En exergue de leur livre La Dette publique, une affaire rentable, André-Jacques Holbecq et Philippe Derudder ont choisi une citation d’Henri Ford assez subversive : « Il est une chance que les gens de la nation ne comprennent pas notre système bancaire et monétaire, parce que si tel était le cas, je crois qu’il y aurait une révolution avant demain matin. » Expliquer la création monétaire et la tutelle des banques sur l’économie, voilà la tâche qu’ont décidé d’entreprendre ces deux auteurs dans leur ouvrage.
Jusqu’en 1914, le franc était convertible en or. Le renoncement à cette convertibilité a permis aux Français et aussi aux Allemands de continuer la guerre en faisant marcher la planche à billets. Quand on vous dit que l’économie capitaliste a besoin des guerres pour prospérer, ce n’est pas une mauvaise brève de comptoir. L’idée étant qu’il n’y a pas assez d’or et d’argent sur terre pour couvrir les transactions monétaires. À cette époque, la Banque de France pouvait encore avancer au Trésor sans intérêts.
En 1973, cette possibilité est supprimée par une loi voulue par Georges Pompidou, ancien de la banque Rothschild, dont un membre de la famille avait dit en son temps : « Donnez-moi le contrôle sur la monnaie d’une nation, et je n’aurai pas à me soucier de ceux qui font ses lois. » Vœu réalisé en 1973. La possibilité de prêter à l’État est désormais exclusivement réservée aux banques commerciales ou banques privées.
La banque de France ne peut donc plus prêter sans intérêts au trésor public. Rappelons que ces prêts ont permis de financer le TGV, le nucléaire ou encore Airbus. Les banques privées ont pu à partir de cette date fatidique se goinfrer sur le dos des contribuables français.
Cette loi a d’ailleurs été confirmée par l’article 123 du traité de Lisbonne que Sarkozy a fait voter contre l’avis du peuple. Selon cette disposition : « Il est interdit à la banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres, ci-après dénommées banques centrales nationales, d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes ou organismes de la Communauté, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des États membres ; l’acquisition directe, auprès d’eux, par la banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur dette est également interdite. »
Holbecq et Derruder démontent le vieux mythe suivant : la création monétaire est le fait du prince, c’est-à-dire de l’État. Vrai pendant longtemps, totalement faux depuis 1973. À l’heure actuelle, la monnaie fiduciaire (billets et pièces) représente seulement 7 % du total de la monnaie en circulation. Ce sont en effet les banques centrales qui créent la monnaie fiduciaire.
Mais le reste de la monnaie, la monnaie scripturale (celle qui apparaît sur vos différents comptes en banque par des jeux d’écriture), relève du monopole exclusif des banques privées. Avant cette loi de 1973, une instance publique, la banque de France, pouvait accorder des crédits sans intérêts à l’État. En émettant ce crédit, elle créait de la monnaie. L’octroi de crédits est à présent le monopole exclusif des banques privées.
Les auteurs insistent sur le fait que les crédits accordés par les banques à des particuliers ou à l’État représentent de la création monétaire. Plus clairement, accorder un crédit, c’est créer de la monnaie. N’allez pas croire qu’une banque ne peut prêter que de l’argent qu’elle a déjà en épargne. C’était vrai avant le XIXème siècle. La seule obligation qu’elle a est d’avoir une certaine quantité de monnaie centrale. À défaut, elle doit se refinancer auprès de la banque centrale.
Les conséquences de cette entreprise d’escroquerie généralisée sont dramatiques. Les intérêts dus aux banques privées sont désormais colossaux et irremboursables. Si la France était restée dans le système antérieur à la loi Rothschild-Pompidou, elle ne serait pas endettée car elle n’aurait pas été obligée de contracter des crédits auprès des banques privées.
De plus, les auteurs rappellent que les actifs détenus par les administrations publiques ne sont jamais pris en compte dans le calcul de la dette publique. En les intégrant comme on le fait dans la comptabilité d’entreprise, le pays n’est pas endetté. Bayrou, qui se présentait comme un candidat antisystème, faisait donc au contraire partie de cette mascarade puisqu’il prônait une politique d’austérité. Une fois les acquis sociaux des Français abaissés, l’État aurait fait une nouvelle fois appel aux banques privées pour financer ses nouveaux investissements.
Maurice Allais, seul prix Nobel d’économie français et totalement ostracisé de la sphère des chiens de garde médiatiques, plaidait avec d’autres pour la suppression de la création monétaire ex nihilo.
Petit rappel : les banques commerciales ont le monopole de création de la monnaie scripturale qui représente 93 % de la monnaie totale en circulation. Arrêtons de dire que les banques centrales créent de la monnaie. Une chose est certaine au vu de ces chiffres : si tous les épargnants retiraient leur argent de la banque, très peu d’entre eux rentreraient chez eux avec des billets de banque. Laissons le mot de la fin à Maurice Allais qui résume tout le propos du livre : « Il est aujourd’hui, pour le moins paradoxal de constater que, lorsque pendant des siècles l’Ancien Régime avait préservé jalousement le droit de l’État de battre monnaie et le privilège exclusif d’en garder le bénéfice, la République démocratique a abandonné pour une grande part ce droit et ce privilège à des intérêts privés. »