En une semaine, les mauvaises nouvelles se sont accumulées pour l’euro. Ces nouvelles sont essentiellement politiques. On ne reviendra pas ici sur les problèmes économiques de la monnaie unique, qui ont été décrits et analysés dans plusieurs notes [1].
Ces nouvelles viennent pour certaines d’Italie, ce qui n’étonnera personne vu la situation dans ce pays, que l’euro étrangle véritablement. Mais, le point important est aussi que ces nouvelles nous viennent d’Allemagne. Cela est plus intrigant, et mérite explication.
L’euro et la cour de Karlsruhe
C’est donc d’Allemagne que sont venues les premières mauvaises nouvelles. La cour constitutionnelle de Karlsruhe, qui est en réalité l’équivalent de la Cour Constitutionnelle, a reconnu que les mesures de la Banque Centrale Européenne que l’on appelle le PSPP (ou Public Sector Purchase Program) pourraient constituer une violation de la Constitution allemande [2]. La Cour de Karlsruhe a déclaré, dans ses attendus, que des « raisons significatives existaient pour que l’on considère que la BCE a outrepassé son mandat » [3].
Bien sûr, on ne doit pas s’exciter outre mesure sur cette décision. Si le Président de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a déclaré que, à son avis, ces mesures constituaient bien une violation de la Constitution, il a néanmoins renvoyé l’ensemble du dossier à la Cour Européenne de Justice. L’arrêt qu’émettra cette dernière sera alors réexaminé par la cour de Karlsruhe. On le voit, la procédure s’annonce longue. Elle durera au moins jusqu’au début de 2018, voire jusqu’à la fin du printemps. De plus, cette procédure a été initiée suite à la plainte déposée par Alexander Gauland, le dirigeant de l’AfD. Or, ce parti, qui s’est fait connaître par des prises de position anti-euro, est engagé, comme les autres, dans la campagne pour les élections législatives de septembre en Allemagne. Qu’il ait voulu réaliser une opération publicitaire est ici évident. Cependant, cette opération semble bien avoir touché un point sensible. La réaction de la cour de Karlsruhe a été rapide, et positive.
Les dirigeants de la BCE ont rapidement réagi, en cherchant à rassurer les dirigeants européens. Ils ont affirmé que les opérations de la BCE étaient parfaitement légales et correspondaient bien à son mandat. Peut-être ; il est probable que la Cour européenne de Justice ne voudra pas mettre la BCE dans une situation plus que délicate. Mais, ce jugement pourrait sérieusement limiter les marges de manœuvres de la BCE [4]. C’est donc un coup d’arrêt, ou à tout le moins un coup de semonce. Le fait qu’il vienne d’Allemagne est ici particulièrement significatif.
Où l’on reparle de l’Italie...
Cela l’est d’autant plus que, dans le même temps, un événement important avait lieu en Italie. Dans le quotidien Libero [5], où Silvio Berlusconi a envoyé une lettre ouverte le 19 août 2017, il propose rien de moins que d’instaurer deux monnaies en Italie, l’euro, qui ne serait plus utilisé que pour les transactions internationales, et la Lire, et oui, qui serait utilisée à l’intérieur du pays [6]. Ce n’est pas la première fois que l’ancien dirigeant italien fait ce genre de déclaration. Mais, c’est la première fois où il le fait d’une manière aussi politiquement articulée. Cela lui a valu des critiques acerbes, et en particulier de Romano Prodi qui lui a conseillé d’aller « se faire soigner », mais aussi de Claudio Borghi, le responsable du département économique de la Ligue du Nord.
Pourtant, et avec toutes ses contradictions, la lettre de Silvio Berlusconi est importante.