Une fois de plus émerge un schéma familier : nos « progressistes » unifiés, une véritable synagogue, un collectif de grands humanistes, prêtent leur soutien aux opprimés. Cette fois-ci c’est le « peuple syrien » qu’ils désirent libérer et leur ennemi est de manière évidente Bachar Al-Assad.
C’est un schéma que nous ne connaissons que trop bien maintenant. Avant la « guerre contre la terreur », nous avons été les témoins des intenses campagnes des groupes d’activistes féministes et homosexuels pour le droit des femmes en Afghanistan. Le type progressiste n’approuve pas non plus l’état actuel des affaires de la révolution iranienne. Trop souvent nous les entendons nous dire que nous devons libérer les Iraniens. Cette semaine, nous voyons une fois de plus le front uni de Tariq Ali, Ilan Pappe, Frederic Jameson, Norman Finkelstein et d’autres gens bien intentionnés. Ils veulent clairement que « nous libérions les Syriens ».
Ils font ouvertement campagne pour renverser le régime de Bachar Al-Assad (to topple Bashar al-Asad’s regime). Ils appellent les « peuples du monde » à faire pression sur le régime syrien afin de faire cesser l’oppression et la guerre contre « le peuple syrien ». « Nous demandons, disent-ils, que Bachar Al-Assad quitte immédiatement le pouvoir sans aucune excuse ; ainsi, la Syrie pourra commencer une convalescence rapide vers un futur démocratique. »
Nous y sommes. Ali, Jameson, Pappe, Finkelstein et compagnie, à la lumière des récentes attaques israéliennes sur la Syrie, seriez-vous assez gentils, gentlemen, de nous dire qui vous soutenez ? Est-ce Assad ou Netanyahou que vous épaulez ?
On peut se demander comment nos progressistes, malgré leur bonne volonté et leurs références humanistes, ont pu faire pour se retrouver une fois de plus au lit avec Bibi.
La réponse est en fait honteusement simple. La philosophie progressiste est la manière la plus récente et la plus avancée de se qualifier idéologiquement d’élu. S’auto-étiqueter progressiste implique de manière évidente que quelqu’un d’autre doit être un « réactionnaire », C’est un point de vue élitiste auto-proclamé qui est intrinsèquement intolérant et suprémaciste.
Le progressisme est un précepte dévoué à l’idéologie du « Tikun Olam » (fixer l’univers). Il est fondé sur l’idée que ceux qui ont des idées progressistes « savent mieux ». Ils savent ce qui est bien et mal, juste et incorrect. Le progressisme sait comment différencier entre le kosher et le taref. Les voix progressistes, dans ce cas précis, ne veulent pas voir le fait embarrassant que c’est actuellement l’armée syrienne, largement sunnite, qui combat les soi-disant « rebelles syriens », qui ne sont en grande partie qu’un rassemblement de mercenaires étrangers.
Peut-être que nos interventionnistes progressistes pourraient lire un peu plus souvent quelqu’un comme Robert Fisk ; après tout, Fisk est aussi le journaliste de langue anglaise le plus fiable dans la région. « Le mot démocratie et le nom d’Assad ne se mélangent pas très bien dans la plus grande partie de la Syrie »” nous dit Fisk, mais il continue : « Je pense plutôt que les soldats de ce qui est officiellement nommée l’Armée arabe syrienne se battent plus pour la Syrie que pour Assad. Mais ils se battent et peut-être même maintenant sont-ils en train de gagner une guerre ingagnable. »
En gardant ceci à l’esprit, je m’attendrais à ce que les intellectuels progressistes, parmi eux des historiens et politologues respectés, soient un peu plus sophistiqués et se posent un peu plus de questions avant que de donner un feu vert moral à Israël pour déclencher un nouveau conflit mondial.
Je tendrais à penser qu’il serait grand temps que nos humanistes progressistes s’engagent dans une enquête éthique préliminaire. Ils devraient se rendre compte une fois pour toute de ce qui constitue le terrain moral de toute intervention. Je pense qu’avant que vous ne prêchiez le Tikun Olam et prétendiez « rendre le monde meilleur » au nom de ce qui est habituellement cité comme étant la « société civile » et le « droit international », vous devriez considérer vous corriger en premier lieu.
Gilad Atzmon, 7 mai 2013