Alors que l’empire gastronomique d’Alain Ducasse, fervent défenseur du concept de glocalisation « (think global, act local ») [1] s’étend aux quatre coins de la planète, son implication politique, imposée par son rôle de grand chef, ne faiblit pas.
En effet, lors de la récente réouverture d’un de ses restaurants parisiens, Ducasse a mis l’accent sur la « naturalité » de ses nouveaux menus, un concept gastronomique phare pour les prochaines années. Ducasse se mettrait ainsi en accord avec ses engagements et ses croyances, notamment à travers le Slow Food. Pour lui, puisque les ressources de la planète se font de plus en plus rares, il devient donc nécessaire de les consommer « plus éthiquement et équitablement » [2].
Doit-on voir dans ce récent « coming out » un opportunisme et une stratégie marketing bien rodée, comme beaucoup le pensent, ou au contraire la continuité logique d’un engagement politique plus sérieux et relativement peu connu du grand public ? En se penchant sur cette question, on peut se rendre compte l’éco-gastronomie est devenue un outil au service d’un certain mondialisme ayant choisi de laisser une place prépondérante aux acteurs de la société civile, afin de transformer la superstructure idéologique de la société et de mieux asseoir sa domination par la gouvernance globale.
Les réseaux écolo-mondialistes d’Alain Ducasse
Peu de gens savent qu’Alain Ducasse n’est plus seulement un grand chef en avance sur son temps, un homme d’affaire avisé et un artisan reconnu par ses pairs, mais aussi un homme de réseau politiquement engagé. Et cette qualité doit être étudiée afin de bien comprendre ce que cache son discours apparemment anodin et plein de bons sentiments.
Pour commencer, rappelons que le principal employeur – et donc financier – de notre grand chef n’est autre que le Prince Albert de Monaco, membre actif de la WWF [3] et lui-même très investi dans l’écologie politique par le biais de sa fondation Prince-Albert-II-de-Monaco. Son Altesse a reçu avec Al Gore, le vendredi 23 octobre 2014 à l’université de Californie à San Diego, le prix « Roger Revelle » [4].
Roger Revelle était un scientifique précurseur de l’effet de serre et qui fut notamment le professeur d’Al Gore, lequel le considérait comme un mentor et une inspiration dans son combat « contre le réchauffement climatique ». Les liens entre le Prince de Monaco et Al Gore vont bien au-delà de ce prix puisque la fondation du Prince travaille étroitement avec le think tank du politicien américain, au nom révélateur de Global Marshall Plan Initiative. De façon similaire au plan Marshall d’après-guerre, qui avait pour but de provoquer l’intégration économique et institutionnelle de l’Europe, le Global Marshall Plan veut engendrer une intégration institutionnelle internationale [5]. Nos deux compères sont également proches du think tank de Bill Clinton, le Clinton Global Initiative, ce qui nous ramène à Alain Ducasse puisque ce dernier est également l’un des porte-voix de ce groupe de pensée mondialiste [6].
En France, le prince Albert de Monaco travaille régulièrement avec la Fondation Nicolas Hulot, qui met elle aussi beaucoup d’acteurs de la société civile en avant, tels que Pierre Rabhi ou Marc Veyrat, ou encore le cinéaste Luc Besson, producteur du fameux film Home de Yann Arthus-Bertrand, un autre promoteur passionné de la gouvernance globale [7]. Son film a directement été inspiré de la Vérité qui dérange d’Al Gore, promu et financé par le prince Charles et encensé par le prince Albert de Monaco. Il paraît donc logique de voir Alain Ducasse travailler depuis peu au coté de Nicolas Hulot dans des projets écologiques.
Nicolas Hulot partage les thèses d’Al Gore et s’est par ailleurs entretenu avec ce dernier en octobre 2013 dans le cadre de sa mission auprès du président de la République, François Hollande (il a été nommé « envoyé spécial du président de la République pour la protection de la planète » en décembre 2012) [8]. En octobre 2014, c’est avec Arnold Schwarzenegger (fondateur de l’ONG écolo américaine R20, présidée par la socialiste française Michèle Sabban [9]) et Laurent Fabius qu’il se rendra à l’Élysée invité par le Président pour assister au sommet mondial des régions pour le climat [10].
