Avec son Décodex, Le Monde s’est proclamé organe de référence pour démêler le vrai du faux. C’est une position avantageuse. Mais cela suppose que l’on suive Le Monde aveuglément. Car pour qui ouvre les yeux il apparaîtra clairement que Le Monde n’est qu’un organe de propagande qui passe son temps à travestir la réalité.
Un bel exemple : la rédaction du Monde voudrait vous convaincre que la loi Schiappa est une bonne loi, contrairement aux rumeurs, contrairement aux fake news . Mais ce faisant le Monde vous instille de fausses informations sur la position du droit français en matière de pédophilie, que ce soit avant ou depuis la loi Schiappa.
Avant la loi Schiappa
Le Monde écrit qu’avant l’arrivée de la loi Schiappa « il fallait prouver qu’il y a eu "violence, contrainte, menace ou surprise", et ce même pour un enfant de moins de 15 ans. Il n’y avait pas, avant la loi Schiappa, de "présomption de non-consentement" qui rendrait automatique la qualification de viol pour un mineur au-dessous d’un certain âge. »
C’est un mensonge doublé d’une erreur. La loi française telle qu’appliquée par les tribunaux a toujours considéré que s’il est avéré que l’acte sexuel a été commis sur un enfant pré-pubère c’est une preuve incontestable que la victime n’a pas pu consentir et qu’au moins matériellement il y a viol ou, s’il n’y a pas pénétration, agression sexuelle. Et il ne s’agit pas de présomption de non-consentement, mais bien de preuve du non-consentement. Celui qui est incapable de consentir ne peut pas avoir consenti. Mais la rédaction du Monde ne peut pas ou peut-être ne veut pas comprendre la nuance. De même que lui échappe sans doute la distinction entre acte illicite et acte invalide : est invalide le consentement du jeune pubère lorsque l’acte lui est interdit.
Le Monde et la grande presse préfèrent continuer de vous berner lorsqu’ils vous parlent du cas de l’acquittement d’un « violeur » en novembre 2017 par la cour d’assises de Seine-et-Marne. Dans ce cas il faut savoir que la « victime » d’origine congolaise est tombée enceinte à la suite de son rapport avec son partenaire cap-verdien : elle était nubile, et donc douée du discernement qui la rendait capable de consentir à l’acte (a-t-elle consenti ? C’est une autre histoire). Ce verdict était donc correct, et ce qui ne l’est pas en revanche, c’est de monter un scandale national pour finir par faire passer au milieu de l’été une loi scabreuse.
Depuis la loi Schiappa
Car Le Monde continue de vous mentir en prétendant qu’est en cause « un article très mal compris, relatif à la notion de consentement pour les mineurs ». En vérité la loi Schiappa n’est pas « très mal comprise » par ses détracteurs. Elle est incompréhensible parce qu’elle est très mal rédigée, peut-être à dessein, par des politiciens incompétents ou malintentionnés. Voici : « Lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur de 15 ans, la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l’abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes. »
Ce texte est très dangereux, il fait courir le risque qu’un pédophile prétende que si sa victime impubère de 5 ou 6 ans était certes vulnérable, il n’a pourtant pas abusé de cette vulnérabilité en se livrant sur elle aux actes dont on l’accuse. Les deux autres manières de comprendre cet article sont hasardeuses, car le texte en devient soit anticonstitutionnel, soit complètement inutile.
Il n’est pas permis de soutenir que ce texte établirait une présomption de non-consentement de tout mineur de moins de quinze ans, même dans la seule hypothèse d’un partenaire majeur, car il s’agirait précisément de la disposition promise au départ mais repoussée par le Conseil d’État. Notons au passage que l’idée de fixer à quinze ans plutôt qu’à treize ans l’âge du discernement provenait du président de la République. Cela générait une grave confusion avec l’âge de la majorité sexuelle. Aggraver l’atteinte sexuelle en cas de pénétration était une solution, mais devant la confusion générale plus personne n’était en mesure de comprendre ou d’expliquer quoi que ce soit.
S’il s’agit, autre hypothèse, de soutenir que pour certains mineurs de moins de quinze ans, précisément ceux qui ne disposent pas du discernement nécessaire (les impubères), il n’y a pas de consentement, on en resterait à l’état du droit d’avant la loi, et le texte n’apporterait rien de nouveau. Cette interprétation n’est pas exclue, mais il vaut toujours mieux donner à un texte le sens qui le rend utile.
Reste donc notre première hypothèse, la pire de toutes : le pédophile a usé sans abuser. Si l’on me rétorque que l’abus est constitué par l’acte sexuel lui-même, je demande pourquoi alors le texte parle encore d’abus lorsque l’acte sexuel est déjà posé comme un préalable ? Non. En droit l’abus est une limite, qui renvoie à l’idée d’un droit, d’une possibilité dont il ne faut user qu’avec mesure. Comme dans le cas de la personne qui ne doit pas abuser de l’autorité tirée de ses fonctions pour séduire le mineur de plus de quinze ans.
Quoi qu’il en soit, cette loi jette la confusion dans les esprits, et ce n’est pas ce qui est attendu d’une loi pénale. Aussi, les journalistes du Monde falsifient-ils la réalité lorsqu’ils écrivent que « en aucun cas, le texte actuel ne peut être considéré comme moins protecteur que la situation antérieure ».
Début août le gouvernement a profité des vacances pour faire passer en catimini la loi Schiappa. Fiasco historique dont ce bref article ne suffit pas à rendre compte. Je voulais simplement ici saisir l’occasion de démasquer l’activité de propagande de la grande presse, en prenant l’exemple du Monde sur ce cas.
Retrouvez Damien Viguier
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