C’est en Bolivie que s’est tenue la réunion en urgence des membres de l’organisation régionale Unasur après le grave incident qui a marqué le voyage de retour du président Evo Morales depuis Moscou, dont les dommages sont encore mal mesurés par les pays européens concernés.
Les gouvernements de la région « exigent » des pays européens concernés – France , Espagne, Italie, Portugal – « qu’ils expliquent les raisons de la décision d’empêcher le survol de leur territoire par l’avion du président bolivien Morales ». C’est ce qui ressort de la « Declaración de Cochabamba », à la suite de la réunion de mercredi 4 juillet, à laquelle participaient les présidents d’Argentine, Cristina Fernández de Kirchner, de Bolivie, Evo Morales, d’Équateur, Rafael Correa, du Surinam, Desiré Delano Bouterse, d’Uruguay, José Mujica, et du Venezuela, Nicolás Maduro. Le Brésil étant représenté par le ministre Eduardo dos Santos, le Chili, Pérou, Colombie par leurs ambassadeurs en Bolivie.
La Déclaration dénonce « la flagrante violation de tous les traités internationaux qui régissent la cohabitation pacifique, solidarité et coopération » entre les États, ce qui « constitue un acte insolite, inamical et hostile ». Il s’agit d’un « fait illicite qui affecte la liberté de circulation et de déplacement d’un chef d’État et de sa délégation officielle », poursuit le texte qui affirme que « l’inacceptable restriction de liberté de Morales, le convertissant virtuellement en un otage, constitue une violation des droits non seulement vis-à-vis du peuple bolivien mais des peuples et de tous les pays d’Amérique Latine, et marque un précédent dangereux dans le domaine du droit international en vigueur ».
La Déclaration demande aussi que les quatre pays concernés « présentent des excuses publiques correspondant à la gravité des faits survenus ».
Elle fait suite à la lettre envoyée au secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, par le gouvernement bolivien demandant d’ empêcher que cette affaire soit un « précédent néfaste qui pourrait affecter d’autres chef d’État et mettre en danger la cohabitation pacifique entre États ». La qualifiant de « violation flagrante au droit international » .
Avant le sommet, les présidents Kirchner, Morales, Correa et Maduro ont pris la parole lors d’une manifestation publique devant la foule, dénonçant l’attitude des gouvernements européens impliqués dans cette affaire, dénonçant des vieux relents de colonialisme, d’impérialisme, d’arrogance…
Cette réaction est à l’aune de la colère soulevée dans plusieurs pays latino-américains, et plus que la colère les dommages engendrés par cette affaire. Tout ceci est sans doute mal mesuré par les pays européens qui en sont à l’origine, par mépris ou ignorance, comme le montrent les excuses embarrassées et finalement assez légères vue la situation, du ministre des affaires étrangères français Laurent Fabius à son homologue bolivien faisant « part des regrets de la France suite au contretemps occasionné pour le président Morales par les retards dans la confirmation de l’autorisation de survol du territoire par l’avion du Président ».
Alors même que Cristina Kirchner, a bien traduit le sentiment général de l’Amérique latine, « une humiliation à une nation sœur et au continent », et aussi un coup de boutoir dans la diplomatie et le droit international, lourd de conséquences : « Cette violation des textes des Nations unies, qui provoque un degré d’insécurité juridique très grave » a t-elle souligné. « Cela est d’autant plus significatif qu’il s’agit d’ un chef d’État, parce que s’ils font ce genre de choses avec un chef d’État connu de tout le monde, qui a accès à la presse, que peut-il arriver à un citoyen lambda du monde, que personne ne connaît ? Il peut lui arriver des choses terribles. »
Estelle Leroy-Debiasi, 5 juillet 2013