Le Congrès américain a finalement réussi à se mettre d’accord pour un relèvement du plafond légal de la dette des Etats-Unis, fixé à 14.300 milliards de dollars en février 2010, et autoriser ainsi le Trésor à émettre des obligations supplémentaires, à hauteur de 2.800 milliards.
Si les parlementaires n’avaient pas trouvé un compromis sur ce dossier, Washington aurait alors été en défaut de paiement à partir du 2 août dernier, ce qui aurait eu pour conséquence l’impossibilité pour l’Etat fédéral de verser les soldes à ses militaires, comme les traitements de l’ensembre de ses fonctionnaires.
Seulement, pour arriver à un accord, les élus démocrates et républicaines ont dû consentir à se faire mutuellement des concessions. Certes, la hausse du plafond légale de la dette a été acquise mais au prix d’une réduction drastique des dépenses publiques dans les 10 ans qui viennent, avec plus de 2.500 milliards d’économies à trouver, dont 1.500 feront l’objet d’arbitrage au sein d’une commission spéciale bipartite, chargée d’identifier les postes de dépenses qu’il faudra « sabrer ». Mais en cas de désaccord, alors des coupes automatiques seront faites.
D’où l’inquiétude de Leon Panetta, le secrétaire américain à la Défense. Déjà, le Pentagone doit trouver 350 milliards d’économies en 10 ans, ce qui est à peu près conforme à ce qui était attendu puisque le scénario de 400 milliards de dollar de coupes budgétaires en 12 ans était à l’étude.
En revanche, si la commission bipartite ne se met pas d’accord sur les économies à trouver, alors le Pentagone devra trouver non plus seulement 350 milliards mais 600 milliards de dollars supplémentaires dans les 10 prochaines années. « La multitude des défis concernant la sécurité me rend particulièrement inquiet de ce mécanisme automatique contenu dans l’accord sur le plafond de la dette » a ainsi déclaré, le 4 août, Leon Panetta.
« Si ce mécanisme apocalyptique se déclenchait, cela aboutirait à une autre série de coupes budgétaires indifférenciées, ce qui porterait atteinte à notre sécurité, à nos troupes et à leurs familles ainsi qu’à la capacité de notre armée à protéger le pays » a estimé le secrétaire américain à la Défense.
Pour l’amiral Mullen, qui est encore le chef d’état-major interarmées jusqu’au 30 septembre, ces coupes drastiques auraient « un impact dévastateur » sur la capacité du l’armée américaine à mener à bien ses missions.
Selon l’AFP, le réprésentant démocrate Michael Honda a relativisé les propos de l’officier. « Si l’amiral Mullen est sérieux quand il dit que la dette est la plus importante menace pour notre sécurité nationale, c’est le moment pour lui et le Pentagone de commencer à faire quelque chose » a ainsi affirmé l’élu, qui estime par ailleurs que le budget de l’armée américaine est le reflet de l’industrue de défense mais pas celui du « niveau des menaces ». Voilà ce qui animera les débats de la commission…
Quoi qu’il en soit, les responsables du Pentagone mettent en avant les périls que certains élus, à commencer par Michael Honda, font mine d’ignorer. Parmi les dossiers chauds, il y a notamment l’Iran et la Corée du Nord, qui poursuivent tous les deux des programmes nucléaires militaires, al-Qaïda, qui, malgré la perte de son chef charismatique, n’a pas dit son dernier mot, la situation en Somalie et au Yémen, deux pays qui tendent à devenir de nouvelles terres d’accueil pour les djihadistes, les engagements en Irak et en Afghanistan. Le tout, sans compter sur une probable « surprise stratégique »… Et puis, et surtout, sur la future compétition avec la Chine.
« En plus de tout cela, notre responsabilité est manifestement d’être capable de projeter notre puissance dans le monde afin de faire comprendre aux puissances émergentes que les États-Unis maintiennent une défense forte », a affirmé Leon Panetta, désignant ainsi, sans le nommer, l’Empire du Milieu.
Cela dit, le budget de l’armée américaine, avec 671 milliards de dollars en 2012, reste le premier du monde et représente 40% des dépenses militaires à l’échelle de la planète. Depuis 2001, les ressources allouées au Pentagone ont doublé. Et quand on dépense sans compter, on gaspille.
Selon le Centre pour les évaluations stratégiques et budgétaires, un organisme indépendant qui évalue des politiques publiques aux Etats-Unis, l’armée américaine coûte 35% plus cher qu’en 2001, tout en ayant la même structure et les mêmes capacités. En 10 ans, 46 milliards de dollars ont été dépenses pour développer de nouveaux armements qui n’ont jamais vu le jour. « C’était l’occasion de la décennie, de vraiment refinancer et moderniser l’équipement militaire, et elle a été gâchée », a estimé Todd Harrison, l’auteur du rapport. « Nous nous attendons à une baisse du budget de la défense au cours de la décennie à venir et nous n’aurons pas de nouveau une occasion similaire » a-t-il ajouté.