Les juifs et la philosophie ont eu une relation assez compliquée. Le choc entre le « tribal » et l’« universel » ou, plus précisément, entre Jérusalem et Athènes, est inévitable. Les quelques grands penseurs juifs qui ont transcendé le tribal, tels que Spinoza ou Otto Weininger, ont été persécutés et désignés par les rabbins comme ayant « la haine de soi » et comme étant ennemis des juifs.
Des marchands sionistes contemporains insistent sur le fait d’habiller leur judéo-centrisme dans des arguments crypto-philosophiques. Bernard-Henri Lévy, par exemple, défend son bellicisme sioniste en utilisant une terminologie pseudo-« moraliste ».
Aujourd’hui je suis tombé sur une diatribe exceptionnellement banale d’Asa Kasher, un « philosophe » juif à l’université de Tel Aviv. Kasher, qui a aussi écrit le code éthique de l’IDF [IDF = forces armées israéliennes, NDT], défendait la conduite des opérations militaires israéliennes dans la récente campagne à Gaza dans un article publié dans le Jewish Review of Books.
Kasher écrit que « le Hamas viole sans aucun scrupule chaque loi du livre ». Et je me demande, quel livre ? J’aimerais savoir, au moins, quel « livre » accorde le droit à l’État juif de déplacer une nation entière au nom d’un retour au foyer juif ? Y’a-t-il un livre qui permette aux juifs de faire d’une ville une prison à ciel ouvert ? Y’a-t-il un livre qui légitime de réduire Gaza à un tas de gravats ? J’ai peur que la réponse soit affirmative. Il y en a plus d’un. Mais ces livres ne sont pas exactement des textes philosophiques. Ces livres sont les principaux textes judaïques. Le Talmud et l’Ancien Testament sont remplis de haine du goy et d’histoires de juifs et de leur Dieu déversant leur « colère divine sur les goyim ». Le judaïsme rabbinique a été historiquement très prudent dans la façon dont il traitait certains de ces vers et enseignements ignobles et barbares. Mais Israël et le sionisme ont tiré leur inspiration de ces vers génocidaires, et l’issue est visible dans le paysage urbain dévasté de Gaza.
Contrairement au peu de juifs qui ont véritablement contribué à l’humanité au moyen d’une introspection (tels que Jésus, Spinoza et Marx), Kasher préfère désigner le Hamas. Il dénonce les militants palestiniens pour avoir lancé des roquettes sans distinction sur les villes israéliennes. Je me demande si le même « Aristote casher » se mettrait en quatre pour dénoncer des militants juifs à Auschwitz s’ils avaient eu les possibilités balistiques de lancer des roquettes contre Berlin et avaient agi ainsi.
Au XVIIIe siècle, dans une tentative remarquable de formuler un impératif anthropocentrique et éthique justifié rationnellement, Emmanuel Kant présenta l’impératif catégorique : « Agis seulement d’après la maxime grâce à laquelle tu peux vouloir, en même temps, qu’elle devienne une loi universelle. »
Examinons les pensées de Kasher à la lumière de l’impératif kantien. Si l’IDF avait opéré de manière éthique à Gaza, tel que Kasher le suggère stupidement, alors toute force militaire devrait suivre la « loi universelle de l’IDF » : Aplanis des cités entières, déracine des nations, assassine des civils innocents et ainsi de suite. Il est possible qu’un juif sioniste puisse suivre un raisonnement bancal comme celui-là.
Kasher demande plus loin :
« Est-ce que la présence d’un grand nombre de non-combattants à proximité d’un bâtiment qui est directement impliqué dans des attaques terroristes sur les Israéliens immunise ce bâtiment contre des attaques israéliennes ? »
Kasher continue :
« La réponse est, et doit être, non. Israël ne peut renoncer à sa capacité à protéger ses citoyens contre des attaques simplement parce des terroristes se cachent derrière des non-combattants. S’il le faisait, il renoncerait à tout droit à se défendre. »
Consciemment ou non, le banal soi-disant « philosophe » israélien manifeste l’inverse complet d’une pensée basée sur des principes philosophiques, éthiques ou universels. À la place, il fournit un aperçu de l’ethnocentrisme tribal juif au sein duquel la « vertu » se définit seulement par les intérêts juifs.
Dans un rejet total des conventions internationales et du jugement éthique, Kasher brouille la distinction cruciale entre « civils » et « combattants » et entre l’innocent et l’acteur.
Le verdict est évident. Qu’Israël se comporte de manière immorale à maintes reprises va sans dire, mais la lecture de Kasher révèle que l’État juif manque aussi de notion d’horizon éthique. Même son autorité académique sur le sujet est entièrement incompétente.
C’est inquiétant, mais pas surprenant.