Comme nous le rappelions dans l’introduction, Alain Ducasse est membre du mouvement éco-gastronomique Slow Food de Carlo Petrini, dans lequel on trouve des financements aussi variés que les fondations Ford, Soros, Kellogs, le 11th Hour Project d’Éric Schmidt (président exécutif de Google, qui était par ailleurs le distributeur du documentaire d’Al Gore Une vérité qui dérange), le WorldWatch Institute (organisation de recherche environnementale américaine financée par la fondation Gates), mais aussi et surtout la Wallace Genetic Foundation, dont le créateur, Henry A. Wallace, fut le père de la « révolution verte » et le promoteur des semences de maïs hybride tant décriées par nos écologistes en herbes [11].
Précisons que Carlo Petrini a été nommé « Champion de la terre » par les Nations unies et que le prince Charles, président de la branche britannique du WWF, ardent défenseur de l’« agenda 21 » de l’ONU (nouvelle bible des adeptes du développement durable) et considéré comme l’idole de l’élite culinaire progressive américaine, considère, de son coté, Carlo Petrini comme son nouveau gourou.
Le mouvement initié par Ducasse dans le domaine de la gastronomie et du luxe a fini par payer, puisqu’il bénéficie d’une couverture médiatique complaisante et grandissante dans de nombreux médias anglo-saxons. C’est ainsi qu’il a reçu en avril 2013 le Lifetime Achievement Award du guide San Pellegrino (Nestlé) le World’s 50 Best Restaurant, dont le cœur idéologique ces dernières années est bien plus le naturalisme et l’écologie que la cuisine moléculaire, qui n’en était qu’une étape nécessaire, comme tend à le démontrer les récents palmarès, n’en déplaise à certains critiques gastronomiques [12] ! Le guide récompense chaque année les « éco-restaurants » durables et autonomes soutenant les produits locaux, la gestion des déchets et le bien-être des animaux afin d’obtenir un impact significatif sur le changement climatique.
Ducasse a également été nommé en 2014 Chef de l’année par le magazine GQ et intègre la huitième place du classement des Français les plus influents du monde du magazine Vanity Fair. Ces deux publications appartiennent au groupe de presse magazine Advance Publications des frères Samuel et Donald Newhouse [13].
Et 2015, il se rendra à Paris pour une grande conférence sur le climat, au cours de laquelle il mettra en avant son nouveau concept de naturalité, au milieu de tous les grands pontes de l’écologie mondialiste tels que Yann Arthus-Bertrand, Hubert Reeves, Nicolas Hulot et son colistier Pierre Rabhi, ainsi que de nombreux autres [14]. Ces hommes se reconnaissent généralement par la promotion dans leurs domaines respectifs depuis quelques années de la philosophie du « think global, act local », puisée directement du Club de Rome, dont sont inspirés la plupart des programmes écolo-mondialistes de nos chères élites.
L’écologie comme pilier politique et spirituel de l’Empire mondial
Les nombreux think tanks, ONG et autres organisations qui mettent en avant les acteurs de la société civile pour faire progresser leur agenda s’inscrivent dans la vision d’un empire mondial dont l’écologie représente l’un des piliers majeurs, à la fois politique et spirituel :
Un pilier politique, car cette forme d’écologie accompagne, sous le prétexte souvent juste mais parfois fallacieux de protection de la nature, la mise en place de structures supranationales et locales ayant pour but d’installer une sorte de néo-féodalité, dont les euros-régions de l’Union européenne semblent être une forme assez aboutie. Une tentative de concilier libéralisme et collectivisme. Un sous-système (économique) d’apparence libérale qui reste presque entièrement inscrit dans le cadre prédéterminé par des institutions internationales dirigistes [15].
Mais également un pilier spirituel reposant sur une conception panthéiste et une approche holistique d’interdépendance, qui adosse ce changement de projet de civilisation sur une nouvelle spiritualité globale conduisant à une divination de la nature (Gaïa) et prenant définitivement le pas sur la vision chrétienne anthropocentrée de l’homme. Il s’agit là d’un parachèvement de la vision maçonnique.
La promotion soudaine dans les médias des idées écologiques d’Alain Ducasse n’est évidemment pas innocente et doit être mise en relation avec celle des autres figures médiatiques précédemment citées, au service (consciemment ou pas) de réseaux puissants, organisés et directement reliés à l’oligarchie, poursuivant avec acharnement la mise en place d’une gouvernance globale.