extraordinaires ». Entre autres atouts, « ils ont compris comment créer un sentiment de puissance et de vengeance éternelle à partir des métiers mêmes qui leur étaient laissés ». Pour cette raison, dit Nietzsche :
« Il ne leur reste plus qu’à devenir les maîtres de l’Europe ou à perdre l’Europe. […] Comme un fruit mûr, l’Europe pourrait, un jour, tomber dans leur main qui n’aurait qu’à se tendre. En attendant, il leur faut, pour cela, se distinguer dans tous les domaines […] jusqu’à ce qu’ils en arrivent eux-mêmes à déterminer ce qui distingue. On les appellera alors les inventeurs et guides des Européens. » [11]
Strauss note qu’il faut maintenant remplacer dans ces phrases « l’Europe » par « l’Occident », et commente que c’est là « la déclaration la plus profonde et la plus radicale sur l’assimilation que j’ai lue ». Ce pourrait bien être, en fait, la clé de l’agenda straussien. L’assimilation comme stratégie de dissimulation dans le long travail occulte pour la suprématie d’Israël est la seule assimilation qu’approuve Strauss.
Dans cette même conférence, Strauss critique le « sionisme politique » fondé par Theodor Herzl comme appartenant au mauvais type d’assimilation, puisqu’il cherchait à créer une nation comme les autres. Si Israël devenait une nation comme les autres, l’identité juive périrait, car elle est fondée sur la différence ontologique. De plus, l’identité juive ne peut survivre cantonnée dans les frontières d’un État, car elle se nourrit de la persécution inhérente à la dispersion. Strauss, ce philosophe soi-disant athée, appelle donc à un « sionisme religieux » qui transcende à la fois le « sionisme politique » et le « sionisme culturel ». Il croit que les juifs doivent continuer d’être une nation dispersée parmi les autres nations. Cela ne l’empêche pas de louer l’État d’Israël pour avoir donné l’exemple avec sa prohibition des mariages mixtes, accomplissant « un acte de nettoyage ou de purification nationale », « une réaffirmation de la différence entre juifs et non-juifs ». Strauss a également défendu le racisme d’État d’Israël dans la National Review : le sionisme politique, écrit-il, « a rempli une fonction conservatrice » en enrayant la « marée de nivellement “progressif” des vénérables différences ancestrales » [12].
Ce que dit Strauss des « nations » en relation avec Israël prouve sa compréhension pénétrante de l’idéologie biblique. Se référant à « l’antijudaïsme de l’Antiquité classique tardive, lorsque nous […] étions accusés par les païens romains d’être convaincus de haine de la race humaine », il commente :
« Je soutiens que c’était un très grand compliment. Et je vais essayer de le prouver. Cette accusation reflète un fait indéniable. Car la race humaine se compose de plusieurs nations ou tribus ou, en hébreu, goyim. Une nation est une nation en vertu de ce qu’elle admire. Dans l’Antiquité, une nation était une nation en vertu de son respect pour ses dieux. Ils n’avaient pas d’idéologies à l’époque ; ils n’avaient même pas d’idées à l’époque. Au sommet, il y avait les dieux. Et maintenant, nos ancêtres affirmaient a priori, c’est-à-dire sans regarder aucun de ces dieux, que ces dieux étaient des riens et des abominations, que les plus hautes choses de toute nation étaient des riens et des abominations. »
Détruire les identités nationales pour soumettre les nations est la mission biblique d’Israël. L’adhésion de Strauss à ce programme biblique de domination juive du monde est la composante la moins mentionnée, mais sans doute la plus importante de l’enseignement véritablement ésotérique de Strauss, dont cette conférence communautaire et confidentielle nous donne un aperçu exceptionnel.
La deuxième composante majeure de l’enseignement de Strauss est son machiavélisme. Strauss admirait beaucoup Machiavel, le philosophe politique du XVe siècle qui rejetait la notion classique selon laquelle le pouvoir doit se fonder sur la vertu, et affirmait que seule l’apparence de la vertu comptait pour un prince. Dans ses Pensées sur Machiavel, Strauss se démarque de la tendance à relativiser l’immoralité de l’auteur du Prince, et s’accorde avec la « simple opinion » qui considère sa philosophie politique comme immorale. Relativiser l’immoralité de Machiavel, dit Strauss, « empêche de rendre justice à ce qui est vraiment admirable chez Machiavel ; l’intrépidité de sa pensée, la grandeur de sa vision et la gracieuse subtilité de son discours ». La pensée de Machiavel est si révolutionnaire, estimait Strauss, qu’il ne pouvait la livrer qu’à demi-mots : « Machiavel ne va pas jusqu’au bout du chemin ; la dernière partie du chemin doit être parcourue par le lecteur qui comprend ce qui est omis par l’écrivain. » Pour cela, Strauss est le guide, car « découvrir à partir des écrits [de Machiavel] ce qu’il considérait comme la vérité est difficile ». La vérité de Machiavel (telle que Strauss l’a découverte) n’est pas une lumière aveuglante, mais plutôt un gouffre noir que seul le philosophe accompli peut contempler sans sombrer dans la folie ou la bestialité. La vérité est que les hommes n’ont pas d’âme individuelle, et ne peuvent donc se damner ; par conséquent, il n’y a aucune limite morale à ce qu’un patriote (sioniste) peut faire pour sa nation.
Le sionisme et le machiavélisme sont des concepts si jumeaux dans la perspective straussienne que le disciple de Strauss Michael Ledeen, membre fondateur du Jewish Institute for National Security Affairs (JINSA), a émis l’hypothèse (probablement soufflée par Strauss) que Machiavel était un juif secret. « Écoutez sa philosophie politique, et vous entendrez la musique juive », écrit-il dans la Jewish World Review, mentionnant le mépris de Machiavel pour l’éthique non violente de Jésus et son admiration pour le pragmatisme de Moïse, qui a pu tuer des milliers de personnes de sa propre tribu afin d’établir son autorité [13].
En conclusion, Strauss a une vision très claire d’Israël comme d’une nation unique qui s’est auto-destinée, par une « illusion héroïque », à régner sur les autres nations, et même à les détruire spirituellement, par tous les moyens immoraux possibles. On peut qualifier sa vision de « pansionisme machiavélique », ou simplement de suprémacisme juif.
Mais en fin de compte, ce sionisme de Strauss n’est pas différent de celui d’un Ben Gourion, d’un Netanyahou, ou de la plupart des élites de l’État ou de l’État profond israéliens. Les sionistes eux-mêmes ne cessent de répéter que leur projet est biblique, et je l’ai encore lu pas plus tard qu’hier dans Israel Today : selon Aviel Schneider, « la conquête de Josué et le sionisme moderne ont beaucoup en commun », de sorte que : « Quiconque s’oppose au sionisme d’aujourd’hui, qui a émergé à la fin du XIXe siècle en réponse à l’antisémitisme croissant, ne peut pas en même temps approuver le mouvement national sioniste sous Moïse et Josué. »