Il avait été l’un des héros de la campagne référendaire de 2005. Pour les défenseurs du TCE, il n’était qu’un bouc-émissaire fantasmé. Pour les opposants à ce traité, il représentait une véritable menace pour l’emploi en France. Un récent papier du Parisien montre que nous avions raison.
Un phénomène qui se développe
Le papier du Parisien est très inquiétant. Officiellement, une note du Ministère du Travail affirme que le nombre des ouvriers détachés a plus que tripler en cinq ans en passant de 40 à 145 mille de 2006 à 2011. Mais ce document va plus loin et estime que le nombre réel serait de 220 à 330 mille, à la fois du fait de pénuries dans certains secteurs mais aussi d’un différentiel de coût important. Outre les ressortissants d’Europe de l’Est, le Sud est aussi concerné.
Pour Jean Arthuis, le sénateur de la Mayenne, « il y a maintenant des emplois que l’on perd en raison d’étrangers qui viennent nous concurrencer sur notre propre territoire ». Le Parisien évoque un marché public de Clermont-Ferrand réalisé par des Polonais payés 5 euros par heure ainsi qu’un sous-traitant d’ERDF qui emploierait des espagnols travaillant 54 heures par semaine. Matignon a réagi en évoquant « un plan afin de mieux contrôler ces prestataires ».
Le Figaro met à disposition la fameuse note. Le quotidien rappelle qu’officiellement, 44% des détachements concernent l’industrie du bâtiment. Mais si le ministre du travail rappelle que payer au SMIC polonais en France est illégal, la CFDT évoque de « nombreuses fraudes » au point que la Fédération du bâtiment réclame plus d’inspecteurs du travail pour éradiquer cette concurrence déloyale ! Que les professionnels du bâtiment veuillent plus de contrôle indique l’ampleur du problème…
Une conséquence prévisible de la libéralisation
A force de supprimer toutes les frontières pour les mouvements des biens, des capitaux et des personnes, il ne faut pas s’étonner que des citoyens de pays où le niveau des salaires est beaucoup plus bas qu’en France viennent tenter leur chance dans notre pays (ou dans des pays où le niveau des salaires est bien plus élevé que chez eux). C’est en cela que la libéralisation avec des pays trop différents crée forcément des problèmes et une course vers le moins-disant social…
Bien sûr, la directive Bolkenstein n’a pas été mise en place (elle aurait permis à des roumains de travailler aux conditions roumaines en France) mais quand le seul agenda que la technocratie bruxelloise a est la flexibilisation des marchés du travail et la quète illusoire à la compétitivité, on peut craindre le pire. En outre, la suppression des frontières nationales permet beaucoup plus difficilement de contrôler qui rentre dans notre pays, et pour quoi faire, facilitant tous les abus.
Avec 20 ans de retard, nos dirigeants commencent tout juste à comprendre les ravages que provoque la désindustrialisatione en matière d’emplois et oublie tout juste les chimères d’une économie qui ne serait faite que de services. Elle découvre ici que les ravages de la mondialisation peuvent également frapper les services, et pas seulement les centres d’appel que l’on délocalise en Inde, au Maroc ou en Roumanie, mais aussi les emplois qui subsistent sur notre territoire.
C’est pourquoi Laurent Maisonnat a bien raison de dénoncer « le scandale des salariés européens à bas coût » sur le blog de DLJ. Tout ceci montre à nouveau que cette mondialisation anarchique ne fait que provoquer une immense course vers le moins-disant social, salarial, environnemental et fiscal.