Ouf ! Ça a été les deux minutes les plus longues de notre vie. En deux minutes, on peut dire, calmement, des choses intéressantes, et parfois, ça suffit pour dire un truc génial. Il existe des trouvailles absolues qui tiennent en quelques secondes. Mais ça suppose un esprit un peu supérieur.
« Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. »
« Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous maltraitent. »
« Je vous le dis en vérité, si vous ne vous convertissez et si vous ne devenez comme les petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. »
« Alors vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres. »
"Qu'on arrête de s'acharner sur les minorités. On demande du respect et de l'empathie." – La chanteuse, révélation musicale de l'année, @yseultofficiel pousse un coup de gueule dans #CLIQUE, dimanche à 12h40 en clair sur @canalplus. pic.twitter.com/Cw3n2P67io
— Clique TV (@cliquetv) February 6, 2021
Là, en deux minutes, la chanteuse Yseult n’a strictement rien dit. On ne sait pas où est le problème, et encore moins la solution. Qui lui a manqué de « respect » ? Les méchants ? Les maigres ? Les Blancs ? Les Blanches ? Les Français ? Les Peuls ? Les Dogons ? Merde, on ne comprend plus rien, à moins que l’indignation soit juste une posture, creuse, vide, comme une calebasse dans laquelle le dernier pois fait tonk, tonk, tonk.
Ne pas louper les deux Blanches ou non-Noires (raciseuses ?) pétrifiées qui découvrent le principe d’incertitude de Heisenberg et la détresse de l’animateur Mouloud qui essaye de jeter une bouée à son invitée qui rame, qui rame mais qui coule en direct sous son propre fardeau. Oui, l’ignorance est un fardeau, et pour ceux qui la portent, et pour les proches qui la supportent. C’est le sens de « mon joug est léger », et de « la vérité vous rendra libres ».
On était en train d’écouter les nappes sombres, profondes, poétiques d’Evilfeast sur Deezer quand il nous a fallu poser Yseult sur Google, cliquer sur vidéos, choisir le titre Noir, et s’attendre à de la souffrance. On a été servis.
« Tout est noir
Dans ma life
Serrer les dents
Toute ma life »
Les figurants miment un transport en bateau, celui de la Traite des Noirs (on met une majuscule à traite comme on en met à shoah), si on a bien compris. Donc Yseult souffre de cette ascendance, de ce déterminisme. À notre avis elle souffre d’autre chose, mais bon, on n’est pas médecins.
Laisse les morts enterrer leurs morts, Yseult
C’est drôle, nous aussi en cherchant bien on a des ancêtres morts, mais on n’instrumentalise pas la souffrance passée, la souffrance morte, qui se transmet à ceux qui en ont besoin, ou qui veulent la commercialiser. L’exemple, bien sûr, vient d’en haut, mais ce n’est pas une raison pour l’imiter. Ça manque de classe.
Les Noirs qui ont voyagé dans les cales n’étaient pas en classe affaires, les juifs dans les wagons plombés non plus, mais ils n’ont pas été les seuls à souffrir, loin de là. Pas loin de chez nous, les Anglais ont fait bosser des milliers d’enfants pendant leur révolution industrielle, qui a remplacé la révolution démocratique. Ils en ont bousillé des tonnes. Wikipédia nous en donne un après-goût :
La souplesse et la petite taille des enfants leur attribueraient des aptitudes que les adultes n’ont pas. Ils sont employés à des travaux très précis, ils peuvent tirer en rampant les berlines dans les boyaux des mines (Hercheur), nettoyer les parties les moins accessibles des machines ou encore rattacher les fils brisés derrière les métiers à tisser. Le travail est très précoce : les enfants de quatre ans sont assez recherchés afin d’être « formés » sur les machines dès qu’ils en ont l’aptitude physique.
En Angleterre, les paroisses civiles, qui ont la charge du secours aux enfants déshérités, les vendent aux industriels, par l’intermédiaire de petites annonces dans la presse, lorsqu’elles ne souhaitent plus les secourir ou font face à des surplus d’enfants. Cette traite se fait souvent sans même l’avis des parents.
Le travail est non seulement très dur, mais les enquêtes de l’époque témoignent en outre de sévices infligés par des employeurs : les membres trop courts des enfants sont adaptés à la machine par des appareillages, ils sont fouettés lorsque la cadence de production se met à baisser. Ces conditions ont des conséquences sanitaires. Comme les femmes, les enfants travaillant dans le textile sont souvent frappés par la tuberculose, du fait de la poussière et de l’humidité. Ils subissent aussi l’asthme, les allergies diverses. Les enfants souffrent plus particulièrement de scolioses et de rachitisme. D’après une enquête de la British Association de 1878, les garçons de onze et douze ans des milieux ouvriers ont une taille en moyenne inférieure de 12 cm à ceux des milieux bourgeois et aristocratiques allant à l’école.
- Crever de faim ou crever au travail
Les mômes de troisième aujourd’hui se tapent un doc incongru en classe sur la Shoah par balles, qui n’a rien à voir avec le programme à cet âge, mais ça permet d’oublier les bulldozers américains qui enterraient les soldats irakiens dans le désert, ou le body count au Viêt Nam sur les cadavres vietcongs, qui gisaient en piles avant d’être balancés dans les fosses.
Il est temps que les chialeuses de tout genre, de toute communauté, de toute couleur et de tout poil arrêtent d’essayer de nous extorquer des larmes, du fric et de la repentance avec la souffrance des autres, car ceux qui chialent le plus souffrent en général le moins. Et qu’ils regardent une fois dans les yeux ces mômes dont personne n’a rien eu à battre (mais que tout le monde a battus) et qui n’ont jamais généré de réparations d’aucune sorte.
- Des mômes mineurs en Pennsylvanie vers 1900
L’esclavage, malheureusement pour ses commercialisateurs, n’appartient à personne. Il y a des esclaves partout (par exemple en France de 2021 ceux qui portent un masque toute la journée, même tout seuls) et pour se sortir de l’esclavage, il n’y a qu’un moyen : briser ses chaînes mentales. Par exemple celles qui nous relient à des communautés plutôt qu’à l’humanité ou à une transcendance...