Une note du SGDSN détaille les contours de la nouvelle stratégie des services de renseignements. Si le terrorisme demeure la principale priorité, les Gilets jaunes sont également implicitement visés à plusieurs endroits dans le document.
La stratégie nationale du renseignement. C’est ainsi que se nomme ce document, daté de juillet 2019, et mis en ligne sur le site du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), rattaché au Premier ministre. Repéré par nos confrères du Monde, ce rapport de 13 pages est l’œuvre de la Coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme et « constitue la feuille de route de Renseignement. Elle en décrit à la fois les enjeux prioritaires, les objectifs qui sont poursuivis et les adaptations qui doivent en découler en termes d’organisation », d’après le site du SGDSN.
Le document détaille « quatre grandes priorités » : « la menace terroriste », « l’anticipation des crises et des risques de ruptures majeures », « la défense et la promotion de nos intérêts économiques et industriels » et « la lutte contre les menaces transversales ». Selon le texte, ces priorités ont « vocation à être déclinées opérationnellement dans un nouveau plan national d’orientation du Renseignement (PNOR) ».
Les « crises de sécurité intérieure » font leur apparition
Si les Gilets jaunes ne sont pas clairement cités, plusieurs insinuations renvoient au mouvement social que connait l’Hexagone et qui vient de fêter ses 8 mois. « L’anticipation, l’analyse et le suivi des mouvements sociaux et crises de société par les services de Renseignement constituent une priorité », observe le texte, alors que les services de renseignements avaient eu toutes les peines du monde à pouvoir dresser une typologie clairement établie des Gilets jaunes.
Par ailleurs, cette feuille de route mentionne les black blocs, ces groupes structurés issus de l’ultragauche qui n’hésitent pas à user de violences durant les manifestations. « La montée en puissance des mouvements et réseaux à caractère subversif constitue un facteur de crise d’autant plus préoccupant qu’ils visent directement à affaiblir voire à ruiner les fondements de notre démocratie et les institutions républicaines par la violence insurrectionnelle », est-il expliqué. Le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner avait d’ailleurs dénoncé leur présence dans les cortèges de Gilets jaunes. Le document note « la captation des revendications traditionnelles que ces mouvements s’emploient à infiltrer afin de les radicaliser ».
Cette feuille de route énumère également les différentes actions violentes contre les personnes ou contre les biens comme le « sabotage » ou la « pénétration dans les enceintes protégées ». Cela en référence à la scène survenue le 5 janvier, en marge de l’Acte 8, durant laquelle des manifestants, dont certains Gilets jaunes, avaient enfoncé la porte du ministère du porte-parolat, occupé à l’époque par Benjamin Griveaux, depuis engagé dans une campagne électorale qui s’annonce tumultueuse à Paris, à l’aide d’un engin de chantier.
« La radicalisation de ces modes d’action appelle à une vigilance accrue des services de Renseignement dans leur fonction d’anticipation et de défense de l’État pour prévenir les violences de toute nature et la déstabilisation de nos institutions », est-il rappelé. Le texte fait apparaître qu’il est « essentiel pour conduire la politique de l’État de connaître les mouvements qui agitent notre vie sociale et a fortiori les courants qui traversent notre société ». Pour ce faire, il est préconisé une meilleur « connaissance de la vie locale » passant par « un lien » à entretenir avec « ses acteurs » comme les élus, le tissu associatif local ou les médias.
Enfin, le document précise qu’étant donné que les « crises de société » trouvent « une traduction particulière dans les expressions de voie publique », il faut les « anticiper » pour deux raisons : « garantir la liberté de manifestation » mais aussi « prévenir les violences » qui peuvent se retrouver dans les « manifestations festives ou sportives, voire [dans les] affirmations de vie en société » comme les « revendications d’ordre communautaire, religieux, éthique ».
Il est intéressant de noter que dans une ancienne version de la « stratégie nationale du renseignement », publiée en octobre 2014, il n’était à aucun endroit question de crise intérieure. De quoi réaffirmer l’importance du Service central du renseignement territorial, les nouveaux Renseignements généraux reformés en décembre 2014 sous l’impulsion du gouvernement de Manuel Valls, déjà au centre de plusieurs polémiques quant aux fichage des Gilets jaunes.
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